L'Agneau

À la gorge de feu

Aux griffes criardes

Sur son visage

Le silence de lalaine

Face au rouge

Effleure la chair

De ses lèves dissonantes

On garde toujours le meilleur pour la fin, le plus grand pêcheur pour le neuvième cercle infernal. Dans les flammes de son succès, il dansera en enfer. Celui qui a marqué tant d’esprits a sa place à mes côtés.

Quel est cet être qui satisfait tous les critères ? Un musicien comme tous les autres, un humain qui se nourrit des notes plutôt que de chair fraiche. Alors qu’il est gavé de musique, des mélodies étouffées coulent des deux bords de sa bouche. Qu’un simple musicien innocent, c’est ce qu’il prétendait être.

Toute sa vie, il n’a jamais choisi les autres, son rêve était la seule chose qui lui importait. S’il devait manipuler ou tromper pour se rendre au sommet du monde, il n’hésitait pas à le faire. À sa mort, personne n’est venu en tant qu’amis ou proches. Seulement quelques inconnus l’ont regardé dans son cercueil. Maquillé comme un pitre grossier et habillé comme un riche violoniste, les passants prenaient des photos avec son corps inerte. Un souvenir. Un souvenir d’un artiste parti trop tôt

Trop tard, certains diront.

En 27 ans, il a déjà laissé derrière lui toute une trainée de victimes que ses agents ont cachée sous une pile de billets de 100. Les médias se sont tus, les gens ont oublié comme ils oublient tout ce qui ne les concerne pas. Les nœuds coulants, eux, se rappellent encore du poids de ceux qui s’en sont servis pour s’y balancer.

Quelques petites fleurs égarées ont fini leur séjour dans son lit après qu’il ait glissé dans leur verre d’alcool quelques pincées d’une poudre magique. En bon samaritain, il prétendait les ramener chez elles afin que les bêtes avides de chair ne les emportent pas dans leur tanière. Mais, derrière ses allures d’homme à la bonté aussi pure que Jésus se cachait un serpent attendant le meilleur moment pour s’enrouler autour de sa proie. Bien serrées dans ses bras, elles devenaient ses jouets au risque de voir des photos d’elles parcourir les vastes sites d’internet. Pour éviter ce supplice, elles se donnaient encore et encore à ses griffes.

Ses jeunes femmes, c’est avec un plaisir que personne ne connait qu’il les a marquées les unes après les autres. Dès que le nouveau modèle acquis ne lui plaisait plus, il se lançait sur un encore plus récent. Par chance, sa célébrité atteignant même les plus petits villages, il pouvait se permettre de changer de poupée comme il changeait de ville pour ses représentations.

Et si elles témoignaient contre lui ?

Personne ne les croirait. Un millième de sa fortune jeté à la première cause qu’il croise et une photo de lui avec un bébé ou un handicapé mental faisaient taire tous les malheureux qui osaient douter de sa bonté. Encore maintenant, tous ceux à qui il doit son succès s’assure que ses caprices ne soient pas dévoilés au grand public.

Personne n’arrivait à la hauteur de son trône. Personne sauf la Mort. Sur son cheval blême, elle est venue lui faucher la tête d’un coup bien net. Il a vu rouler sa tête à ses pieds avant de perdre son pouvoir de persuasion. Devant lui, se tenait une de ses anciennes proies qui ne pouvait plus supporter l’idée qu’un individu aussi répugnant que lui puisse vagabonder autant qu’il lui plait. Elle ne s’est pas amusée à le torturer pendant des jours comme il avait fait avec elle, elle lui a simplement tranché la gorge et a regardé le sang infect de cet être s’introduire dans les craques du plancher.

À trop jouer avec les agneaux, certains montrent les crocs et empoignent leur arme pour mettre un terme au règne de leur prédateur.