Blog : Call me Jake. Post numéro 13 : Celui où je descends en enfer

4 minutes de lecture

Que faire quand toutes vos certitudes explosent en une fraction de seconde ? J’ai l’impression de vivre un véritable cauchemar. D’abord, j’ai été littéralement arraché de mon univers pour un monde inconnu. Tout ce à quoi j’étais habitué, mon boulot, mes loisirs, mes habitudes, ma vie entière, tout a été mis entre parenthèses. Et maintenant, j’apprends que je ne serais même pas réel. Je serais l’invention d’un jeune écrivain en manque de sensations. Même si cette information est difficile à accepter, il y a quelque chose en moi qui n’est pas étonné, qui serait prête à accepter cette farce. Comme si, quelque part, je le savais déjà, mais que j’avais évité de voir la vérité en face. Et pourtant… pourtant toute cette vie… tous ces souvenirs, je les ai vécus. Ce n’était pas un rêve ou une histoire écrite. Je me souviens de parfums, d’impressions, de sensations… Je me souviens de la douceur de la main de ma mère sur mon visage pour me rassurer après un mauvais rêve… Je me souviens de la sensation ressentie sur mon surf, dans le rouleau d’une vague, je me souviens des baisers d’Helen sur ma peau nue… Tout cela est réel pour moi… Alors quoi ? Où est la vérité ?

Ce matin, quand je me suis levé, Max était déjà parti au boulot. J’étais de bonne humeur, je repensais avec quel aplomb il avait remis son père à sa place. Je me suis fait des œufs au bacon pour le petit-déjeuner. En mangeant, j’ai regardé toutes ces feuilles qui traînaient à droite et à gauche, éparpillées sur les meubles, et j’ai décidé de ranger un peu. J’avais de bonnes intentions, je voulais faire plaisir à Max. Mon regard a été attiré par le titre d’une feuille que je venais de ramasser sous le canapé :”Jake 2.0”... Intrigué, j’ai commencé à lire… et toute ma vie a défilé devant mes yeux. Tout y était : mon enfance à Scarborough, mes jeux en forêt ou à la plage avec mes copains, les vacances chez mes grand-parents en Espagne, mes études d’ingénieur informaticien à la York University, l’accident d’avion, le décès de mes parents, ma descente en enfer, mon alcoolisme, mes bagarres, mon tatouage, le mec que j’ai envoyé à l'hôpital, ma condamnation, … Helen… tous ces détails sur Helen, à quel point je l’aimais… La souffrance intolérable que j’ai ressentie quand elle m’a quitté… Mon départ à L.A…. Tout, absolument tout s’y trouvait… Même ma taille, mon poids, la couleur de mes cheveux, de mes yeux… Tout.

Vous pouvez déjà imaginer le choc ressenti. A ce moment-là, j’ai pensé à ces histoire d’espionnage. Max faisait-il partie d’une organisation secrète qui surveille la vie des autres ? Pourquoi moi ? Je ne suis personne. A moins que mes connaissances sur l’intelligence artificielle intéressent des gouvernements pas très fan de démocratie… Je ne savais plus quoi penser. Et surtout, j’étais terriblement déçu. Max était spécial pour moi, je me sentais très proche de lui. Et puis il m’avait tellement aidé depuis mon arrivée ici…

Quand Max m’a tout avoué, c’était comme si une bombe atomique m’explosait le crâne. D’abord je me suis demandé pourquoi il me racontait cette histoire de personnage qu’il aurait créé. Puis je me suis dit qu’il me prenait vraiment pour un demeuré et ça m’a blessé, ça m’a mis dans une colère noire. J’étais tellement déçu, je tombais de tellement haut. Pourquoi mon ami me traitait-il comme ça ? Pourquoi voulait-il absolument me faire croire à cette histoire totalement rocambolesque ? Mais il avait l’air tellement sincère. Alors quoi ? Il était fou ? Il avait complètement craqué ? Mais alors, comment expliquer cette histoire de multivers ? Comment expliquer mon transfert express de Los Angeles à Londres ? Comment expliquer l’absence de ma sœur, et même du bâtiment entier dans lequel elle est censée habiter ?

J’avais quitté l’appartement de Max en trombe et je marchais à vive allure dans les rues de Newham. Je devais réfléchir. J’étais en ébullition. Une seule idée m’est apparue. Il fallait que j’aille à Scarborough. J’étais certain de trouver la réponse là-bas. Si vraiment il n’y avait aucune trace de mon passé là-bas, peu-être, alors peut-être, croirais-je à toute cette histoire. Il faudrait alors que j’accepte la vérité : que je ne suis qu’un personnage imaginaire.

J’ai sauté dans un train en direction de mon lieu de naissance. J’étais surexcité, le train n’allait pas assez vite pour moi. Une fois arrivé, j’avais pour projet de filer tout droit où se trouve la maison de mon enfance. Nous l’avions vendue peu après le décès de papa et maman. Trop de souvenirs y étaient rattachés. Si cette maison existait encore, si je trouvais une trace de notre passage dans cette ville, que ce soit à l’école où ma mère travaillait, ou au centre de recherche où mon père avait sa place, je pourrai prouver que tout ça n’était que des foutaises. J’aurai collé toutes ces preuves devant le nez de Max, qui devrait admettre qu’il a menti, et enfin m’expliquer ce qui se passe…

Le train est arrivé en gare de Scarborough vers 22h00… Il était trop tard pour entreprendre quoi que ce soit comme recherche. J’ai donc pris une chambre dans un petit hôtel près de la gare. Je devais me détendre, réfléchir posément. Pour une raison inconnue, mon tatouage me fait un mal de chien. Comme si ce serpent voulait s’arracher de ma peau.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Maxime Close ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0