L'heure bleue
— Les belles amours sont les plus vilaines.
Les gouttelettes de sueur dégoulinant de sa main me chatouillait la peau. Il serra un petit peu plus fort.
—Atroces, amères, éphémères.
Il tendit sa main libre et fit un mouvement vague. Je le regardais d’un œil fatigué.
—Est-ce que tu sais quelqu’un qui soit mort à cause de l’amour ?
Je haussai les épaules.
—Tu crois que c’est pénible ?
J’essayai en vain de détacher ma main de la sienne. Il avait les yeux cloués sur la rive embrumée. Toutes les dix secondes, il répétait les mêmes gestes : il se moucha, il sourit et prit une bouffée d’air sans me jeter le moindre regard. Il tapait parfois sur mon index, histoire de se rappeler que j'étais toujours là.
—Mourir, je crois que c’est comme cette nage fatale. On se sent rapproché petit à petit de la surface, nos poumons crient pour de l’air. Soudain, on nous tire vers le fond. On essaie de se battre, et puis ce sentiment d’impuissance, cette lamentation sinistre qu’on réprime au fond de sa gorge. Et puis…
Il se tourna brusquement, je croisai mes bras derrière mon dos.
—On commence.
—On recommence, murmurai-je en tremblant.
Je le scrutai, en train de préparer des gouaches saignantes et des pinceaux aiguisés. Il prit son canevas, le déposa juste devant lui sur le pavé et me sourit. Je ne souris pas. Je me tournai vers la quai et je fermai les yeux.
—Que vois-tu ?
—De l’eau, de l’eau partout.
Sa respiration devint monotone, le froufrou de ses vêtements agaçant.
Il dessinait.
—Et ?
—Je ne peux pas ouvrir les yeux. Je suis dans l’eau. Je ..
Ma main se crispa sur le ciment. Le froid me mordit les bouts des doigts et je peinais à reprendre.
—Le soleil se lèvera dans quelques minutes, chérie.
—Je suis l’eau. Je suis partout. L’eau est partout, dans mes veines, dans mes poumons et dans mon cerveau. Je me noie dans ce “je”. Il est si vaste mais si colossale qu’il m’emporte avec ses vagues.
Il se racla la gorge puis je crus voir ses sourcils se froncer en disant :
—Tout doucement. Tu me jettes un tas de détails au visage.
—Pardon.
Le mot puait. Il me brûla les lèvres et piqua la gorge.
Je me passai la main sur ma chevelure hirsute.
—Et puis, je meurs.
J’ouvre les yeux en laissant une larme récalcitrante se dégringolait sur mes joues.
—Chérie.. me dit-il d’un ton réprimandant.
Je ne veux pas mais je dois le faire.
—L’eau entre partout. Par mes yeux, par mes oreilles, ma bouche. Je me sens plein de cette eau et ceci n’a aucun sens car je suis l’eau. C’est.. C’est comme si je mourais pour redevenir l’eau. Je me tuais pour revivre le même enfer.
Je pouvais sentir une paire de yeux me fixer depuis les hauteurs des immeubles sur les rives. Un regard clandestin et infâme.
—Tu souffres ?
—J’ai besoin d’air.
Je me passai l’index dans l’espace entre mes doigts pour me calmer.
—Ce n’est qu’un cauchemar, ce n’est qu’un cauchemar.
Philippe murmura :
—Tu me vois encore ?
Je ne dis rien.
—Que vois-tu ?
—Une tâche jaunâtre. Un feu en agonie, j’y touche et puis la flemme se répandit dans tout mon corps.
Je ris en laissant ma tête se reposer sur le garde-corps derrière moi.
—Je me suis jetée dans l’eau pour mettre fin au feu. Je ne fus que l’attiser. Et puis mes cendres se répandent dans l’eau. Je me suis brûlée pour rendre l’eau sacrée mais je me suis rendu compte que je l’ai maudite.
—Ça suffit.
Je me recroquevillai pour sangloter à mon aise. Avec chaque retouche qu’il ajoutait à son canevas, une pétale flétrit, tomba et se brûla dans l’eau maudite.
***
—Allons-y, dit-il en l’enveloppant de ses bras.
Leurs silhouettes s’évanouissent dans l’horizon.
—T’es sûr ? Lucien balbutie, en se courbant derrière le grand pin. Je perds de vue le couple, qui se dirigent vers l’Ouest.
—Sûr de quoi ? murmuré-je.
Il se masse les tempes et puis dit :
—Qu’ils soient … les gens qu’on cherche ?
Je soupire. Il soupire aussi.
—Arrête de me fixer avec ce regard plein de pitié.
—Ça devrait être pénible. Tu souffres, là-bas ?
Je fronce les sourcils.
—Je prendrai ton silence pour un oui.
Je me mets à suivre le trajet que l’artiste et sa bien-aimée prirent. Avec chaque pas, je mets de la distance entre Lucien et moi.
—Je ne vais pas me répéter quand même …
Il est encore assis. Il prend un magot de la terre et le rapproche de sa bouche. Je prends une pierre et la lui lance. Il l’évite avec habileté.
—C’est toi qui m’a encouragé à commencer cette quête insensée, putain !
Il passe sa main sur sa nuque.
—Tu veux vraiment te rendre chez eux, frapper à leur porte et leur demander des…
—On pourrait essayer, quand même !
Il soupire. Je jette encore un autre caillou.
—Ce n’est pas comme ça que tu retrouveras Madeline, connard. Pas maintenant.
Il se met sur son séant et me rejoint, me prend le caillou de la main et le met dans sa poche.
—Fais-moi confiance. Je sais exactement quand.
***
—Bon.. Cela veut dire que tu es un meurtrier ?
Il haussa les épaules.
—Serial killer ou pas ?
—Je ne blesse que lorsque c’est nécessaire.
Elle murmure un “oui, bien sûr” inaudible.
—Et tu blesses comment ?
Il la scrute avec ses yeux impassibles.
—Tu veux quoi encore ?
—Donc tu voles et tu “tues” quand c’est nécessaire ?
Le voleur-qui-ne-tue-que-quand-c’est-nécessaire essaie de l’éviter du regard. Ils étaient cachés, derrière les bruyères.
—Je ne crois pas que tu sois un meurtrier approuvé par les journalistes et la police. Je ne t’ai jamais vu sur les journaux.
Il se rapproche de son visage. Il inhale l’air et le rejette, mêlé d’une odeur odieuse de magots et d’alcool, et lui remettant une mèche au derrière de son oreille, lui glisse ses mots :
— Ne t’inquiète. Tu verras très bien dont je suis capable.
Et puis, un sentiment l’a traversé comme une flèche. Un sentiment feint de .. regret mêlé de ce même poisonneux remords. C’est trop tard.
Trop tard.
N'essaie pas de réincarner les cendres.
Trop tard.
—Regarde. Des enfants sont déjà là-bas.
Madeline plie les yeux. Le soleil s’est déjà volatilisé, laissant le noir leur chatouiller et répète les sens.
C’est à ce moment là qu’elle les voit. Elle sourit. Elle le savait.
—T’inquiète, monsieur le meurtrier…
—Je m’appelle John…
—Laisse-moi l’affaire des petits.
Les deux écoutent les pas discrets de Lucien et Vincent. Ces derniers ont déjà frappé à la porte de la cabine.
C’était une maison isolée du monde, qui donnait sur le fleuve de la ville.
Le coin parfait pour un oubli, un meurtre, un regard bleu.
***
—Madeline, répète l’artiste qui a l’air fantomatique.
Vincent hoche la tête. La femme faisait bouillir de l’eau dans la cuisine. “Pour faire du thé”, a-t-elle dit en leur serrant la main.
Lucien n’a pas aimé ce moment presque intime où elle a failli brisé les os de sa main de Dracula, sa main fébrile et blanche. Il a presque vu du sang l’imprégner. Et lorsqu’il a rencontré ses yeux marron, elle criait déjà. Elle criait et seul lui pouvait l'entendre. Il a trouvé son sang tiède et presque... Dégoûtant. Des traces sous les yeux de la femme, ses mouvements cacophoniques.
Il sait très bien qu'il n'était pas le seul Dracula à exister dans la pièce.
—Le thé est prêt, dit-elle avec une mélodie triste. Le ton d’un bourreau qui est sur le point de voir la mort pour la millième fois.
—Merci, chérie.
L’artiste. C’est un homme dans le début de sa cinquantaine. Il n’a pas de rides. Il porte un masque rigide soigneusement fabriqué avec une porcelaine qui a perdu son éclat. La femme, sa muse, semble beaucoup plus morne que son …
—Nous sommes mariés depuis vingt ans.
…que son mari.
Vincent fit un signe approbatif de la tête.
—Nous n’avons pas eu le moindre problème. Je l’aime, elle m’aime. C’est vrai, n’est-ce pas ?
Sa main déterminée cherche avec désespoir celle de sa femme. Debout derrière lui, elle évite son regard et son toucher.
Elle rencontre le regard de Lucien encore une fois.
—Et vous avez… des enfants ?
Elle racle sa gorge. Elle quitte la pièce.
—Je vais vous préparer un thé à la camomille. C’est délicieux.
L’artiste la contemple avec un œil rêveur.
—Non. Nous n’avons pas d’enfants.
Sa femme s’arrête d’un retrait violent, met sur la table la théière et le foudroie du regard.
—Chérie…
—Nous serons dehors, en train de fumer. Vous pouvez… prendre votre temps.
Il fait noir, absurdement noir. Pas de lumière pour les guider.
—Pourquoi tu leur as demandé cette putaine de question ? Tu sais déjà la réponse, bon sang !
Vincent croise les bras.
—Donne-moi une cigarette.
—Je ne fume jamais moi.
Il passent un moment à regarder le ciel nocturne.
Un fracas de verre s’annonce. Et puis un cri. Le son d’un couteau qui s’enfonce dans quelque chose. Un cri masculin, presque un sanglot.
Ils firent éruption dans la maison…
—Je te tuerai …
Philippe est sur ses genoux, serrant dans ses bras le grand canevas bleu que sa femme avait écorché avec un couteau.
—Je te jure… Je te tuerai.
Et puis …
—METTEZ-VOUS PAR TERRE. MAINTENANT…
John rejoint la scène, un pistolet à la main.
Lucien presque rit alors que Vincent l’entraîne vers la terre.
—Ne bougez pas ou je tire …
—Madeline, ma fille Madeline. On a une fille, c’est Madeline.
John fait hâte et plaque son pistolet sur la tête de la femme.
—Allez, toi. Va chercher ta valise. Celle où tu caches ton argent. VITE, ou je lui fais éclater la cervelle.
Philippe regarde toujours le sol, médusé. Il enveloppe de ses mains le canevas et puis laisse entendre un sanglot qui se transforme petit à petit à un hululement.
—Madeline n’est pas ma fille, dit-il les larmes dégringolant de ses yeux. Je ne pourrais jamais donner vie à un monstre.
John fait bouger le pistolet en direction de la tête de la femme.
Elle écarquille ses yeux marron. Identiques à ceux de sa fille. C’est alors qu’elle laisse entendre un murmure strident :
—Madeline, je sais que tu es là. Viens ici, viens me voir avant qu’on m’enterre.
Silence. Sanglot. Silence. Sanglot.
John donne un coup de poing à la pauvre femme. A la pauvre muse.
Vincent se met sur son séant mais avec un regard furieux du voleur, reprend sa position.
—Maddy, ma petite Maddy. Qu’ai-je fais pour être maudite avec un homme sans cœur et une fille qui ne m’aime pas ? Qu’ai-je fait, Dieu ? Tue-moi, monsieur. Tire-moi avec toutes tes armes. Tire-moi mille fois.
John s’écrie alors :
—DIABLE DE FILLE, VIENS ICI.
La femme se débat furieusement. Comme si elle est possédée. Maudite de survivre l’amour létal de son mari.
Pas de bruit. Air lourd, pluie dehors.
—TUE-MOI. Vas-y. Tue-moi. Je ne souffre plus. Je ne sens plus rien. TUE-MOI.
—NON NON NON. Ne la touche pas. Je ne peux pas … Mes dessins… Que vais-je dessiner moi ? Ma muse… Ma jolie muse.. Ma charmante muse…
La femme.
Elle s’appelait Marie.
Avant de l’avoir rencontré.
Maintenant, elle est la “muse”.
Il regarde le canevas. Une longue déchirure sur le visage décortiqué, bleu de sa pauvre muse. Combien il l’aimait ! La femme, peut-être. Mais la muse, oui. La façon avec laquelle elle laissait ses émotions peindre ses joues, son nez et ses yeux. Ses mains effilés, ses lèvres roses. Tout ça, il l'aimait voir revivre sur ses dessins. Ses yeux qui versaient beaucoup de larmes.
Ses cauchemars devenaient les songes de son mari. Ses douleurs ? Les pigments de sa palette. Son sang, la gouache qui tachait ses mains opiniâtrement.
Madeline les regarde depuis la porte. Ce sentiment.. Celui qui l’avait poussé à quitter cette maison au premier lieu.
Si Marie est la muse de son père, qui est-elle ?
Personne.
Elle est personne.
Il avait essayé de faire d’elle ce qu’il voulait. Mais ce n’était pas comme ça que les choses marchaient. Madeline n’est pas une patte à modeler ordinaire. C’est le genre à te donner toutes les peines du monde, à coller partout, à devenir tout et rien à la fois.
Elle est flexible mais pas modelable.
Et sa mère...
Elle l’aime. Elle l’aime avec tous les fragments et les cendres de sa conscience, raison et cœur. Elle l’avait mise au monde, oui. C’est pourquoi cette histoire misérable à commencer, oui. Mais elle voulait la protéger de Philippe. Du démon de l’artiste en lui. De ses pinceaux tranchants. Elle n’a pas réussi, elle s’est enfuie et l’a laissée seule face à la nage fatale…
Le tonnerre gronde ailleurs. Dans un lieu où l’eau coule sous les ponts, et non pas l’inverse.
Et puis…
Noir. Obscurité. L’électricité décide de rejoindre ce jeu fatal.
—MERDE. Madeline, tu veux jouer ? Je les tuerai tous. TU M’ENTENDS ? TOUS !
Un petit rire la traverse. Comme ce train qui te traverse toujours et ne te tue jamais.
Elle s’approche de la pièce, avec des pas de loups. Des pas hésitants qui heurte le sol tremblant de son âme, plein de failles.
—C’est vrai. Elle a raison.
Elle s’arrête. La voix de son père parait plus amusé que craintive.
—Tue-la. Je n’ai plus besoin d’elle.
Un son.
Un son qu’elle n’a jamais entendu. Un son dont on a toujours parlé. Un son qu’on a du mal à décrire parce que ce n’est pas quelque chose qu’on décrit. C’est quelque chose qu’on vit. Qu’on respire. La légère fumée, ou peut-être qu’il n’y a pas de fumée. Et pourquoi ce goût métallique dans sa bouche ? Cette sensation de tomber dans un abîme. Un vide l’étrangle.
Mais dans le vide, elle sait que la balle d’un pistolet ne fera peut être pas aussi de vacarme. Sa tête est vide. Un désert sans oasis.
Pourquoi ? Pourquoi sent-elle qu’elle saigne ?
Elle touche sa poitrine, ses côtes, sa nuque, sa bouche. Pas un seul trait de sang.
Elle ne respire pas. Elle arrache l’air autour d’elle mais elle ne le sent pas rafraîchir ses poumons.
—Papa ?
Un cri. Un autre cri, féminin cette fois.
Elle se rapproche. Elle le tuera. Elle le tuera. Elle le tuera.
La femme pleure. John cherche les millions cachés que Madeline lui a promis. Vincent et Lucien se sont jetés sur le cadavre de Philippe. Il l’emporte dehors, où un lampadaire au dessus de la maison clignote.
Madeline se rend compte qu’elle est restée seule avec le meurtrier dans la maison. Il cherche dans le premier étage.
Elle le suit.
—Merde, merde, merde, répété-t-il.
Elle sourit presque.
Le froufrou des vêtements.
—Y a quelqu’un ?
Le sang sur ses mains. Elle a touché la flaque. Elle a passé la main sur ses joues, sur son front. Sur ses cheveux. Sur tous les traits qu’elle a hérité de lui. Mais ce n’est pas suffisant.
Les larmes.. Ce sont du sang aussi. Elle en est sûre. Elle saigne en pleurant silencieusement.
—Coucou John.
Si, coquette. Tu as adoré. Tu te rappelles. Mettre fin à ce microbe.oqueur. Ce regard qu’elle a essuyé depuis qu’elle l'a rencontré dans un cabaret et qu’il lui a demandé de l’accompagners chez ses parents.
“Ça sera une visite spéciale, pour eux et pour nous”, a-t-elle dit en riant.
Il l’a vu vider la seringue dans ses veines. Savourer ce moment de souffrance, de délire. Ce moment de rouge et de bleu et de jaune. Mais aussi de cyan et de magenta et d’abricot et de bleu ciel et de jaune flamboyant.
—Ça, c’est pour Philippe.
Un coup.
—Ça, c’est pour Marie.
Un autre coup.
—Ça, c’est pour m’avoir appelé par mon nom.
Un troisième coup. Du verre qui se brise. La voix de sa mère qui hulule. Vincent qui appelle son nom. Le tonnerre qui chante dehors.
La lumière revenant, elle se rend compte du massacre qu’elle vient de faire.
Le sang de John est partout. Sur les draps. Sur ses pieds. Ses mains. Ou est-ce le sang de Philippe ?
Que sait-elle ?
Elle a peur. De ce qu’elle est sur le point de devenir.
Elle s’approche de lui et…
—Excuse-moi. J’ai besoin de la casquette. Et des lunettes.
Elle trébuche en mettant ce nouveau masque qui ne lui appartient pas. Ce masque de meurtrier.
Mais n’a-t-elle pas tué avant ?
Elle l’a… Non. Elle ne l’a pas aimé.
Si, coquette. Tu a adoré. Tu te rappelles ?
You enjoyed every bit of it.
The fire.
The fire.
The fire.
Elle rit.
Elle rit car elle est dans sa chambre.
On l’a changé. Plus de posters. Plus de livres sur les étagères, plus de pots de plantes carnivores. Plus de rien.
Juste du sang d’un meurtrier qui a tué un autre meurtrier.
—Merde…
Une voix masculine. Elle ne bouge pas. Quelque chose coule sur ses joues. Quelque chose de visqueux.
Il s’approche d’elle.
La lumière s’en va encore une fois. Elle soupire. Il ne peut pas la voir.
—Tu ne me fais pas peur. Tu le savais ?
Ce n’est pas…
Ce n’est pas lui. Ce n’est pas Vincent.
C’est qui ?
Comment s’appelle-t-il déjà ?
— Qui t’a dit que je cherche à faire peur aux enfants ?
Sa main l’enveloppe. Elle ne peut pas bouger.
Elle est captive.
—Tu sais très bien que je pourrais trouer ta poitrine ?
—Plus de balles dans ton pistolet.
Son visage se rapproche de sa nuque.
—Je suis désolé. Pour ton père. Il est mort.
Elle hoche la tête avec un élan impassible.
Il la fait tourner et lui essuie le visage.
—Tu es droguée ?
Elle dit non de la tête.
—Tu te rappelles de moi ?
Oui, oui, oui.
—Non.
—Je suis le gars qui va te détruire, Médusa.
Elle se rapprocha et traça un long trait de rouge autour de son œil bleu ciel.
Bleu ciel.
Comme le bleu qui s’annoncera prochainement sur l’horizon.
—Tu pourras le faire maintenant, Lucien.
Il sourit.
—Non. Ce ne serait pas juste. Allez. On se rencontra, très bientôt.
Avant de quitter sa pièce, Madeline se penche sur lui et avec un clin d’œil, lui murmure:
—John. Je m’appelle John si tu es curieux.
***
Le bleu ciel.
L’heure bleue.
C’est son heure préférée.
C’était son heure préférée.
Marie sent le froid de la journée s’annoncer. Elle ne porte que sa robe bleu ciel. La préférée de Philippe.
Elle est sur la pointe de ses pieds.
La nage fatale. Elle doit y mettre fin.
Elle aime bien l’eau mais elle veut brûler un peu.
Car elle a froid.
Un son.
Mais cette fois, pas celui d’une arme à feu.
Celui d’une tête qui plonge première dans un fleuve glacial pendant l’heure bleue.
Annotations
Versions