TIRADES NOCTURNES
« Ô vous frères humains, vous vous considérez comme des êtres supérieurs ? Parce-que, grâce à vos pouces, vous avez pu façonner des buildings, des armes à feu et des suppositoires ? Sans aucun outil, les termites sont capables de bâtir des abris de huit mètres de haut, avec système de ventilation optimal. Les castors construisent des barrages en vingt-quatre heures. Et que dire des araignées… En une heure à peine, elles créent les pièges les plus élaborés du monde. »
C’est pas possible, ça fait une semaine que ça dure ! Serge est excédé. Chaque nuit, il est réveillé par une voix inconnue. Et son propriétaire semble avoir une dent contre le genre humain. Pour Serge c’est un mystère. Soit il rêve, soit il entend des voix imaginaires, soit un étranger joue vraiment les Cicéron nocturnes. Sa femme et ses enfants entendent eux-aussi la voix anonyme. Le père de famille a déjà organisé une véritable chasse à courre dans sa demeure. Mais aucun intrus n’a été découvert. Il a qui plus est installé un système d’alarmes et de caméras extrêmement sophistiqué. Mais rien. Nada. Seuls les membres de la famille Mazeau semblent présents sur les lieux.
« Ô vous frères humains, vous pensez être des sportifs d’exception ? Le cachalot peut rester en apnée pendant une heure et demie, les dromadaires sont aussi rapides qu’Usain Bolt, vous ne rivaliserez jamais avec les colibris en haute voltige, les éléphants peuvent soulever jusqu’à trois cents kilos d’haltères avec leur trompe et les dauphins atteignent facilement les quarante kilomètres-heure en nageant. Il va falloir vous pencher sur des systèmes de dopage plus performants les amis. » Serge n’en peut plus de subir ces monologues sans queue ni tête. Son sommeil en prend un coup. Sa femme, elle, a trouvé la solution : boules Quies et somnifères. Elle n’est pas du genre à lésiner sur les moyens.
« Ô vous frères humains, vous vous prenez pour des dieux tout puissants? Un clone par ci, une intelligence artificielle par là, des manipulations génétiques en pagaille… Mais vous êtes mortels, ne l’oubliez pas. Il n’y a que certaines méduses qui peuvent aspirer à la jeunesse éternelle et certains sauriens qui sont capables de marcher sur l’eau. » Serge fulmine. Il décide de pister l’importun une nouvelle fois. Il tend l’oreille, essaie de trouver la source de cet intarissable flot de paroles, se concentre et se laisse guider par la voix. Ce qui le conduit dans le salon. Personne. Serge écarte les rideaux, regarde sous les tables, déplace les meubles. Rien.
« Ô vous frères humains, vous vous gargarisez de votre prétendue intelligence supérieure ? » Tout à coup Serge comprend. Il se dirige vers la cage d’Albertine et soulève le tissu qui la recouvre. « Mais vous confiez les rênes de certains pays à des guignols ignares, vous détruisez votre habitat, vous… Cocoooooooo ». L’orateur mystère est démasqué. Le perroquet de la famille en avait gros sur le cœur apparemment…
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