L'homme aux yeux pâles
Il était là, juste devant moi.
Rien, pas un mot prononcé. Depuis les trois heures dans ce foutu train, je n'avais pas entendu sa voix.
Il m’intriguait, cet homme. Avec ses cheveux blancs, légèrement longs, qui flottaient avec grâce autour de son visage aux traits durs. Sa tête reposait sur sa main aux longs doigts. Il regardait dehors, sans bouger, ou presque. Ses yeux d'un bleu pâle, presque inexistant, fixait un point derrière la vitre. Il regardait dehors. Le paysage qui défilait.
De temps en temps, il levait la tête. Regardait les deux gamins qui jouaient dans le wagon, près de leur mère, à côté de nous. Il souriait d'un air triste, dévoilant une rangée de dents parfaitement blanches. Puis il détournait à nouveau la tête. Et regardait dehors. Le paysage qui défilait. Et rien. Je le fixais du coin de l’œil, penchée sur une lettre que je tentais désespérément d'écrire bien que les mots ne veuillent point sortir de mon stylo.
Alors je revenais sur lui. Sur ses yeux tristes. Sur son visage aux traits marqués. Sur sa main aux doigts osseux. Sur sa bouche légèrement tordue par une sorte de douleur interne.
Un arrêt. Je sursaute. Il s'est levé. Toujours sans un mot, il partit. La tête baissée. Les yeux songeurs. Les mains serrées.
Je fixais sa silhouette voûtée jusqu'à en avoir mal aux yeux. Un battement de paupières. Il a disparu.
Annotations