Enigme

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- C'est terminé, il n'y a plus rien à faire... Il est mort.

Déclara avec effroi l'inspecteur Maigret sans avoir eu à prendre le poul de la sanglante victime.

Quant à moi, à part quelques égratinures, j'allais bien.

J'éteignis la télé depuis le lit de ma chambre d'hôpital, convaincu désormais que je ne trouverai pas de quoi tromper mon ennui. Je profitai du silence pour ressasser quelques réflexions. J'avais l'impression qu'il s'était passé mille choses depuis mon accident de ce midi. Mais y avait-il réellement eu un accident ? Je ne comprenais rien à ce qui s'était passé :

Après ma perte de connaissance Gus avait appelé le SAMU directement. J'avais été transporté à l'hôpital en urgence, et m'étais réveillé quelques heures après sur le lit où je me trouvais maintenant. Ma mère était à mon chevet et mon père absent. Rien d'étonnant jusque là. A mon réveil elle était en pleurs mais n'osait pas me toucher comme si j'étais un vase de porcelaine fraichement recollé. Devant mon incompréhension elle me raconta ce qui m'était arrivé, d'après le récit des médecins, qui avaient reçu eux-même l'info des ambulanciers, qui la tenaient des témoins, dont certains n'avaient même pas bien vu ce qui s'était passé. Ainsi arrivé dans les vapes en urgence mais sans aucun traumatisme, je fus livré sur une civière au personnel soignant au titre de l'énigme du jour.

La cerise sur le gâteau fut servie lorsque les infos relayèrent le buzz viral de la vidéo de mon accident sur le net. Forcément, un des types qui entouraient Marion filmait l'embrouille avec son smartphone et m'avait cadré lorsqu'il avait vu que je me rapprochais avec mon air de tueur. Il n'a pas du être déçu, car la seconde d'après, le fameux bus m'avait littéralement percuté et propulsé sur plusieurs dizaines de mètres avec une vitesse suffisante pour que la rencontre entre le macadam et mon corps finisse de briser ce qui avait survécu au premier choc. La vidéo dépassa le million de vues en quelques heures.

Le problème pour les médecins c'est que ça ne collait pas pour la simple et (très) bonne raison que : Si un tel accident s'était réellement produit je devrais être mort à l'heure qu'il est.

Arrivé comme une victime je fus donc rapidement reclassé dans la catégorie menteur "wannabe" prêt à tout pour faire le Big Buzz, et voleur d'un temps précieux qui aurait pu sauver des vies vraiment en danger.

Mon cas sema évidemment la zizanie dans le personnel, entre ceux qui pensaient que j'avais vraiment subi un choc et qui voulaient me garder en observation et ceux qui voulaient me foutre dehors à coup de pied au cul. Ma mère n'y comprenait rien mais elle plaidait ma cause avec une telle véhémence qu'on décida de m'accorder le bénéfice du doute et me garder une nuit.

Cela ne m'arrangeait pas du tout.

Depuis le retour de mes fonctions cognitives, derrière le brouillard envahissant du "blabla" à mon sujet, moi je ne pensais qu'à une chose. Marion.

Rien à foutre de cet accident ou de ce "miracle", il fallait que je sorte d'ici et que je m'assure que tout allait bien pour elle. J'avais réussi à échapper à la surveillance qui avait été déployée pour moi (on soupçonnait que je tente de m'évanouir dans la nature après mon forfait) et en profitai pour appeler Gus depuis les toilettes.

- K ? Putain c'est toi mec ! T'es réellement en vie ?

- J'espère, parce que sinon c'est plutôt décevant l'au-delà...

Gus était troublé, je n'avais jamais entendu autant d'émotion dans sa voixet il me fallu prendre un bon moment pour le rassurer définitivement au sujet de mes blessures. Il me confirma sa version des faits. Tout ça était bien réel, et pourtant... Mon esprit essayait de se convaincre que l'accident avait été beaucoup plus violent en apparence qu'en réalité, mais en repensant aux images de la vidéo, c'était difficile à croire. Je refermais machinalement un poing nerveux sur mon cuir chevelu, comme pour extirper manuellement ce casse-tête hérissé de pointes de mon cerveau. Mon ami me tira soudain de ma torture psychologique.

- Ecoute K il s'est passé un truc énorme, il faut absolument que tu rappliques au plus vite !

- Quoi ? De quoi tu parles ? Comment ça un truc énorme ?

- Je peux rien te dire ici mec, alors ramène ton joli ptit cul de puceau au plus vite !

- P'tin Ils veulent me garder une nuit, je suis bloqué Gus !

- Comment ça bloqué ? Ils t'ont amputé des deux jambes ou quoi ??

- Y'en a qui pensent que tout ça c'était une grosse blague. Si je me barre en douce ils risquent de m'envoyer les flics !

- Bon retrouve moi demain à la Fac, devant les chiottes de la bibliothèque. Et fais toi discret surtout !

Il raccrocha sur ces dernière paroles. Assis sur le trône je gardai le téléphone collé plusieurs minutes à l'oreille sans un bruit.

Je ne savais toujours pas quoi penser...

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