23 - attente

3 minutes de lecture

Christopher était apparu dans le club dès l’annonce du projet, venant d’un cercle réputé en grande banlieue. C’était la seule information qu’il avait donnée, car extrêmement discret, refusant avec gentillesse toutes les approches ou discussions. Je l’avais forcément remarqué, car il ressemblait énormément à William par sa peau, sa tenue, bien que n’ayant pas la moitié de sa musculature. Je trouvais qu’il était un animal remarquable, d’autant plus attrayant par son inaccessibilité.

Métis eurasiatique, ses cheveux noirs et raides me fascinaient, autant que le détachement qu’il montrait dans les pires situations qu’il demandait. Beaucoup nous comparaient et j’aurais aimé mener une course d’endurance avec lui. Il avait choisi l’épreuve extrême. Quand je le croisai pour la première fois après l’annonce du lancement, je fus touché par ce qu’exprimait son regard. Nous étions semblables et marcher ensemble était une fierté.

Aussitôt la candidature de Christopher annoncée, l’ambiance changea : il n’était plus question que de cela, tout le monde se sentait concerné. Nous n’existions plus, devenus trois pièces leur appartenant, à manipuler.

Nous savions que nous devions subir une préparation extrême, visant à détruire toute résistance physique ou morale, afin de pouvoir résister. Plusieurs mois étaient nécessaires pour cette descente vers l'absolu, avec un mois de finalisation. Cela devait se passer à la maison et la date du solstice d'été fut choisie. Nous connaissions dorénavant la date de notre fin.

Cette destinée commune, avec son échéance, nous rapprocha, bien que jamais nous n’ayons jamais parlé ensemble de ce que nous avions choisi de vivre. Je pense que chacun espérait qu’un des deux autres annoncerait son abandon, tandis que lui-même se refusait à renoncer, pour ne pas interdire à nos compagnons de supplice l’atteinte de son objectif.

Nous avions encore plusieurs mois devant nous. Pourtant, la première épreuve commença avec ce mur infranchissable que nous avions dressé devant notre vie.

Ce qui était dorénavant écrit nous ravageait la tête. Avec William et Arthur, le silence s’était installé. Pire, nos jeux sexuels et physiques avaient disparu. Nous vivions côte à côte, séparés par l’effroyable. Cette solitude partagée me paraissait plus dure que si j’avais été abandonné sur une île déserte. Les conséquences sur mon travail furent catastrophiques et je fus à la limite de la rupture. Un effort phénoménal me permit de reprendre pied. La situation d’Arthur s’avéra plus critique : plusieurs fois, Jeremy dut le recadrer. Il s’en ouvrit à moi, me demandant si je savais pourquoi Arthur, tout d’un coup, avait si profondément changé, paraissant avoir perdu toute joie, tout entrain et sa motivation. J’inventais une histoire de deuil dans sa famille, d'un proche qu’il aimait énormément, et dont il avait du mal à se remettre. Arthur avait besoin de réconfort et je tentai plusieurs fois de parler avec lui. Quelque chose s'était refermé sur lui, ou le dépassait. Il en ressortait une maturité impressionnante, tout en refusant tout échange sur le sujet. William évacuait aussi cette pensée.

J’étais seul devant l'inéluctable. Savoir Arthur dans le même état me peinait.

Un phénomène curieux se produisit. L’esprit humain ne pouvant vivre longtemps dans la peur et la souffrance, soudain, tout s'effaça. L’échéance était lointaine ; un évènement salvateur viendrait nous épargner. Tout redevint comme avant. Arthur sortit un peu plus vite que moi, William, un peu plus tardivement. Nous retrouvâmes nos jeux, notre entente, nos partages. Les séances, courtes, de poulie reprirent. Je réclamais les brûlures cinglantes, je les ai eues. Arthur voulut essayer et me montrait fièrement les traces. Au club, il n’était plus question que de cela.

Les fêtes de fin d’année furent particulièrement joyeuses. Comme cadeau, William m’offrit la taille en dessous. Je craignais particulièrement le changement, mais Arthur me tint la main, me caressant le front. Cela n’empêcha pas le petit moment de libération d’être encore plus angoissant. Mon organe paraissait avoir diminué de taille, car il accepta facilement cette nouvelle contrainte. William me murmura :

— Il reste deux tailles encore ! Dans un an tu seras au minimum !

Un an, bien au-delà de ma…

Au fond de moi, une lumière rouge s’alluma, chaude et rassurante, grossissant lentement. J’acceptai !

Arthur se montra particulièrement tendre envers moi.

— Tu es en paix ? lui demandai-je ?

Son rayonnement me répondit.

L’année débutait dans la lumière.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire gai motus ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0