Partie 1.1

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Bip… Bip… Bip…

Une main s’abattit sur le réveil, le fit tomber au sol dans un bruit sourd et parti ensuite se cacher sous la couette.

— Suis-je enfin au Paradis ? marmonna Andréa.

Le bruit du réveil retentit de nouveau. La main tenta de trouver l’interrupteur à tâtons, mais peine perdue. L’objet haï était trop loin. La jeune fille repoussa son édredon au bout du lit et chercha ses vêtements.

— Encore une maudite journée sur cette terre…

Elle se leva et entreprit de s’habiller. Tous les matins, le même manège se répétait. Espérant se retrouver loin d’ici, dans un des mondes qui ne se trouvent que dans ses rêves. Mais jour après jour, ses yeux se rouvraient sur sa chambre.

Elle attrapa sa brosse et démêla ses longs cheveux bruns, faisant une grimace lorsqu'elle passait sur un noeud. La jeune fille mit son sac en bandoulière et sortit de la chambre.

Pour couronner sa mauvaise humeur, il pleuvait. Maussade, Andréa abattit sa capuche sur sa tête et fila droit à son arrêt de bus. Elle n’avait pas vraiment envie de se retrouver plus trempée qu’elle ne l’était déjà. Autour d’elle, les maisons se réveillaient lentement.

Le bus n’était pas encore là lorsqu’elle arriva, alors elle planta ses écouteurs dans ses oreilles. Andréa laissa son regard parcourir les maisons environnantes. Tout était calme à cette heure matinale. Non loin d’elle, deux garçons et une fille discutaient en riant.

Des éclaboussures sur le trottoir lui firent tourner la tête sur le bus freinant à sa hauteur. Elle laissa les trois jeunes monter avant de grimper à son tour, le ventre noué d’anticipation.

Une fois à bord, elle jeta sans ménagement son sac à dos sur le siège et s’assit. Sa tête appuyée contre la vitre froide et embuée, elle se perdit rapidement dans ses pensées.

Dans son monde, ses rêves, elle se voyait parcourir le monde, une caméra sur l’épaule, munie d’un bloc-notes de reporter, interviewer les plus grandes stars, des bénévoles d’associations, des réfugiés, des gens issus de quartiers défavorisés, des politiciens et même le président. Andréa imaginait son nom inscrit en bas d’articles reconnus.

Un mouvement dans son dos la sortit brusquement de sa rêverie. La seconde d’après, sa tête rencontrait violemment le siège d’en face. Dans un cri de douleur et de surprise, elle tomba à terre. Sonnée, elle resta immobile quelques instants. Ses camarades avaient encore décidé de lui pourrir la vie aussi tôt. Et dès le trajet en bus qui plus est !

Des rires autour d’elle lui firent relever les yeux. Les élèves la dévisageaient, complètement hilares. Se mordant les lèvres pour n'émettre aucune plainte, elle se rassit, non sans jeter un regard méfiant vers le fond du bus. Avachis dans les sièges arrières, un groupe de garçons et de filles lui faisait des signes obscènes. Mais Andréa ne craignait plus le ridicule. Elle craignait les coups.

Lorsque le bus fit son arrêt devant le lycée, elle en descendit à la hâte et fila en se dissimulant dans la foule d’élèves. Enfin arrivée devant sa salle, elle appuya son dos au mur et se laissa glisser jusqu'au sol. Une fois assise contre le carrelage froid, elle sortit son livre de son sac et se plongea dedans, comme pour y trouver un échappatoire. Mais rien n'y faisait, elle n'arrivait pas à se concentrer. Andréa ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il s'était passé quelques minutes plus tôt.

Ces garçons lui faisaient peur et ils le savaient. Ils en profitaient largement. Elle n’osait jamais s’opposer à eux de peur des représailles. La jeune fille frissonna rien qu’en repensant à leurs rires et à leurs visages si fiers de leur coup. Ils étaient bien plus forts qu’elle. Mieux valait pour elle subir en silence.

Dans un mouvement général complètement désorganisé, les élèves se bousculèrent pour se dépêcher de se rendre en cours. Alors qu'elle se relevait après avoir rassemblé ses affaires, Andréa se fit bousculer sans ménagement. Elle avait l'impression d'être invisible, inexistante, ne méritant pas le moindre respect. Elle se mordit la lèvre inferieure pour contenir son envie de fondre en larmes et resta en retrait des autres.

Le professeur arriva enfin et ouvrit la porte de la salle, repartant ensuite chercher le cahier d'appels. Elle resta légèrement en retrait de toute cette pagaille et lorsqu'elle franchit enfin le seuil de la porte, les places situées devant et dans les rangées du milieu étaient déjà toutes prises. Elle se dirigea donc vers une place se trouvant près de la fenêtre, ce qui l'obligea à passer devant des élèves qui en profitèrent pour l'injurier :

— Idiote !

— Débile !

— Tu veux sortir avec moi chérie ?

— Salope ! Menteuse !

Elle fit mine de ne pas les entendre et alla s’asseoir. Andréa tentait de dissimuler son visage avec ses cheveux, et se tenait, figée, les poings serrés sur son cahier, un rictus de douleur et de peine se dessina sur son visage. Elle n'en pouvait plus de cette haine, de cette honte. Elle se mordit à nouveau la lèvre pour que la douleur physique prenne le dessus sur celle qui se trouvait au fond d'elle.

Absente, éteinte. Elle ne prêta aucune attention au cours, et tourna sa tête vers la fenêtre pour contempler les nuages dans le ciel, espérant y trouver un réconfort.

Une boule de papier froissé atterrit soudainement sur sa table et lorsqu'elle tourna la tête, son regard croisa celui d'un garçon, qui lorsqu'il comprit qu'il avait attiré son attention, lui fit des grimaces. Andréa poussa un soupir et baissa les épaules, abattue. Sa journée empirait encore. N’en finiraient-ils donc jamais de la tourmenter ?

La jeune fille resserra ses poings sur son pantalon pour ne rien laisser paraître et voulait se faire la plus discrète possible. Elle posa la boule sur un coin de sa table et retourna à sa contemplation du ciel, plongée dans son monde.

Mais les autres élèves n'en avaient pas fini avec elle. Tout à coup , elle sentit quelque chose la frapper à la tête.

— Aie ! s'écria-t-elle.

Brusquement, elle se détourna encore et constata qu'à ses pieds se trouvait un bouchon de stylo et un trombone. Elle se frotta la tête et ramassa les deux objets qu’elle mit à côté de la boule de papier.

Elle ne répondait jamais à leurs provocations. A quoi bon ? Cela ne ferait qu'aggraver la situation. Et elle était déjà assez catastrophique comme ça.

Lorsque la cloche annonçant la fin des cours de la matinée sonna, Andréa poussa un soupir de soulagement. Une demi journée de plus de passée ! Elle traîna pour ranger ses affaires. En sortant, elle mit les projectiles qui avaient servi à ses camarades dans la poubelle et partit sans un mot. Elle ne parlait jamais en cours. Les moqueries des autres élèves lorsqu’elle prenait la parole l’en avaient dissuadée. De toute façon, elle faisait seulement acte de présence.

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