Chapitre 10
Suzie
Ce matin, j’ai eu la riche idée de même un pantalon. Je m’en félicite. Je me sens stupide d’être aussi gauche. Je ne tiens pas sur mes jambes et je reste à terre en position assise sur mes fesses douloureuses.
- Mais qu’est-ce … qu’est ce vous faites là ? Vous m’avez fait la peur de ma vie ! hurlé-je. Vous n’avez pas entendu la porte de votre chambre s’ouvrir ?! Vous auriez pu dire un mot !
Aédan reste planté devant moi, stoïque.
- J’avais prévu de rentrer dans deux jours mais un accord a été conclu plus vite que je ne l’avais prévu initialement donc je suis rentré. Je suis désolé que cela vous dérange dans l’accomplissement de vos tâches. La prochaine fois je penserais à vous demander la permission.
- Je croyais être toute seule, vous n’avez même pas fait de bruit, râlé-je.
Quelle arrogance ! Il m’insupporte !
Tout en me relevant, je réalise qu’il sort de sa douche. Il ne porte qu’une serviette humide autour de sa taille et une autre à la main avec laquelle il éponge ses cheveux encore mouillés. Des gouttes perlent sur ses épaules et son torse musclé. Elles glissent doucement dans les sillons de ses muscles jusqu’à son bas ventre. Il a des carrés de chocolat et j’adore le chocolat. Mes yeux se portent sur sa serviette où la naissance de ces poils pubiens me trouble. Je crois que je bave. Le fait de penser à du chocolat en le regardant me donne envie de le croquer. Dur et fondant, épicé et doux à la fois. Hummm … J’ai faim !
Il me regarde encore avec son air goguenard. On dirait que ça l’amuse de me voir aussi perturbé devant son corps d’athlète. Il jette la serviette qu’il avait dans sa main sur son lit et s’approche vers moi. Ses cheveux sont ébouriffés, son assurance le rend trop sexy. Son attitude dévoile une attirance pour moi, pas de doute possible ou je suis complètement folle. Il avance vers moi et me transperce de son regard noir, il jauge mon désir. Mon cœur rate un battement. Je me surprends à prier que sa serviette coulisse sur ses jambes. Je me sens défaillir et m’adosse au chambranle du dressing juste à côté des housses. Mes jambes tremblent.
Il s’arrête, me lance un sourire de convoitise et alors que je crois qu’il va m’embrasser, au dernier moment, il se détourne et dézippe les housses.
- Parfait, j’ai mon smoking pour samedi soir, dit-il pour lui-même.
- Bien, articulé-je. Je … Je peux donc … demander à Charles de me ramener si Monsieur est satisfait ? marmonné-je.
- Non. Pas encore.
- Pardon ? Dis-je surprise.
- Je repars avec vous au bureau, prévenez Charles, dit-il directif.
- D’accord, j’y cours Monsieur, dis-je à moitié vexée.
Son ton, son regard ont changé en un clic. Il n’est plus le beau goss qui est sorti de la douche. Le boss a repris le dessus. Je me redresse difficilement, ébranlée par un terrible émoi. Il me regarde du coin de l’œil avec son sourire qui dit “ je vais faire qu’une bouchée de toi “.
- Ne vous gênez pas, rincez-vous à l'œil ! dit-il avec un sourire jusqu’aux oreilles, fier de sa riposte.
Consterné, je reste bouche bée. Je n’en reviens pas qu’il me jette à la figure « Ma Réplique », celle que je lui ai lancée à notre première rencontre. Il l’a fait exprès j’en suis sûr, cette situation l’amuse. Il prend un malin plaisir à me désarçonner.
Mes joues qui étaient rouges, passent à ce moment précis au cramoisi, je ressens les brûlures de la honte sur ma peau.
Je fulmine. Mes mains se posent avec fermeté sur son avant bras chauds et moites de sa douche dans une vaine tentative de le pousser pour me frayer un passage entre lui et son lit car un fauteuil me barre le passage. Naturellement je ne fais pas le poids face à ce gaillard. Il ne bouge pas d’un iota. Il se moque tout en finissant par se décaler d’un pas, me créant un passage pour sortir de sa chambre tout en gardant son sourire carnassier.
Je reste planté devant lui honteuse. Ce laps de temps me paraît long, trop long alors qu’une fraction de seconde seulement se sont écoulées. Je l’ai touché et il a eu l’air d’apprécier mes mains sur son bras tout autant que ma fente toute humide. L’ambivalence de mes sentiments envers lui me donne mal à l’estomac. J’ai une furieuse envie de lui sauter dessus, de l’embrasser et de laisser ses mains parcourir tout mon corps et en même temps j'ai une furieuse envie de lui asséner une violente gifle.
- Je suis prêt dans 15 minutes, me prévient-il raillant alors que je m'apprêtais à saisir la poignée de la porte de sa chambre.
Je claque la porte en sortant en lui assénant un « Oui Monsieur !».
Calme toi ! dis-je à moi-même.
Je dois prévenir Charles que Monsieur est revenu et qu’il souhaite être conduit au bureau. Je ne peux pas sortir de la maison avec cette couleur aux joues. Je fais une halte, essaye de reprendre contenance avant de descendre l’escalier. Je m’assieds en bas des marches, tente une technique de respiration pour me calmer.
Inspiration ! Expiration ! Je sens que le rouge de mes joues disparaît. Je me relève et me dirige vers la porte d’entrée. Une dernière inspiration et je me lance à la recherche de Charles. Celui-ci est parti dans les allées pour profiter de la senteur printanière des fleurs. Je vais à sa rencontre et je l’avertis de la présence de Monsieur. Je lui transmet le message et nous attendons Monsieur, tous les deux, à l’extérieur de cette magnifique demeure. Il n’a pas l'air surpris de mon annonce. En fait, je pense que rien ne peut surprendre cet homme énigmatique.
J’en profite pour me rincer l'œil sur le jardin divinement entretenu. Un arbre trône au milieu du jardin, il semble être centenaire vu le large tronc de celui-ci. L’été il doit être agréable de s’y cacher du soleil pour trouver un peu d’ombre et de fraîcheur. Je me surprends à rêver d’être la maîtresse de cette maison et que j’y installerais un petit jardin avec une petite table ronde, quelques chaises et un transat pour y lire. Je serais allongé sur le transat pour y accueillir la fine brise tandis que ma lecture m'emporterait vers d’autres rêveries. Un bien joli songe.
Ma rêverie, si courte fût-elle, m’aura au moins permis d’éviter d’appréhender le trajet du retour avec Monsieur. La berline est spacieuse et confortable mais tout à coup lorsque je le vois franchir le seuil de la porte, j’ai peur que la banquette arrière ne soit pas assez large pour contenir ma honte de m’être fait mystifier.
Nous roulons depuis plusieurs minutes, assis chacun d’un côté de la banquette, sans un regard. Je me cramponne à la poignet de la portière et je me suis collée au plus près de celle-ci tellement je suis mal à l’aise. Lui semble plus à l’aise que moi car il s’est assis de manière décontracté en prenant un maximum de place sur la banquette. Il est assis les jambes écartées et une main posée sur la banquette tandis que l’autre est posée sur l’accoudoir de la portière. Je garde mes jambes serrées de mon côté et mes mains éloignées. Pas question de se toucher, de s'effleurer après ce qu’il vient de se passer dans cette chambre. Je ne tiens pas à me ridiculiser davantage en lui sautant dessus sans vergogne et qu’il me rappelle que je ne suis que son assistante.
Après un certain nombre de kilomètres, Charles s’arrête. Pourquoi ? On n'est pas arrivé au bureau. Charles sort de la voiture. Que fait-il ? Il ne va pas nous laisser seul tous les deux dans la voiture. Je ne vais pas encore être seule avec lui dans un espace clos ?
Je me redresse et essaie discrètement de regarder par les vitres. Je ne voie pas grand-chose, je ne suis pas du bon côté de la banquette. Il n’est pas question que je me tortille pour satisfaire ma curiosité.
Aédan brise le silence.
- J’ai demandé à Charles de récupérer la commande que j’ai passé pour le repas de ce midi.
Ne sachant pas quoi répondre, je préfère me taire mais il se justifie. C’est le boss après tout, il fait ce qu’il veut.
- J’ai prévenu Maddie que ce midi elle se ferait livrer. Maddie adore la cuisine italienne et je voulais lui faire plaisir pour mon retour. Tu aimes la cuisine italienne ?
Nous sommes passés du vouvoiement au tutoiement. Un rapprochement s’est opéré. Est-ce que c’est parce que je l’ai vu à moitié nu ? Je reste perplexe devant ce changement. Je n’arrive toujours pas à sortir le moindre mot, ma fréquence cardiaque doit battre des records. Il continue sur un ton plus taquin.
- Tu as perdu ta langue ?
- Non.
- Tu es en colère ?
- Non.
- Tu es pleine de désir pour moi, et tu n’oses pas me l’avouer ? J’ai bien vu la façon dont tu me regardais dans ma chambre. J’y ai lu de la convoitise.
- Quoi ? Mais ça va pas, non ? Vous dites n’importe quoi, dis-je avec véhémence, vainement pour essayer de garder contenance.
- Ah ! Elle parle ! Elle dit enfin autre chose que “NON” ! Dit-il avec une mine réjouit.
Il prend plaisir à me torturer de cette manière, je peux le lire sur son visage narquois. La conversation se poursuit sur mes goûts alimentaires, il me questionne. Mes réponses sont brèves et concises. Pas question de lui donner la satisfaction d’accentuer ma gêne ou de lui donner du grain à moudre pour mieux me titiller.
Charles prend son temps, ce n’est pas possible d’être si long. Cette attente est interminable. Je suis tellement crispée que les jointures de mes doigts entrelacées sont devenues blanches. Je sens des fourmillements dans mes mains. Ma jambe droite tremble sans que je ne puisse la retenir. Un réflexe dont je ne me suis pas aperçu mais Aédan ne me le fait pas remarquer. Est-ce par politesse ou par galanterie ? Ou finalement ne se serait-il pas lassé de m'asticoter de la sorte ?
Un long silence s'ensuit. Le ton de sa voix change. Il n’est plus mutin, il est plus sérieux.
- Je te rends nerveuse ? Finit-il par lâcher.
- Vous êtes sûr que tout va bien avec Charles, ce n’est pas un peu long !? tenté-je d’esquiver.
- Une esquive ? Belle tentative ! Je prends ça pour un oui, je te rend nerveuse.
Son humeur varie si vite que je ne sais pas si il est sérieux ou s’il m’asticote. Dans tous les cas, son jeu m’exaspère parce qu’il gagne à tous les coups.
- Je vous demande pardon ! Je ne suis pas du tout nerveuse !
- Alors pourquoi ne me regardes-tu pas quand je te parle ?
Pourquoi ? Mais parce que je peux pas te regarder dans les yeux sans avoir des milliers de papillons dans mon ventre, sans sentir le rouge me monter au joues et sans avoir l’air gauche. Je ne peux pas lui faire ses aveux. Je suis ridicule. On se connaît depuis quelques semaines où nous n’avons cessé de nous évités. Et tout à coup, nous voilà plus proches que nous ne l’avons été. Nous voilà en train de discuter de mon ressenti en sa présence.
Il constate ma gêne et s’obstine tout de même à me faire la conversation. Il ne doit pas aimer le silence. Je me demande si ce n’est pas lui qui est mal à l’aise tout compte fait. Si j’étais malicieuse, je m'engouffrerais dans cette brèche pour le titiller à mon tour. Mais voilà, la malice ne fait pas partie de mon caractère. Malheureusement car elle m’aurait bien servi à diverses occasions.
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