Chapitre 17

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Suzie

Jean m’attire face à lui, me colle contre son corps pour me faire comprendre qu’il est plus puissant que moi. Il est le maître et il veut m’obliger à reprendre ma place d’esclave. Il me fait sentir comme une brindille que l’on peut briser à sa guise.

- Suzie, Suzie, Suzie … tu fais quoi là ? Tu veux partir ? Non, non, non … Tu restes avec moi. Je n’en ai pas fini avec toi. Je ne fais que commencer … .

- Lâche moi tu me fais mal et tu es saoul.

- Je ne peux pas « poussin ». Il faut qu’on parle. Je pensais que tu allais me rappeler après que je t’es jeté. Pourquoi ce silence « poussin » ? Tu m’évites ? Tu as peur de moi ? Tu ne m’aimes plus ? Tu as besoin que je te rappelle comment tu dois m’aimer ?

Il détourne son regard de moi deux petites secondes pour le plonger dans le clair-obscur de cette étendue. Un éclair jaillit de ces yeux.

- On a jamais fait l’amour à la pleine lune ? dit-il lascif. On va se chercher un buisson, poussin ? Allez, viens !

Il essaie de me tirer vers les trois marches en pierre qui nous séparent de la terrasse du parc. J’essaie de résister mais il est bien plus fort que moi.

- S’il te plaît, Jean, lâche moi, dis-je sur un ton plus radoucit pour l’amadouer. Je ne comprends pas de quoi tu parles ? On peut peut-être en parler avant.

Sa prise se fait plus ferme et déterminée. Ses yeux sont impudiques.

- Je ne veux pas te suivre, il n’est pas question que … .

Il s’arrête net dans son élan et le reste de ma phrase s’envole dans les airs. Il y a du monde sur la terrasse, il ne peut pas m’obliger à le suivre sans que l’on nous remarque. Craint-il que je fasse une esclandre ? Sa main me serre le poignet comme une menotte tandis que l’autre se glisse sur mes reins pour me frotter tout contre lui. Je comprends qu’il n’a pas l’intention de lâcher la pression qu’il opère sur mon corps. Je panique, je sens une grosseur venant de son pantalon qui ne laisse aucun doute possible sur mon bas ventre. Il est très excité par la situation. Jamais je n’ai deviné une telle érection venant de lui. Comment vais-je faire pour me sortir de cette situation ? Jean est plus grand et plus fort que moi, je ne fais pas du tout le poid face à lui et je ne peux pas crier sans alerter la foule de ce soir. Pas question de lui offrir une scène devant un public. Je ne me pardonnerais pas la honte d’avoir tous les yeux fixés sur moi. Et Aédan … .

- Je crois que la demoiselle vous a demandé de la lâcher. Une voix masculine grave et claire retentit près de nous. Il vaudrait mieux en rester là, vous ne pensez pas, Monsieur.

Jean se retourne à peine.

- Mêle toi de tes affaires, mec, tu veux bien ? Il s’agit d’une conversation privée avec ma bien-aimée, dit Jean à l’autre homme. On a plein de choses à se dire. Pas vrai, Poussin ?

- J’ai dit monsieur mais j’aurais peut-être dû dire trouduc ? ça sonne mieux à l’oreille et ça vous va bien.

Jean s’étant légèrement décalé, je peux dévisager l’homme qu’il me semble avoir reconnu. Les autres convives ignorant ce qu’il se produit sous leurs yeux. Ils ignorent ou font semblant d’ignorer ?

- Quoi ? Comment tu oses me parler, toi ? T’es qui au juste ? Son nouveau mec ? Son patron ?

Je reconnais ses yeux, ils sont comme un trou noir, sans limites. Son visage est fermé, il est furieux. Il a les poings serrés prêt à en découdre. Depuis combien de temps est-il sur la terrasse ? A t-il entendu notre conversation ? Le soulagement et la frayeur s'entrechoquent dans mon petit corps.

- Ça va Suzie ? me demande Aédan lisant la terreur sur mon visage.

Aucun son n’arrive à sortir de ma bouche, je suis pétrifiée. Jean en profite pour répondre à ma place comme il en a eu l’habitude.

- Oui elle va bien, lui répond Jean désinvolte. ça se voit, non ? Suzie, tu connais ce mec ? Dis lui de nous laisser tranquille ? Notre histoire ne peut pas se terminer comme ça ? Tu n’as pas le droit de m’abandonner une deuxième fois ? Pas ce soir ! Alors que j’ai besoin de toi ! J’ai encore beaucoup d'amour à te donner !

Je n’ai pas le temps de lui répondre que Aedan dit d’une voix calme contenant toute sa colère qui se lis sur son visage :

- Tu fais exprès de ne pas comprendre trouduc, elle est avec moi. Suzie est ma cavalière et mon invité. Et toi tu repartiras seul comme tu es venu. Est-ce que c'est assez clair ? Ou dois-je y mettre les formes ?

- OK mec, on va se calmer ! Elle ne m’avait pas dit qu’elle était accompagnée. Tu es une petite rapide, poussin, dit-il agacé et s’excuse auprès d’Aédan gêné.

Jean me chuchote à l’oreille pour qu’Aédan ne puisse l’entendre.

- Tu n’es qu’une petite arriviste, une salope que je ne tarderai pas à remettre dans le droit chemin. Ce type se lassera de toi et tu reviendras vers moi, mon poussin. Je suis le seul qui peut te comprendre et le seul à savoir prendre soin de toi. Je t’aime, poussin ! A bientôt !

Il desserre son emprise. Instinctivement, je m’écarte et je cours dans la direction d’Aédan. Il m’attrape la main, la serre très fort et m’emmène d’un pas vif dans le hall. Nous récupérons nos vestes et nous nous faufilons à l'extérieur. Il me confesse qu’il aurait aimé lui mettre son point sur le coin du nez pour se soulager.

- Il t’a fait du mal ? S’il a osé te toucher j’y retourne lui démolir le portrait.

- Je veux rentrer, s’il te plaît, l’imploré-je.

Même si Aédan utilise le tutoiement depuis notre rapprochement, mois je n’y arrivais pas jusqu’à présent. Ce changement de ton me semble si naturel que je ne me reprends pas.

- Qui était ce type, Suzie ? Il avait l’air de te connaître. Il t’a dit quelque chose à l’oreille ? T’as t-il menacé ?

- Euh … Non, dis-je comme un pieu mensonge.

Il ne m’a pas vraiment menacé. Il ne m’a pas promis une branler ni autres choses du genre. C’est comme s' il avait fait appel à une cartomancienne qui aurait lu dans les tarots ou à une voyante qui aurait vu mon avenir dans une boule de cristal. L’avenir que lui me prédit n’est pas celui que moi je me présage.

- Suzie … il ne t’approchera plus, je te le promet.

- C’est mon ex-fiancé, lâché-je. Je suis désolée. Je ne savais pas qu’il serait là ce soir et encore moins qu’il pouvait être aussi vindicatif, dis-je en plein désarroi.

- Ce n’est pas de ta faute, Suzie, c’est la mienne. Je n’ai pas tenu ma promesse. Je t’ai laissé seul et il en a profité.

Aédan récupère nos vestes et prévient Greg que nous allons partir. Il ne rentre pas dans les détails de ce qui vient de se passer pour mon plus grand bonheur. Greg pense certainement que nous nous esquivons pour passer le reste de la soirée ensemble car il nous salue avec de grands sourires exagérés.

- Bonne soirée ! Bonne nuit ! Ne veillez pas trop tard, les enfants !

- Greg s’il te plait, je t’assure qu’il ne se passera rien de ce que ton esprit tordu songe.

- Mais bien sûr ! Je serais une tombe, promit-il.

Si Greg savait ce qui vient de se passer, il aurait gardé pour lui ses sous-entendus. Aédan le salue une dernière fois avec un ton extrêmement grave. Greg finit par comprendre que quelque chose s’est passé sans en demander le détail. Il demande à Aédan de prendre soin de moi jusqu’à ce que je me sente mieux. Il chuchote quelque chose à Aédan. Certainement qu’il voudra des explications mais pas ce soir.

Après cet échange, Aédan appelle Charles pour qu’il me ramène à la maison. En moins de cinq minutes, Charles se gare devant l’immense escalier de pierre pour que nous puissions nous en aller au plus vite. Aédan m’accompagne pour s’assurer que je rentre sans encombre jusqu’à chez moi.

Il rumine sa colère de son côté de la banquette. Je ne sais pas à quoi il pense. Il ne dit plus un mot depuis que nous avons quitté précipitamment la soirée. Plus de questions pour ce soir, je n’aurais pas la force d'y répondre de toute façon. J’ai l’impression que tout ceci est de ma faute et je commence à culpabiliser. Une larme perle sur ma joue, je ne veux pas pleurer devant Aédan. Je prends une grande inspiration pour ravaler les autres gouttes qui voudraient couler mes joues.

Un râle s’échappe d’Aédan, je le vois pour la première fois perdu dans ses pensées, le regard hagard. Il a perdu de son charisme. Je le sens inquiet.

Nous sommes à quelques pas de la porte de l’immeuble d’Annie. Charles stoppe le véhicule. L’agitation suspecte d’un homme, l’interpelle. Un homme est adossé à une voiture et celui-ci ne cesse de se tordre le cou de part et d’autre de la rue. Il fait part de ses doutes à Monsieur.

- Un homme fait le guet au bas de l’immeuble, Monsieur. Dois-je m’arrêter tout de même ?

Aédan jette un œil par la vitre teintée de la voiture. Sa colère augmente d’un cran. Nous nous en rendons compte avec Charles, son ton étant devenu plus cassant.

- A la maison, Charles ! Ne vous arrêtez pas !

Jean m’attend en faisant les cent pas au pied de la résidence d’Annie. Le temps de saluer Greg et de faire venir Charles, il a juste eu les 5 minutes d’avances suffisantes pour être arrivé avant nous. Sa présence me tourmente. Pourquoi m'attend-il ? Il n'en a pas fini, il va revenir à la charge. Il est très certainement plein de rage et de venin qu’il crève d’envie de m’envoyer à la figure. Si Aédan ne m’avait pas raccompagnée, j’aurais dû l’affronter. Vu comment cette soirée s'est terminée, je n’aurais pas eu la force physique et morale pour lui tenir tête. Je ne sais pas comment tout ceci se serait terminé. Sans doute, mal.

Aédan a remarqué mon effroi, il m’attrape la main et la serre. Ça me réconforte et sa colère s’estompe. Je peux le lire dans ses yeux lorsque nos regards se croisent. Nous roulons sans que je m'inquiète de notre destination. Mon cerveau s’est déconnecté, les yeux dans le vague à regarder par la vitre et je ne réalise qu’une fois devant le grand portail en fer forgé que nous sommes arrivés chez lui. Je ne suis pas soucieuse de me trouver seule avec lui. Il est si différent de Jean, je lui fais confiance pour ce soir. Il n’abusera pas de la situation pour obtenir ce qu’il espérait sans doute au début de la soirée. De toute manière, je n’ai plus le choix maintenant que je suis dans sa maison.

Aédan est prévenant, il me propose une de ses chambres d’amis pour la nuit. Elle a tout le confort dont on puisse rêver avec une salle de bain attenante. Je réalise à l’instant que je ne vais pas dormir dans mon lit ce soir. Je me rappelle qu’il avait promis de me protéger. Est-ce sa façon à lui de se rattraper pour ne pas avoir tenu sa promesse ?

Une fois installé dans la chambre qu’Aédan a mise à ma disposition, j’envoie à Annie un SMS pour l’avertir que je découcherai ce soir. Je ne veux pas l’inquiéter. Je ne lui parle pas de Jean, pas ce soir. Je ne peux pas lui parler du comportement chevaleresque d’Aédan sans lui dévoiler ce qui s'est passé durant cette soirée.

Annie me demande évidemment où je vais dormir ? Malgré l’heure tardive, elle n’est pas couchée. Elle m’attendait devant la télévision allongé dans son canapé. Je lui réponds que je dors chez une collègue parce que le champagne m’est monté à la tête. Elle me taquine, me demande s’il ne s’agirait pas plutôt d’un collègue.

Annie me demande pourquoi Charles ne me ramène pas à la maison. Je n’ai pas la force de lui avouer la vérité, je suis encore bouleversée. Je me sens encore une fois stupide et naïve sans pour autant pouvoir l’expliquer.

La honte me gagne.

Je ne désire qu’une seule chose à cette minute, dormir pour oublier. Je m’allonge dans ce grand lit dans cette grande chambre dans cette grande demeure en espérant que demain matin à mon réveil je réalise qu’il ne s’agit que d’un mauvais rêve.

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