Chapitre 30
Suzie
Le grand jour est enfin arrivé, Aédan a invité sa famille à passer l'après-midi au domaine. Puis nous devrions terminer cette journée par un festin si j’arrive à maintenir ma gaucherie à distance. Ce qui n’est une chose très aisé ni très naturel pour moi puisque ma maladresse est une partie à part entière de moi-même, qui plus est j’aimerai bien pouvoir m’en débarrasser.
Le gong de la porte d'entrée retentit et la présentation de sa famille se fait rapidement. Je suis intriguée car ils ont l’air de me connaître alors que moi je ne sais rien d’eux. Je sais qu’Aédan a un frère, Trevor et qu’il est marié à Moira. Ils ont deux charmantes petites filles, une des seules révélations que Louise a bien voulu me donner pour que je n’ai pas l’air d’une ahuri quand la porte allait s’ouvrir. Lorsque je l’ai questionné, elle a catégoriquement refusé. Mais je n’ai reçu aucun autre détail sur eux. Aédan a été une nouvelle fois très radin sur les renseignements. Je soupçonne Aédan d’avoir donner des directives pour me laisser dans l’ignorance alors qu’à l’évidence il leurs à parler de moi. Son frère, tout comme sa femme, n’ont aucunement l’air surpris de ma présence au domaine. Son manque de communication envers moi ne me met pas en bonne posture. Je sens encore une fois que ma gaucherie n’est pas loin.
Mais qu’est-ce qui leur a dit ? J’étais angoissée à l’idée de rencontrer sa famille et maintenant je suis tétanisée devant eux. Je déglutis et articule difficilement. Les mots qui sortent de ma bouche sont hachés. Je parle et je me déplace comme un robot. Mon cerveau doit se reconnecter à mon corps sinon ils vont croire que je fais un AVC.
Heureusement pour moi, Moira semble avoir remarqué mon malaise et vient à mon secours.
- Bonjour, je suis Moira, la belle soeur d’Aédan et la femme de Trévor. Vous êtes sûrement la nouvelle amie d’Aédan ?
- Bonjour, je m’appelle Suzie, répondé-je timidement.
- Aédan m’a un peu parlé de toi mais il n’a pas voulu m’en dire beaucoup car il voulait que nous ayons la surprise de te découvrir. Je dois dire que je suis agréablement surprise.
- Ah …
- Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise. Excusez-moi. Mais Aédan ne nous a pas beaucoup présenté “d'amie" et tu ne ressembles pas du tout à … , s'interrompt-elle, ne sachant pas comment terminer sa phrase sans me blesser. Son trouble se lit sur son visage au teint de porcelaine.
- à Amanda, dis-je pour briser le silence qui s’est installé entre nous.
- Je suis maladroite, je n’aurais pas dû amener ce sujet à peine avoir fait votre connaissance.
- Pas d’inquiétude, la gaucherie est un trait de caractère qui ne m’est pas inconnu et qui fera certainement son apparition au fil de la journée et j’espère que comme moi à cet instant vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
- Suzie ! Je vous aime déjà ! rit-elle.
Aédan paraît apprécier le fait que Moira et moi avons sympathisé très rapidement. Le quiproquo ayant été dissous en une fraction de seconde, nous avons fini par un éclat de rire et un clin d'œil conspirateur. Les garçons se regardent interloqués mais Aédan ne perd pas le fil des présentations et me présente en tant qu'amie à son frère. Dans quel sens dois-je interpréter ce mot ? A-t'il fait exprès ? Il laisse planer l’ambiguïté sur la définition de notre relation. J’avais espoir qu’il soit un peu plus clair avec ses invités pour que je puisse à mon tour y voir plus clairement. Hélas je n’ai pas de réponse. Bref, je décide d’arrêter de me poser vingt mille questions et de prendre la journée comme elle vient. Je me jette à l’eau, je me laisse dériver comme une brindille portée par les flots au gré des courants. Je verrais bien ou cela me mène.
J'observe leur retrouvaille chaleureuse. Ils sont très heureux de se revoir après une longue absence. Son frère ne lui ressemble pas du tout. Il est souriant tout d’abord, chatain aux yeux clairs alors qu’Aédan est un brun aux yeux noirs. Il est avenant tout comme sa femme qui a de magnifique cheveux auburn longs ondulés. Une femme très belle, une beauté naturelle sans artifices. Une femme avec beaucoup de prestance. Leurs petites filles me sont également présentées, Eryl et Ivy. Elles ressemblent beaucoup à leur maman. Elles ont la même couleur de cheveux, l'aîné à une tresse tandis que la plus jeune en a deux, une tombant sur chaque épaule. Pour les différencier, cela va m’aider car elles se ressemblent beaucoup malgré leur écart d’âge. Si je n’avais pas été au courant, j’aurais pu croire qu’elles étaient sœurs jumelles. Elles sont mignonnes, amusantes et espiègles. Je reconnais un trait de caractère SCOTT dans cette énumération. Elles ont l’air de m’apprécier à première vue. J’ai le droit à un énorme sourire et une bise.
- Et moi les filles ! Votre oncle n’a pas le droit à un câlin ! dit-il un genou à terre, les bras grands ouverts.
- Bien sûr que oui ! disent-elles en se ruant dans ces bras.
Aédan est en admiration devant elles. Il est ébahi devant ces nièces qui ont continué de grandir en son absence. Elles se jettent dans ses bras. Il les enlace avec tendresse. Elles lui demandent si cette fois il va rester pour toujours car Aédan leur manque beaucoup. Ce roc avec un genou à terre devant ces petites filles est déstabilisé. J’ai un pincement au cœur pour lui et pour elles aussi. Ces deux fillettes ont ébranlé cet homme d’ordinaire si rude et opiniâtre. Je le vois se liquéfier devant elles quand il brise leurs illusions d'enfants.
- Non, je ne reste pas les filles. Je repars dès demain en France. Il dit ces mots avec de la tristesse dans la voix et les yeux humides. Mais aujourd’hui, je suis tout à vous Mesdemoiselles, dit-il pour adoucir l’ambiance.
Je découvre un homme tendre qui a déposé sa carapace au pas de la porte dès que ses nièces l’ont franchi. J’ai eu un aperçu de sa tendresse dans ma chambre l’autre nuit. Mon corps se souvient encore de ses gestes tendres, de ses caresses. Il lâche prise aujourd’hui avec sa famille. Je suis captivée par ce nouvel homme, sa face cachée. Ce côté sensible, affectueux et bienveillant m’envoute. Je suis en train de succomber à son charme. J’ai des sentiments naissants pour cet homme. Mais que va t'il se passer une fois revenu en France ? J’anticipe encore une fois au lieu de me laisser aller au moment présent. Je me giffle intérieurement pour me bousculer. Je dois apprendre le lâcher prise. En piste Mademoiselle !
Après un déjeuner plutôt frugal, les filles nous emmènent nous balader dans le parc du domaine. Le temps y est très agréable. Le soleil nous réchauffe les épaules devant ce merveilleux spectacle qui nous est offert par ce paysage pittoresque. Je ne m'étais pas engagé de ce côté du domaine, mon mauvais sens de l'orientation m'y a empêché. Je découvre un nouveau paysage avec en arrière plan le domaine SCOTT. L’Irlande possède des paysages à couper le souffle.
Aédan est heureux entouré de sa famille et ils lui rendent en retour. La joie est communicative aujourd'hui sur le domaine. La fraîcheur de cette fin de journée nous oblige à rentrer au château. La gouvernante propose un chocolat chaud à ces demoiselles et nous offre une tasse de thé. Les hommes se sont éclipsés du salon pour faire une partie de billard. Nous laissons les frères à leur occupation et nous en profitons pour nous laisser aller à de petites confidences entre filles.
Moira me confie, elle aussi après Louise il y a quelques jours, que ma présence a changé quelque chose chez Aédan. Il y a très longtemps qu'elle ne l'a pas vu heureux même lorsqu'il était avec Amanda il ne l'était pas vraiment me confie-t-elle. Il essayait mais il lui semblait qu’il faisait semblant. Il n’en était pas complètement conscient. Eryl venait de naître, leur père était malade et il venait de faire la connaissance d’Amanda. L’envie de faire plaisir à son père avant sa mort et la volonté de fonder sa famille à lui a sans doute précipité son mariage. Son envie d’être heureux à son tour a eu raison de lui.
- Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? finit-elle par oser me demander. Aédan est très secret, il n’a pas voulu me raconter grand chose sur vous. Il voulait que l’on se fasse notre propre opinion sur toi.
- Nous ne sommes pas vraiment ensemble, lui répondé-je hésitante. Je ne sais pas tout à fait ce que nous sommes l’un pour l’autre lui avoué-je ? Nous n’avons pas encore délimité notre relation. Je ne sais pas si on peut dire que nous sommes un couple ou seulement des amis. L'Irlande restera peut-être qu’une escapade pour lui. J’ai peur que notre retour en France ne coupe les ailes de notre aventure.
- Aédan a commis une erreur avec son ex qui le poursuit encore aujourd’hui. Il a peur de l’abandon et ne se livre pas très facilement avec les femmes comme tu as dû le remarquer. Si il prend ses distances à votre retour en France, promet moi d’avoir une certaine clémence pour son attitude.
- Moira, je commence à avoir des sentiments mais je dois me préserver, j’ai vécu quelque chose de très dur également. Je peux te promettre d’essayer mais pas de réussir. Je ne pourrais plus accepter la froideur comme preuve d’amour.
- Suzie, je suis désolée, je ne savais pas et je ne voulais surtout pas faire remonter de mauvais souvenirs. Décidément, je mets les pieds dans le plat à chaque fois avec toi, dit-elle en faisant une moue désapprobatrice.
- Tu ne savais pas, je ne t’en veux pas du tout. Je n’ai pas pour habitude de me dévoiler de la sorte. D’ailleurs, je n’arrive pas à comprendre comment j’arrive à te parler de cette partie de ma vie dont je ne suis pas très fière.
Elle me rappelle beaucoup Annie et je m’étonne de me confier aussi facilement à une inconnue. Je lui avoue mon attachement à Aédan mais également mes peurs car il ne s'exprime pas sur ses attentes et encore moins sur ses sentiments. Je lui révèle sans retenue ce début de soirée dans ma chambre, le fait que l’ai repoussé après la venue d’Amanda et sa froideur d’après. J'ai peur qu'il ne recherche auprès de moi que du sexe.
Elle sourit en disant que c’est du Aédan tout craché après avoir craché son venin sur Amanda. Un pas en avant et deux pas en arrière. Elle me livre que sa dernière relation sérieuse était avec Amanda et que depuis aucune femme n’avait réussi à retenir son attention à part moi. Il n’en a pas conscience, me dit-elle, mais il y a une attirance entre nous qui n’est pas passé inaperçu auprès de Trevor et d’elle.
Mes joues rosissent.
- Comment avez-vous pu remarquer que je lui plaisais ? demandé-je. Alors que je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense de moi.
- Son regard, Suzie ! Son regard est lumineux ! Ses yeux s’illuminent dès que tu pénètres dans une pièce. Il ne te quitte jamais des yeux. Ce sont des petits gestes et attentions imperceptibles qu’il a pour toi. Mais je le connais trop bien pour qu'il me berne.
Nous discutons d'Aédan, de ma famille et de l'Irlande. Les filles s’amusent dans le château au dépens de la gouvernante. Elle est plus que comblée que cette fabuleuse demeure retrouve le temps de quelques heures sa vie d'antan. Ce domaine a vu grandir bon nombres d’enfants depuis le 18ème siècle et depuis quelques décennies il est sans vie, il a perdu son âme.
Moira me confie qu’elle connaît depuis leur enfance, Trevor et Aédan. Elle me chuchote qu’elle et Aédan étaient amoureux. Je suis choquée de cette révélation. Pourquoi se marier avec Trevor alors ? Elle se confie à son tour que lorsqu’ils se sont expatriés en France, les premiers émois se sont estompés. Et quand Trevor est retourné en Irlande, le coup de foudre a frappé. Ils se sont fréquentés avec la bénédiction d’Aédan.
- Trevor n’aurait jamais osé m’approcher sans cela. La distance physique entre ses deux frères n’a en rien freiné la relation fraternelle qu’ils entretiennent. Il nous a même poussé dans les bras l’un de l’autre. A cette époque il n’était pas prêt pour une relation durable et encore moins pour une vie de famille. Alors qu’aujourd’hui il est plus que prêt, il faut juste qu’il n’est plus la frousse de ses sentiments.
- Donc tu as choisi Trevor ?
- Oui, sans jamais avoir eu le moindre regret même si j’aime beaucoup Aédan. Je ne regrette pas mon choix et sache qu’Aédan non plus.
Sur ses paroles rassurantes, Louise nous informe que le dîner est servi. Nous nous dirigeons donc dans une pièce plus petite que la grande salle austère, plus intime, une table ronde y trône. On se croirait presque à la maison. La décoration du château a suivi les années. La modernité s'harmonise à merveille avec la vieille pierre, les reliques et les tapisseries sans dénaturer l’atmosphère de celui-ci.
La belle rousse me chuchote qu'il s'agissait de la pièce où ils dinaient en famille lorsque leur mère était encore parmi eux. La salle a une place particulière pour Aédan et son frère, intimiste.
Nous nous asseyons autour de cette table ronde et naturellement une place reste libre à côté de moi. Aédan sourit. Je suis troublée de le voir s'asseoir à mes côtés vu qu’il a gardé une distance entre nous toute la journée. Il continue sa discussion avec son frère et dépose son bras droit nonchalamment sur le dossier de ma chaise. Je me tétanise. A quoi joue t-il ? Moira me regarde avec un sourire au coin des lèvres. Elle me fait un signe de la tête pour approuver ses dires de tout à l’heure. En effet Aédan est détendu et à l’aise. Je renvoie son sourire à Moira. Mon corps se décrispe quand une des petites filles nous décoche sans alerte :
- Vous allez vous marier avec Suzie ? Parce que nous on l’aime bien. Elle est gentille et belle. On l’a préfère à ton autre femme.
- Je prends note de ces paroles. Vous avez raison les filles, moi non plus je l’aime pas mon ex-femme. Je crois que Suzie non plus d’ailleurs.
Une gêne incommensurable m’envahit. Je me mets à bégayer. Aucun son ne réussit à sortir de ma bouche. Alors que tous les autres se mirent à rigoler.
- Suzie a fait la rencontre d’Amanda ? s’étonne Trévor.
- Oui, elle a fait une entrée renversante telle une tornade. Elle a fait une brève apparition.
- Tu l’as jeté dehors, j’espère, s’emporte Trévor.
- Si nous gardions le cap sur la question que les filles ont posée. Veux-tu bien ne pas faire de digression pour ne pas avoir à répondre, s’enquit Moira.
- Tu as raison, Moira, nous n’allons pas parler d’elle ce soir. Pour réponse à mes charmantes nièces à la question du mariage, je n’ai pas l’intention de me remarier les filles, en tout cas pas dans l’immédiat, répond-il.
Aédan ne me quitte pas des yeux et je sens une chaleur honteuse me monter au joues. La couleur de celles-ci ne passe pas inaperçue autour de la table. Moira me sourit, je repense à nos confidences de cette fin d’après-midi. Plus personne n’ose prendre la parole après cette révélation, cela ne fait qu’augmenter mon malaise. Je baisse les yeux sur mon assiette, n’osant rencontrer leurs regards et ne cesse de croiser et décroiser mes doigts sous la table.
- Vous avez mis dans l’embarras mon amie, les filles. Mais j’ai un aveu à vous faire ? A moi aussi elle me plait.
- Tu es amoureux, dit Ivy. Parce que moi j’ai un amoureux mais Papa et maman ne le savent pas, je ne leur ai pas dit. Lui aussi je ne lui ai pas dit c’est mon amoureux secret.
- Tu as raison, Ivy. Moi aussi elle ne le sait pas, elle est mon amoureuse secrète comme toi.
Madame La Gouvernante nous amène le plat principal aussi discrète qu’une petite souris. Je prends la parole pour vite changer le sujet de conversation qui me met très mal à l’aise pour demander ce qu’elle nous a préparé à manger car l’odeur m’ouvre l’appétit. Nous partageons tous notre envie de déguster la cuisine de Louise. Le sujet est retombé comme un soufflet à ma grande satisfaction.
Ce soir un plat traditionnel nous est servi, l'Irish Stew ou en gaélique "stobhach gaelach". Ce plat est un mélange de pommes de terre, d’oignons et de carottes accompagné de viande d'agneau. Mon accent gaélique n’est pas très au point, j’ai des progrès à faire. Eryl et Ivy se moquent de moi, elles s’en donnent à cœur joie de m'entendre massacrer cette langue si difficile à prononcer pour les non-initiés. Je suis nullissime en prononciation du gaélique irlandais. Je dois m’améliorer si je dois revenir en Irlande. La marge de progression est grande, j’ai espoir de me perfectionner.
J’aime découvrir de nouveaux plats. Je suis affamée et je goûte cette potée. La balade de cet après-midi et l’odeur de cuisson depuis notre retour m’a ouvert l’appétit. Je suis agréablement surprise par ce plat que je trouve très bon. Le ragoût est savoureux et je salive d’avance quand on m'annonce que du chocolat est au menu. J'ai hâte que le dessert me soit présenté. Toujours dans la tradition, ce n'est pas simplement un gâteau au chocolat, c'est un "chocolate guinness cake". Comme son nom l'indique, la touche irlandaise tient dans la touche de bière. C’est un dessert fait au moment de la St Patrick. Je plonge ma cuillère dans cet alléchant gâteau et la porte à ma bouche. Une explosion de saveur me tire un gémissement de bonheur. Cette pâtisserie est à tomber, il me faut absolument la recette. J'en prends une seconde cuillère et laisse une seconde plainte m'échapper. Je savoure les yeux fermés, mon cerveau libère de la dopamine. Je suis en extase dans ma bulle, plus rien ne compte que ce gâteau au chocolat.
Je m'étouffe tout à coup lorsqu'une main se pose sur ma cuisse et me l'étreint. Mes yeux s’ouvrent aussitôt et j’avale mon bout de gâteau. Je rougis. Malgré tout, il continue de remonter sa main sous la table jusqu'à mon entrejambe. Je déglutis. Je resserre instinctivement les cuisses et me redresse sur ma chaise en raclant la gorge.
La belle rousse me demande si je vais bien, elle s’inquiète que ma gourmandise l’ai emporté et que je m’étouffe un morceau trop gros. Alors que Trévor assis à la gauche d’Aédan paraît avoir compris le manège de celui-ci.
- Aédan qu'est ce que tu lui as fait ? Elle est devenue couleur pivoine en une seconde et elle a failli s'étouffer.
- Je ne lui ai rien fait de particulier, dit-il amusé. Elle est réceptive ce n'est pas de ma faute ! Ce doit être un effet secondaire du chocolat.
- Remets ta main sur la table et laisse la tranquille, dit son frère amusé.
- Ma main ? Elle est là ! dit Aédan s'accoudant à la table.
Il esquive un rictus de satisfaction à l'encontre de son frère. Je comprends alors mieux la connivence dont me parlait Moira plus tôt dans la journée. Aédan se penche vers moi et me susurre à l'oreille qu'il veut que ce soir je laisse le verrou de ma porte ouvert. La couleur de mes joues s'était atténuée lorsqu'il avait retiré sa main et voilà qu'en une seconde elles deviennent cramoisi.
Évidemment, son frère en profite aussitôt et continue ses railleries :
- Tu lui a soufflé des mots cochons !? Vous voulez peut-être un peu d'intimité ?
- Chéri, s'il te plait, tu ne vois pas que tu gênes Suzie ? Quand vous êtes ensemble vous êtes impossible les frères SCOTT, dit sa femme en guise de réprimande.
- Je plaisante chérie mais peut-être qu'Aédan et son invité souhaitent que l'on écourte cette soirée ? Il est tard et les filles sont fatiguées.
- Non ! s'écrient Eryl et Ivy en coeur. On veut rester nous …
J’appuie la demande des filles en expliquant que cette soirée est agréable et qu’elles s'amusent beaucoup dans le château. Je les supplie du regard et finalement il reste pour une tasse de thé. Mon corps s’embrase sous la chaleur. Est-ce la chaleur du thé ? ou est-ce le corps d’Aédan à proximité ?
J’ai passé une agréable journée auprès de sa famille. Ça me rappelle qu’Annie me manque. Aédan raccompagne sa famille à la porte. Pendant ce temps, je m'éclipse dans ma chambre pour appeler ma sœur. Je raconte à Annie que je suis tombée amoureuse de l’Irlande. J’ai des projets plein la tête. Elle me taquine pour les moments partagés avec Aédan mais surtout elle m’encourage à aller au bout de ce flirt.
Toc ! Toc !
- Suzie, tu m'ouvres ? demande-t-il lascivement.
- Aédan, il ne se passera rien, dis-je fermement. Je suis au téléphone avec ma sœur.
Il rigole et murmure derrière la porte :
- Ce n’est donc pas ce soir à l'évidence que nous allons poursuivre ce que nous avons entamé. Tu m’en veux encore ? Je te promets Suzie que tu me supplieras de te faire jouir à nouveau avec ma langue. Je me rappelle que tu avais beaucoup aimé. Je n'ai pas oublié tes petits cris. Bonne nuit Ma Suzie ! Fais de beau rêve, je te rappelle que ma chambre et deux portes plus loin au cas où tu changerais d’avis. Ma porte, elle, restera ouverte.
J'entends ses pas s'éloigner, je déglutis. J'entends ma fente humide qui me reproche de ne pas avoir ouvert cette foutue porte. Il y a plusieurs jours, il était transi et d'un revers de la main, une contrariété, il est devenu distant puis à nouveau après une journée plus qu’agréable il redevient mutin.
Je ne suis pas une girouette ! Quand il saura ce qu'il veut alors pourquoi pas !
Je ne sais pas m'impliquer dans une relation sans exprimer mes sentiments et je ne veux pas être la seule à ressentir quelque chose. Parce que dans ce cas je serais encore celle qui souffrira de cette relation. J’appréhende notre retour en France et son changement d’humeur. Je cherche tout et n’importe quoi pour me raccrocher à ma décision de garder cette foutu porte close. Cette fois-ci la raison l’emporte sur mon désir. La raison ou la peur ? Pas le temps de réfléchir, Annie m’appelle au combiné. Je reprends ma conversation téléphonique avec elle. Nous discutons longtemps jusqu’à tard dans la nuit. Je lui parle d’un projet qui me tient à cœur depuis longtemps mais que j’avais mis entre parenthèses avec l’arrivée de Jean dans ma vie. Elle m’écoute, me conseille et approuve mes décisions et mes choix. Elle me conforte et je crois que j’avais besoin de ça.
La nuit fut courte car ce matin nous préparons nos valises à l’aurore pour notre retour précoce en France. Nous devons être avant 10 h à l’aéroport et nous avons un peu de route avant d’y arriver. Nous atterrissons dans l’après-midi en France et nous partons chacun de notre côté.
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