III - Le palais des rêves 

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Tu tournes la page. La sensation de papier sous ton doigt est étrangement glaciale, et Casablanca surgit soudain devant toi. Les rues ne sont plus des rues, mais des couloirs sinueux et mystérieux. Ton cœur se serre, ton ami est là, même s’il ne parle pas. Les lignes du livre te parlent. Jalil te parle.

“Regarde bien, c’est notre ville, mais elle s’est transformée, n’est-ce pas ?” Les mots coulent de la page, formant la voix de Jalil, ton ancien ami, ta victime. “Elle reflète ce qui est en toi. C’est un palais de rêves et de cauchemars.”

Tu avances, les mots de Jalil te guidant, et tu te retrouves face à une vitrine. La montre est là, les aiguilles tournent inexorablement, un rappel constant de la trahison.

“Tu la vois ?” Les mots de Jalil sont doux, presque mélancoliques. “C’était le symbole de notre amitié. Regarde les aiguilles du temps, comment elles tournent sans fin. Elles n’ont pas d’arrêt, tout comme nos souvenirs.”

Tu frémis, captivé par les aiguilles. Elles deviennent un portail, et tu te sens aspiré vers les émotions et les souvenirs.

“Souviens-toi,” continue Jalil, sa voix invisible se frayant un chemin à travers la page. “N’était-ce pas toi qui me l’avais offerte ? N’était-ce pas nous qui admirions ensemble ces aiguilles, leur mouvement gracieux et précis ?”

“Oui,” tu murmures, perdu dans les méandres de la mémoire. “Mais tout a changé.”

“Oui, tout a changé.” Les mots de Jalil résonnent, profonds et sans jugement. “L’amour, la trahison, la vengeance. Tout a commencé là, n’est-ce pas ?”

Tu ne réponds pas, écrasé par la vérité.

“Nous continuerons, tu verras,” dit Jalil doucement, ses mots comme une caresse. “Ce voyage n’est pas fini. Laisse-moi te guider, mon ami, vers la compréhension.”

Casablanca, ce palais de rêves et cauchemars, te hante encore. L'éclat de la montre dans la vitrine semble avoir éveillé en toi quelque chose de profond, de lointain. Jalil, lui, demeure silencieux, ses mots n'étant entendus qu'à travers les lignes du livre.

"Tu la vois, cette femme ?" dit-il, ta victime, ton guide. Sa voix semble venir d'ailleurs, douce et déconcertante à la fois. "Celle qui t'a tout pris, celle qui a tout changé."

Tu lèves les yeux et tu la vois. La femme. Ton cœur se serre, ta respiration s'arrête un instant. Elle est là, belle comme tu te souviens, belle comme elle l'a toujours été. Mais c'est Jalil qui parle d'elle, et non toi. C'est Jalil qui te fait voir ce que tu as refusé de voir.

"Tu l'as aimée, n'est-ce pas ?" demande Jalil, sans accusation, sans jugement.

"Oui," tu réponds, les mots à peine audibles.

"Et moi aussi," ajoute Jalil, un trémolo dans la voix. "Mais je ne t’ai pas trahi. Elle me désirait, je l’ai repoussé, pour toi, pour moi, pour nous."

Elle s'approche, ses lèvres s'entrouvrent, mais elle ne dit rien. Tout est dans son regard, un regard qui te transperce et te révèle la réalité.

"Dis-le-lui," presse Jalil, sa voix tremblante d'émotion. "Elle doit entendre la vérité de ta bouche."

Tu regardes la femme, ton amour perdu, et tu vois en elle tout ce que tu as détruit. Puis tu te tournes vers le livre, vers Jalil.

"J'étais jaloux.” murmures-tu. “Je t'ai cru coupable d'une trahison que tu n'as jamais commise. Je t'ai tué pour une illusion."

Les mots sont simples, directs, dépourvus de toute fioriture. Ils te transpercent, ils te révèlent la vérité que tu as tant voulu ignorer.

"Pourquoi ?" dis-tu enfin, la voix brisée.

"Parce que tu n'as jamais voulu voir," répond Jalil. "Tu n'as jamais voulu accepter que ce n'était pas moi, que c'était elle. Tu as choisi de croire au mensonge, au lieu de me faire confiance."

Les mots s'évanouissent, et il ne reste que le silence, le poids de la vérité. La femme disparaît, et tu es de nouveau seul avec Jalil, avec toi-même. La ville se tait, attendant ta réaction, attendant que tu acceptes enfin ce qui est arrivé.

"Maintenant tu sais," dit Jalil, calme, implacable. "Maintenant tu comprends."

Il n'y a rien d'autre à dire. La vérité est là, nue, indéniable. Elle te regarde en face, et tu ne peux plus fuir.

"Pourquoi?" Répètes-tu, ta voix tremblante.

"Pourquoi quoi?" réplique Jalil, calme et insondable. "Pourquoi la femme, ou pourquoi moi?"

"Les deux," tu articules. Les larmes se pressent, mais tu les refoules. Pas maintenant. Pas ici.

"Tu n'as donc pas encore compris, n'est-ce pas?" dit Jalil, sa voix douce mais déterminée. "La vengeance n'est pas une réponse. Elle n'est qu'un écho de la douleur."

La ruelle où tu l'as envoyé, où tu l'as tué, apparaît devant toi, aussi réelle que si tu y étais de nouveau. Les sons, les odeurs, l'horreur de cette nuit. C'est là que tout s'est terminé, où l'amitié a été brisée.

"Tu vois," continue Jalil, "la vengeance est une chose vivante. Elle grandit, elle se nourrit de ta douleur, de ta colère. Et ensuite, elle te dévore."

Tu te tournes vers lui, tes yeux brûlants. "Et l'amitié? Et l'amour? Où étaient-ils?"

"Dans ton cœur," dit-il doucement. "Mais tu as laissé la vengeance les étouffer."

L'image de la montre revient, sa beauté brisée, ses aiguilles immobiles. Un symbole de ce que tu as fait. De ce que tu as perdu.

"La vengeance n'est pas une fin," dit Jalil, sa voix pleine de tristesse. "C'est un miroir brisé. Tu te regardes dedans, et tu ne vois que ta propre douleur, ta propre perte."

"Et toi?" demandes-tu, ta voix presque un murmure. "Que vois-tu?"

"Je te vois," dit-il simplement. "Ton ami. Ta victime."

La ville commence à se dissiper, les rêves et les cauchemars se fondant dans la réalité. Le livre se ferme, Jalil se tait, et tu te retrouves seul, avec ton chagrin, ta culpabilité.

Et la montre, toujours brisée, toujours là. Un rappel.

Tu comprends maintenant. La vengeance, l'amitié, l'amour. Ils sont tous liés, tous emmêlés dans un tourbillon d'émotions et de douleurs.

Jalil est parti, mais sa voix résonne encore dans ton esprit.

"La vérité n'est pas simple, et la compréhension est un chemin long et tortueux. Mais tu es sur la bonne voie. Continue à chercher, continue à comprendre."

Tu regardes autour de toi, et Casablanca est de retour, mais différente. Comme toi.

Tu te mets en marche, la montre à la main, les derniers mots de Jalil résonnant dans ton esprit.

"La vengeance n'est jamais une réponse. L'amitié, l'amour, la vérité. Ce sont eux qui comptent."

Le voyage n'est pas terminé. Il ne fait que commencer.

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