Chapitre 1

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 Alors que j’étais plongée dans mon carnet, écrivant un énième poème, ma professeure de français s’approcha de moi et jeta un coup d’œil à mes écrits.

 « Tes poèmes sont magnifiques Mykkä. Tellement d’émotions regroupées en si peu de ligne. Tu as du talent, vraiment. Je peux ? »

 Je le fermais violemment, emprisonnant mes plus sombres pensées, rangea mes affaires dans mon sac et partit en courant. Avant d’atteindre la porte, elle rajouta :

 « Si tu as besoin de quelqu’un à qui te confier, autre que ton journal, n’hésites pas à venir me voir.»

 Je me dirigeais la tête basse vers mon casier, ruminant intérieurement. Je l’ouvris et y déposa mes livres dont je n’avais plus l’utilité pour les prochaines heures. En le refermant, j’eus un hoquet de surprise en voyant Sydän, mon meilleur ami.

 « Je t’ai fait peur ? dit-il en riant »

 Un grognement digne d’un ours répondit clairement à sa question.

 « Qu’est-ce qu’il t’est arrivé pour que tu n’accordes même pas un petit sourire à ton meilleur ami ?»

 Je sortis une ardoise, un feutre et écrivit :

« La prof de français a vu mon carnet…

 -Et...quel est le problème ? Je parie qu’elle t’a même fait le plus beau des compliments t’ayant déjà lu, je me trompe ? »

 Je poussais un second grognement.

 « Tu vois ! Pourquoi repousser tous ceux qui veulent t’aider ? Depuis la mort de ta sœur tu es devenue un vrai coquillage renfermant toute sa douleur au cœur de sa perle ! Tu t’es érigé un mur tout autour de toi, ton mutisme n’empêche pas à ta souffrance de te ronger de l’intérieur et tu t’éloignes de plus en plus de tes proches, y compris moi ! Ça ne peut pas durer éternellement Mykkä, tu as besoin d’aide mais têtue comme tu es, tu refuses d’en saisir l’opportunité !

 J’écrivis rageusement sur mon ardoise qu’il aille se faire voir et pour la seconde fois de la journée, je fuis.

Comment est-ce qu’il ose me parler comme ça ? Ok, je souffre inconditionnellement. Ok, je me suis renfermée sur moi-même. Mais de quel droit il se permet de me le reprocher de la sorte ? Cela fait un an que Elämä est décédée de son cancer des poumons. Une ironie lorsque l’on connait la signification de son prénom, vie. Lorsqu’elle a exprimé ses derniers mots avant que ses cordes vocales ne se brisent à jamais, ma voix s’est envolée avec la sienne. Depuis, l’écriture rythme ma journée, ma plume glisse délicatement sur les feuilles jaunies de mon carnet pour y déposer toute ma douleur, mon chagrin, mon désespoir, et les impriment à jamais en son cœur. Je n’ai pas besoin d’un psychologue, ni de l’aide de qui que ce soit. Et…

 Je venais de bousculer de plein fouet Mme Renard, faisant valser mon précieux calepin et mon ardoise dans les airs tandis que le sac de ma professeure tomba dans un fracas sourd sur le sol.

 "Tu devrais être un peu moins dans tes pensées et regarder où tu marches, tu vas finir par blesser quelqu’un !”

 Je baissai le regard, désolée, l’aida à ramasser ses affaires et avant de continuer mon chemin, elle me retint par le bras.

 ”Mlle Kuu… Mykkä… Je vois à quel point la mort de ta sœur t’a bouleversé. Sa vie a été bien trop courte, son avenir lui tendait les bras. Malheureusement le destin en a décidé autrement et tu dois l’accepter. Tes poèmes. Ils sont la clé vers ta guérison. Mais les confiner dans ce carnet les empêche de dévoiler toutes leurs émotions, leurs messages, tu devrais les partager avec d’autres, cela te ferait grand bien et te libérerait d’un grand poids. Tu sais ce qu’est le slam ?

 -Non

 -Je tiens un club de slam, on se donne rdv avec tous mes autres élèves une fois par semaine, le mercredi après-midi. Les élèves écrivent des poèmes qu’ils liront par la suite sur scène, c’est un excellent exercice pour prendre confiance en soi et exprimé ce que l’on garde au plus profond de son cœur. Tu accepterais de venir y assister ? Rien qu’une fois et je ne t’obligerais à rien, je te le promets.

C’est moi ou la prof à oublié le fait que je suis muette ?

 Je la regardais avec un air étonné et lui répondit :

-Oubliez-moi, je ne lirais mes poèmes sous aucun prétexte. Et comment le pourrais-je ?

 -Je ne te demande pas de devenir slameuse en un cours mais uniquement de venir, observer, écouter et voir en quoi cela te serait bénéfique.

-Une seule fois et sans obligation de participer ?

 -Comme tu voudras.

-Vous pourriez me donner l’adresse et l’heure s’il vous plaît ?

 -Bien sûr, c’est ici même au lycée, au CDI de seize heures à dix-huit heures. C’est bon pour toi ?

-Oui merci.

 -Je te laisse retourner à ta rêvasserie, mais regarde où tu mets les pieds à l’avenir ! Passe une bonne journée et pense à ce que je t’ai dit.”

 Je hochais la tête, la regarda s'éloigner avant d’entendre la sonnerie annonçant le prochain cours.

Ça ne m’oblige en rien. Qu’est-ce que j’ai a y perdre après tout ? Comme dirait les latins, Alea jacta est.

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