Chapitre 38

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La dernière semaine de cours au lycée Lincoln passa à une vitesse inouïe. Maintenant que tous les élèves de première et de seconde étaient libérés des examens – la prochaine session de tests standardisés ne commençait pas avant la fin du mois d’août – et que les terminales n’avaient plus d’autres préoccupations que leur cérémonie de remise des diplômes prévue le samedi matin, nombreux étaient les lycéens qui n’hésitaient pas à sécher les cours de l’après-midi pour aller profiter du soleil dans les parcs de Greentown, sur les docks ou même à la plage.

Il fallait dire que certains profs semblaient eux-mêmes se croire déjà en vacances. Ils n’avaient plus de contrôles à surveiller, plus de copies à corriger, le programme du semestre était terminé, et ils peinaient à trouver des activités dignes de susciter l’intérêt de leurs élèves et de les retenir en classe. M. Carver, pour meubler ses cours d’anglais, n’avait pas eu de meilleure idée que de projeter des films à longueur de journée. Lisa eut le droit à Autant en emporte le vent, et ce film long de quatre heures occupa la totalité de ses six dernières leçons d’anglais. Elle manqua de s’endormir au beau milieu de la première séance, vit la classe se dépeupler de moitié à partir de la deuxième, et finit par se retrouver en compagnie d’une poignée d’élèves qui préféraient jouer à Candy Crush sur leur smartphone plutôt que de suivre les amours rocambolesques de Scarlett O’Hara.

Hélas, nombreux furent les enseignants qui, en panne d’inspiration, suivirent l’exemple de M. Carver. Le prof d’histoire de Lisa choisit de montrer à ses élèves Les raisins de la colère – un film encore plus vieux qu’Autant en emporte le vent, mais qui avait au moins le mérite d’être plus court – et son prof d’économie opta pour un documentaire assommant sur le krach boursier de 2008.

Heureusement que l’équipe enseignante comptait encore quelques rares exceptions, parmi lesquelles figurait bien évidemment M. Bates. Il fut probablement le seul professeur qui continua de faire travailler ses élèves jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au tout dernier jour. Lui, au moins, ne tarissait pas d’idées pour occuper ses élèves. En ce lundi 19 juin, à quatre heures seulement du début des grandes vacances – les lycéens terminaient exceptionnellement les cours à midi –, il avait concocté à la classe de Lisa une série d’exercices de géométrie analytique, pour leur rappeler les heureux souvenirs du début du premier semestre.

Si la plupart des élèves y voyaient plutôt une ennuyeuse corvée, Lisa, elle, savourait avec bonheur le plaisir de résoudre ces problèmes géométriques qui lui évoquaient en effet ses tout premiers cours avec M. Bates. Comme le temps avait passé vite ! Elle n’avait pas vu filer cette année scolaire. A croire que le temps s’écoulait plus rapidement quand on était amoureuse... Pendant près de huit mois, M. Bates avait occupé ses moindres pensées, et les heures passées en sa compagnie lui avaient toujours paru filer comme des secondes... Pour cette ultime leçon de maths avant les vacances d’été, Lisa entendait bien profiter de chacun de ces instants avec son prof, aussi pleinement que s’il s’agissait des derniers de sa vie.

Alors que la classe était plongée dans un silence studieux, uniquement perturbé par le bruit des crayons sur le papier et le bourdonnement d’une mouche, Lisa ne cessait de jeter de petits coups d’œil à la dérobée en direction de M. Bates, assis derrière son bureau. Il portait ce jour-là son nœud papillon bordeaux, assorti à un pantalon de la même couleur, et délicatement serré autour du col d’une chemise blanche à fins carreaux bleu marine. Pendant que ses élèves cogitaient, il s’efforçait de tuer le temps en feuilletant distraitement les pages du manuel de mathématiques de première, comme pour s’assurer que ses cours avaient bien couvert l’ensemble du programme. Lisa l’observait d’un air rêveur, se délectant à la vue de ce visage si séduisant, qu’elle essayait de graver dans son esprit pour les deux mois à venir. Ses épais sourcils bruns étaient légèrement froncés – signe de sa concentration – et ses yeux marron parcouraient les lignes du bouquin qu’il tenait dans les mains en brillant d’un éclat vif qui reflétait son génie. Comme ses lunettes en écailles de tortue glissaient doucement sur son nez, il les réajusta en appuyant son index gauche sur le milieu de la monture, entre les deux carreaux, ce qui le rendit encore plus sérieux. Il finit par détourner son attention du bouquin, et son regard croisa alors celui de la seule élève de la classe dont la tête n’était pas penchée sur son cahier d’exercices.

- Lisa ? questionna-t-il d’une voix surprise, et le cœur de la nommée se figea soudain. Quelque chose ne va pas ?

Prise sur le fait, Lisa se mit à rougir, et elle s’empressa de bégayer : « Oh, euh… Non, non… Tout… Tout va très bien… », avant de baisser coupablement les yeux sur son exercice de géométrie.

- Si tu as terminé, tu peux continuer avec l’exercice 12, lui dit M. Bates. C’est un problème sur les coniques, qui demande un peu plus de réflexion que les autres et qui devrait te plaire… 

Lisa fut flattée que M. Bates prenne soin de ne pas la laisser s’ennuyer et lui confie devant ses camarades un problème de niveau avancé, mais en réalité, elle était loin d’avoir fini tous ses exercices. Pas étonnant, étant donné qu’elle avait passé le tiers de son temps à rêvasser en admirant secrètement son prof ! Elle commençait à peine l’avant-dernier problème de la liste, qui ne comportait pas moins de huit questions… Elle fit cependant mine d’avoir progressé autant que M. Bates semblait l’imaginer et lui répondit avec un timide sourire : « D’accord ».

L’objectif était maintenant pour elle de rattraper le retard qu’elle venait de prendre, avant que M. Bates ne se mette à passer entre les rangs et ne s’aperçoive qu’elle n’avait toujours pas jeté un œil à l’exercice 12. Elle tenta de se concentrer, malgré le bruit pénible que faisait la mouche en virevoltant dans la classe, et malgré la tentation qu’elle avait à chaque instant de relever la tête pour contempler une nouvelle fois l’homme assis juste en face d’elle. Au bout de quelques minutes, elle s’aperçut cependant qu’elle n’était pas la seule à avoir du mal à réfléchir. M. Bates avait à nouveau délaissé son livre pour fixer un regard perplexe vers le fond de la salle. Lisa ne put s’empêcher de se retourner sur sa chaise pour voir ce dont il s’agissait, et remarqua alors que plusieurs élèves des deux derniers rangs avaient totalement cessé d’écrire et préféraient regarder en l’air la mouche qui volait.

- Que se passe-t-il ? demanda M. Bates en se levant de son bureau pour rejoindre les lycéens oisifs. C’est la mouche qui vous embête ?

A son tour, l’enseignant leva la tête pour suivre avec intérêt les déplacements chaotiques de l’insecte, comme s’il essayait d’en calculer la trajectoire.

- Vous n’allez tout de même pas vous laisser distraire par une mouche ! lança-t-il à ses élèves, qui tâchèrent de se focaliser à nouveau sur les exercices qu’ils avaient laissés en plan.

Pendant ce temps, l’enseignant alla ouvrir une fenêtre pour permettre à la mouche de s’échapper, et il suffit de quelques secondes avant que l’insecte trouve effectivement la sortie.

- On a eu de la chance, c’était une mouche intelligente, commenta M. Bates en refermant la fenêtre.

Profitant d’être debout parmi ses élèves, il commença à se promener au milieu des rangées de tables pour inspecter l’avancée des travaux. Lisa sentit les battements de son cœur s’accélérer : il fallait à tout prix qu’elle se dépêche de finir les deux derniers problèmes de la liste pour pouvoir s’attaquer au numéro 12 avant que son prof n’arrive à sa table !

Par chance, M. Bates s’attarda un moment à côté de Jordan Buckley, se penchant au-dessus de son cahier d’exercices pour lire ses équations et observer ses figures géométriques.

- Elle est pas mal, mon ellipse ? s’enquit Jordan avec un grand sourire plein d’espoir.

- Ça va… J’ai vu pire…, commenta M. Bates. Je vois pire, ajouta-t-il en tournant la tête vers la table voisine et en découvrant le dessin d’ellipse de Scott Davis.

Lisa étouffa un gloussement de rire, ce qui attira l’attention de son voisin de gauche, Arthur Macmillan.

- C’est quel exercice qu’il faut faire, quand on a terminé ? lui demanda-t-il en se penchant vers elle.

Le sourire de Lisa s’évanouit aussitôt. Ce petit génie avait fini par la devancer ! Elle aurait dû s’y attendre... Voilà ce qui arrivait quand on passait son temps à reluquer son prof de maths et à rire à ses blagues.

- Exercice 12, répondit la jeune fille en grinçant des dents et en se demandant s’il ne valait mieux pas qu’elle passe directement à cet exercice plutôt que de laisser Arthur la distancer davantage.

Par chance, M. Bates décida d’aller corriger lui-même les exercices au tableau, et comme il en avait cinq à traiter et qu’il ne restait plus qu’un quart d’heure de cours, Lisa en conclut qu’il n’y avait plus aucun risque pour elle que l’enseignant s’aperçoive de son retard. Elle pouvait donc désormais l’observer à l’envi, sans culpabiliser ni se soucier du reste.

Soulagée, elle reposa son stylo et appuya sa tête contre la paume de sa main pour admirer paisiblement M. Bates. Celui-ci lui tournait le dos et remplissait le tableau de formules aussi longues les unes que les autres. Il écrivait de sa main gauche avec une rapidité déconcertante, et il ne lui suffit que de cinq minutes pour résoudre le premier problème.

- Des questions ? demanda-t-il en se retournant vers la classe. Des inquiétudes ? Vous avez tous compris comment passer d’une équation cartésienne à une équation réduite de conique ?

Les élèves restèrent plongés dans un silence de plomb. Certains semblaient tellement perdus qu’ils fixaient le tableau avec des yeux hagards, la bouche entrouverte d’effarement ; d’autres fronçaient les sourcils en tentant de déchiffrer ce qui était écrit sur l’ardoise comme s’il s’agissait de hiéroglyphes.

- Oui ? Non ? s’enquit l’enseignant. Une réponse ? Un petit signe de tête ? Ah, voilà ! s’exclama-t-il en souriant à Arthur, qui avait daigné hocher la tête pour acquiescer. Peut-être même une confirmation verbale ?

Lisa, qui ne supportait pas de voir une classe aussi peu réactive en présence de M. Bates, ne put alors s’empêcher de s’écrier haut et fort : « OUI ! », ce qui surprit un bon nombre de ses camarades. Le sourire du prof s’élargit et ses yeux brillèrent de joie lorsqu’il lui répondit :

- Aaah ! Merci, Lisa, ça fait plaisir à entendre !

« Pas autant que de vous entendre prononcer mon prénom ! » pensa la jeune fille avec ravissement.

M. Bates se tourna à nouveau vers le tableau pour s’attaquer à la correction du deuxième exercice. Lisa, qui jusque-là avait répondu juste à toutes les questions, se replongea dans sa contemplation. Elle se délectait à la vue des larges épaules de M. Bates, impeccablement soulignées par les coutures de sa chemise. Celle-ci était repassée à la perfection, sans le moindre pli, hormis ceux sur ses manches qu’il avait retroussées jusqu’aux coudes. Lisa se demandait s’il repassait lui-même ses chemises ou s’il allait les porter au pressing… Vu la taille de sa garde-robe, l’entretien de ses costumes devait soit lui prendre beaucoup de temps libre, soit lui coûter beaucoup d’argent… A moins qu’il ne confie cette tâche à sa femme ? Mais Lisa chassa vite cette pensée de son esprit pour se reconcentrer sur son prof. Ses cheveux bruns et courts étaient coupés net au-dessus de sa nuque, formant un contour propre et arrondi, qui venait effleurer le haut du col de sa chemise. La partie visible de son cou exerçait sur elle une irrésistible attraction... Elle rêvait de s’en approcher pour y déposer un baiser… Quel délice ce serait de sentir sa peau contre ses lèvres et de s’enivrer de son parfum !

La sonnerie de neuf heures moins vingt retentit à tout rompre, tirant brutalement Lisa de sa rêverie. Ce bruit strident lui déchira le cœur autant qu’il lui déchira les tympans. Il marquait pour elle la fin de son tout dernier cours de l’année avec M. Bates.

- Déjà ? murmura Lisa d’un air désemparé.

Comment était-ce possible ? Elle avait du mal à y croire. A vrai dire, elle refusait d’y croire. Alors que tous ses camarades se levaient de leur chaise pour s’empresser de quitter la salle en souhaitant de bonnes vacances à leur prof, Lisa, elle, rechignait à ranger ses affaires. Essayant de prolonger autant que possible ses dernières secondes en compagnie de M. Bates, elle ne trouva pas de meilleure excuse que de défaire puis de refaire les lacets de ses Converse. Hélas, lorsqu’elle fut la dernière dans la classe et qu’elle vit arriver les premiers élèves du cours suivant, elle comprit qu’il était temps pour elle de céder sa place et de se rendre en anglais. Aller voir la fin d’Autant en emporte le vent ne la réjouissait guère, mais ce supplice n’était rien comparé à la douleur qu’elle éprouvait à l’idée de devoir prendre congé de M. Bates.

Enfilant à contre-cœur son sac en bandoulière, Lisa se tourna vers l’enseignant pour le regarder droit dans les yeux. La vue de son regard vif et pénétrant la fit avaler sa salive. Elle ne trouvait même pas la force de lui souhaiter de bonnes vacances.

- Ne tarde pas trop, Lisa, lui recommanda M. Bates. Je ne voudrais pas que tu rates le début de ton prochain cours... 

- Oh, ne vous inquiétez pas, il n’y pas grand-chose à rater ! 

- Tout de même… Je ne voudrais pas avoir de problèmes avec M. Carver ! Tu ferais mieux d’y aller… 

- Je file, dans ce cas ! Bonnes vacances ! 

- Bonnes vacances, Lisa. Repose-toi bien. 

- Merci, vous aussi, répondit la jeune fille, avant d’ajouter d’une voix chargée d’émotion : A bientôt !

Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle se précipita vers la sortie et se mit à courir dans le couloir comme une dératée. Elle ne tenait pour rien au monde à ce que M. Bates la voie s’effondrer devant lui.

La gorge nouée, elle parvint à retenir ses pleurs jusqu’à son arrivée devant la porte fermée de la salle de M. Carver. Le bruit provenant de l’intérieur lui confirma que la projection du film était déjà commencée. Sans prendre la peine de frapper, Lisa entrouvrit doucement la porte et vit que la classe était plongée dans le noir. Les élèves du premier rang étaient soit en train de dormir, soit en train de jouer sur leur téléphone portable, et même M. Carver avait l’air de somnoler derrière son bureau... L’entrée de Lisa passa quasiment inaperçue. Profitant de l’obscurité, elle se faufila jusqu’à sa place au dernier rang, et se laissa tomber sur sa chaise d’un air abattu. Elle fixa un regard morne sur l’écran de télévision, mais ses pensées allèrent directement à M. Bates, et son chagrin ne tarda pas à la submerger.

Deux larmes se mirent à glisser lentement le long de ses joues. Lisa ne prit même pas la peine de les essuyer. Il faisait tellement sombre dans la salle que personne ne pouvait remarquer qu’elle était en train de pleurer. Personne ne se préoccupait d’elle, de toute façon… Il n’y avait que M. Bates qui durant cette année scolaire lui avait témoigné une attention sincère et désintéressée. Il n’y avait que lui qui l’avait soutenue et encouragée sans relâche dans son travail de tous les jours. Il n’y avait que lui qu’elle aimait de tout son cœur, de toute son âme… Il n’y avait que lui… Et elle venait de le quitter pour plus de deux mois… Deux mois et demi sans le voir… Cela lui paraissait une éternité.


- Deux mois et demi de vacances ! Quel pied ! s’exclama Joey à l’heure du déjeuner.

Il était midi pile et les grandes vacances venaient officiellement de commencer. Lisa, Astrid, Joey et Kevin s’étaient réunis autour de leur table de pique-nique habituelle pour un dernier repas dans la cour du lycée avant de partir en congés. Le temps était radieux, le soleil brillait de mille feux dans un ciel sans nuages, et la chaleur qui enveloppait les airs était adoucie par une brise bienvenue.

L’humeur était à la fête. Des lycéens couraient dans l’herbe en poussant des cris de joie, d’autres s’empressaient de franchir les grilles du lycée pour sortir en ville célébrer leur liberté retrouvée. Tout le monde se laissait gagner par l’euphorie, savourant ces premiers instants de détente comme une heureuse délivrance. Tout le monde… sauf Lisa.

La pauvre jeune fille avait bien du mal à cacher sa tristesse. Même son délicieux bagel saumon-avocat n’arrivait pas à lui remonter le moral. Elle le contemplait d’un air las, et n’avait toujours pas trouvé l’envie de mordre dedans.

- Pourquoi tu fais cette tête d’enterrement, Lisa ? s’étonna Astrid, qui avait rarement vu son amie manquer d’appétit.

- Tu es triste parce que les cours sont terminés et que tu n’auras plus de devoirs à faire pendant deux mois et demi ? plaisanta Kevin.

- Tu aurais dû en demander à M. Bates ! lança Joey. Je suis sûr qu’il t’en aurait donné une tonne à faire pour septembre.

« J’aurais dû lui demander beaucoup de choses » songea Lisa. « A commencer par ce qu’il comptait faire pendant ses vacances… »

La jeune fille brûlait d’envie de connaître le programme de son prof de maths pour la pause estivale. Avait-il prévu de partir loin d’ici, visiter de la famille, des amis ou une île paradisiaque ? Préférait-il rester dans le coin, pour continuer de découvrir cette région dans laquelle il s’était installé moins d’un an auparavant ? Elle espérait de tout son cœur que M. Bates avait opté pour cette seconde possibilité. S’il était toujours dans les parages durant les congés, peut-être aurait-elle une chance de l’apercevoir ?

De son côté, elle était sûre de rester à Clayton et dans ses environs. Sa mère continuait de travailler jusqu’à fin juillet et ne pouvait s’accorder que deux semaines de pause début août. Afin d’éviter les dépenses, elle préférait ne pas quitter la région. Le seul voyage qu’elle offrait à Lisa était celui jusqu’à Fairfield pour rendre visite à ses grands-parents. Autant dire que Lisa ne voyait pas beaucoup de paysage… Mais cela ne la dérangeait pas outre mesure. A vrai dire, elle avait pris l’habitude de ces vacances sédentaires. En tant que fille unique, elle trouvait toujours le moyen de s’occuper. Que ce soit en se baladant dans la nature, à pied ou à vélo, en se faisant bronzer dans son jardin avec un bon bouquin dans les mains, en jouant de la guitare ou de la basse, en dessinant, en écrivant, en faisant de la photographie ou du bénévolat au refuge pour animaux… Non, vraiment, les activités ne manquaient pas. Sans compter les sorties que lui proposaient parfois ses amis lorsqu’ils étaient dans le voisinage : au cinéma, à la piscine ou même au bord de mer. La plage de sable la plus proche n’était qu’à une dizaine de kilomètres de Greentown. Certes, l’eau n’était pas très chaude – sa température dépassait rarement les vingt degrés, même en période estivale – mais elle offrait un agréable rafraîchissement durant les fortes chaleurs.

- Je pense que je vais plutôt profiter de ces grandes vacances pour me changer les idées, rétorqua finalement Lisa – même si elle savait pertinemment qu’il lui serait impossible de chasser M. Bates de ses pensées. Parfois, ça fait du bien de se vider la tête...

- Hahaha ! s’esclaffa Kevin. Joey en sait quelque chose ! Vu qu’il n’y a jamais rien dans la sienne, ce n’est pas très compliqué pour lui !

- Eh ! protesta Joey en poussant du coude son camarade.

- En tout cas, j’en connais une qui n’aura pas trop de mal à se changer les idées, reprit Kevin en dévisageant Astrid d’un air envieux.

La blonde sourit, puis répondit aux regards interrogateurs de Lisa et Joey en leur expliquant :

- Mes parents et moi partons pour trois semaines à Hawaï.

- Waouh ! La chance ! s’exclama Joey. Quand je pense que le seul grand voyage que je vais faire durant les vacances sera la tournée des universités d’Etat de Californie… 

- C’est nettement moins excitant, en effet…, commenta Kevin.

Lisa, elle, se demandait si elle aurait l’occasion d’aller cet été jusqu’à Boston pour visiter le MIT… Sa mère accepterait-elle de sacrifier une partie de ses deux semaines de congés et de casser sa tirelire pour accompagner sa fille à l’autre bout des Etats-Unis, dans le seul but de voir à quoi ressemblait l’université de ses rêves ? Plus Lisa y songeait, plus elle en doutait…

- J’espère au moins qu’il ne fera pas trop chaud, reprit Astrid. L’été dernier, nous sommes allés aux Bahamas, et j’ai vraiment cru que j’allais mourir… 

- Plains-toi ! lança Kevin. Tout ce que j’espère, moi, c’est que tu ne tomberas pas sous le charme d’un beau surfeur musclé avec lequel tu finiras par m’oublier...

- Oh, je vois que monsieur est jaloux ! s’exclama Astrid. Comme c’est mignon ! ajouta-t-elle avant d’embrasser son petit ami sur la bouche. T’inquiète, je t’enverrai des cartes postales pour te donner des nouvelles !

- Aaah, si seulement j’avais de  quoi me payer un vol pour Hawaï, je serais venu avec toi…, se lamenta le garçon. Au lieu de ça, je vais encore passer toutes mes vacances à me morfondre à Greentown…

- Ne t’en fais pas, le rassura Joey, je suis sûr qu’on trouvera le moyen de s’amuser sans ta dulcinée. 

- Ah oui ? En faisant quoi ? demanda Kevin d’un air dubitatif. En jouant à World of Warcraft toute la journée ?

- Pas seulement ! On pourra aussi aller au festival de jazz de Greentown, du 27 au 30 juillet. Mon frère viendra y jouer avec son groupe, avant de continuer sa tournée sur la côte ouest. Il m’a demandé si je pouvais l’aider à installer le matériel sur scène et à vendre des disques pendant ses concerts.

A ces mots, Lisa releva la tête de sa lunch box et fixa Joey avec des yeux écarquillés de surprise. Le festival de jazz de Greentown ? Mais bien sûr ! Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Cela faisait déjà plusieurs années que cet événement avait lieu dans la ville, attirant toujours des milliers de visiteurs venus des quatre coins des Etats-Unis. Jamais Lisa n’avait éprouvé un intérêt particulier à y aller, mais maintenant que son cœur ne battait plus qu’au rythme de son amour pour M. Bates, ces festivités lui apparaissaient sous un tout nouveau jour. Il y avait de fortes chances pour que son prof de maths s’y rende, lui qui était un grand amateur de jazz… Si elle aussi allait y faire un tour, peut-être aurait-elle l’occasion de le croiser ? La jeune fille sentit renaître en elle une lueur d’espoir à l’idée qu’elle pourrait revoir M. Bates pendant les vacances...

- Pas de bol, les gars ! lança Astrid. Je serai déjà rentrée de Hawaï, le 27 juillet !

- Mince, moi qui pensais pouvoir profiter de ton absence pour faire la fête tous les soirs au festival ! plaisanta Kevin.

- Pas grave, fit Joey en haussant les épaules. Tu pourras venir avec nous, si ça t’intéresse, dit-il à d’Astrid, comme si elle avait besoin de sa permission pour sortir avec son propre copain. Lisa, tu voudras aussi nous accompagner ?

Le visage de la jeune fille s’éclaira d’un large sourire, et ce fut avec une joie retrouvée qu’elle répondit :

- Avec plaisir !

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