échoués...
* * *
Un souffle faiblard faisait à peine frémir les palmes des arbres au-dessus de leurs têtes. Au loin, le bruit des vagues se perdait.
Avant de revenir avec fracas pour s’écraser à quelques pas d’eux.
Mais à cet instant, rien n’avait plus d’importance. Ils avaient mieux à faire.
La main tremblante, un jeune homme brun inscrivit les premières lettres.
« SOS
venez nous chercher »
L’autre lui arracha le message d’un coup sec.
- ça ne va pas ! s’énerva le petit blond. Jamais ils ne nous trouveront avec ça. Laisse-moi essayer.
« Sommes sous les grands palmiers, à côté de l’embouchure de la rivière »
- Et tu te crois malin ? demanda le brun en toisant l’autre. Et c’est pas des palmiers d’abord. Ça ressemble à une sorte de bananier,… ajouta-t-il en levant les yeux au-dessus de lui.
Un filet de sueur courait le long de son front. Il ne prit pas la peine de l’essuyer. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti au sec, dans cet environnement tropical.
Louchant sur les branches qui ne faisaient pas d’ombre, il se plongea dans une réflexion intense.
Le blond le regarda faire, comme si la nomenclature de l’espèce botanique en question allait les aider à sortir de là.
Au bout de cinq minutes de contemplation muette, ponctuées de hochements de tête approbateurs, il fut convenu qu’il s’agissait de ficus.
« Sommes sous les ficus
au secou... »
- Tu crois que ça suffira comme indication ? interrompit le blond, le front plissé de sérieux.
- Qu’est-ce que tu veux que je mette d’autre ? répondit le brun agacé, en regardant autour de lui. C’est pas comme si j’avais une adresse à donner, là, vois-tu !
Le blond, qui n’avait pas dit son dernier mot, se concentra à s’en faire décoller la rétine.
- Essaie de rajouter qu’on n’a rien à manger.
- Si on réussit à se faire récupérer, je pense qu’ils n’auront rien à carrer que notre dernier repas remonte à hier soir… !
- Oui mais on sait jamais ! Vas-y, rajoute !
- Je mets quoi ?
- « On a faim » ?
- … ? interrogea le brun d’un regard douteux, soupçonnant enfin l’immensité de la bêtise de son compagnon.
- Ou alors, faudrait déjà savoir ce qu’on voudrait manger. Genre qu’ils aient déjà préparé des spaghettis bolognaises. Ou un bon steak.
- Non mais t’es pas un peu con ? On s’en fout. Je veux sortir de là, et qu’on en parle plus. Je vais finir par ne plus supporter. Je ne tiens plus le coup, là… souffla le brun d’un air douloureusement exténué.
- Ok, alors on écrit juste
« SOS
sous les ficus
si possible amenez des compotes »
- c’est bien les compotes non ? demanda le blond. C’est pratique à emmener, ça se glisse partout, non ?
Le brun hésitait à répliquer, las de devoir se battre contre des profondeurs d’idiotie bien ancrées, lorsqu’il fut interrompu :
- Dites-donc les comiques, ça fait combien de temps que vous êtes accrochés au bord du grand bain à essayer d’envoyer un sms?
Les garçons se regardèrent, effarés. Mais relativement soulagés.
- Quand on ne sait pas nager, et qu’on a peur des remous de la rivière sauvage, on reste dans la pataugeoire, hein ? insista le maître nageur moqueur en leur tendant une perche.
Aucun d’eux ne releva, préférant la honte à la noyade.
Comme quoi, tout est parfois une question de priorité.
* * *
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