Chapitre III

5 minutes de lecture

Ce qu’Uriel qualifiait de bureau n’était qu’un local aux cloisons nues, composé d’un mobilier minimaliste qui se résumait à une table et trois chaises. L’homme aux mocassins fut posé sur l’une d’entre elles, Uriel s’installa en face pendant que Valéri resta une fesse appuyée au bord de la table entre les deux.

Il tenta de lui saisir le livre qu’il écrasait dans sa main comme s’il essayait de le faire disparaître.

— Si vous voulez bien lâcher ce…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’Uriel entama les négociations, sur le ton d’un individu qui a cultivé une certaine rancœur envers les gars aux cheveux longs qui portent des mocassins d’indien.

— Écoute-moi l’invertébré, tu vas me répondre d’abord juste par oui ou par non, est-ce que tu prends des drogues ou un suivi médical qui pourrait altérer ton comportement, voir te rendre violent ?

Avant de tourner son visage vers son collègue.

— C’est la première question que tu dois poser au cas où le suspect serait sous effet, on le confie directe aux flics, il nous est interdit de nous mettre en danger, note le bien.

L’autre paraissait avoir du mal à utiliser sa bouche pour articuler un truc normal, il exprimait un rictus abominable qui aurait pu déclencher un prématuré chez une femme enceinte.

— Ouais enfin, là, on dirait plutôt qu’il va se chier dessus coupa Valéri.

Uriel ouvrit de grands yeux.

— Ne lui donne pas des idées toi !

Avant de taper violemment du plat de sa main sur la table.

— Alors deux chiens qui s’enculent, drogues ou médicaments !

Le client sursauta.

Il les regardait tour à tour, se concentrait pour tenter de parler. Les deux visages qui l’entouraient le fixaient sans un mot, attentif. Il finit par les questionner d’une voix sans assurance.

— « ous… “ous l’avez vu ?

Par réflexe Valéri demanda.

— Quoi ?

Uriel, en fin connaisseur, le devança et dressa sa main pour lui montrer qu’il ne plaisantait pas.

— Toi, si tu réponds mon cul, je te replace la bouche à l’horizontale sans passer par la case kiné, fouille-le pour voir s’il ne cache pas d’autres livres de cuisine dans ses poches Val !

Le gars se mit à trembler, mais se laissa faire. Il paraissait aussi déboussolé qu’un mec qui vient de passer sous un bus et s’en sort indemne sans comprendre comment.

Il réussit à articuler.

— L’ooomme bleu, aaabat-jour ?

Valéri déballa un téléphone pas très récent, un jeu de clés, portefeuille avec carte d’identité de sécu » ainsi qu’une multitude de fidélités.

— Ah voilà, la police le cherche j’en étais sûr !

Son collègue plus sceptique remarqua.

— Il n’y en avait pas dans le rayon ni dans le magasin, ils parlent peut-être de clients habillés de la même couleur, et les abats jours sont à l’opposé de la librairie.

Uriel jeta un rapide coup d’œil sur les documents.

— J’en ai pas vu non plus, bon alors, Vince, Philippe Vince pour les drogues et les médicaments, faudrait qu’on sache, tu tournes à quoi Geronimo, ecsta, amphé ou crack ?

Le téléphone posait sur la table, se mit à vibrer, tous les regards pivotèrent vers lui, le chef indien réussit à balbutier avec une difficulté évidente si on prend en compte le fait qu’il bavait.

— Maaaa, maaa fe femm femme…

Uriel anticipa comme d’habitude.

— Décroche, il est incapable de parler, demande-lui pour les drogues et s’il elle peut venir le chercher par la même occasion. Sinon, on va être obligé d’appeler une ambulance et j’aime pas ça, on va se taper un max de paperasse pour rien.

Valéri oscilla de la tête, se saisit du téléphone, se recula d’un pas et répondit. Aussitôt une voix contrariée se fit entendre.

— Qu’est-ce que tu fais, tu m’as promis de revenir tout de suite j’ai besoin de ma recharge moi !

L’indien commença à gigoter sur sa chaise, on sentait qu’il tentait de dire un truc, sans succès.

— Bonjour madame, ici, l’agent de sécurité Mirabo du Megaraptor Monsieur Vince est-il votre mari ?

— Non ce n’est pas mon époux, mais qui vous êtes-vous d’abord et pourquoi ce n’est pas lui qui me répond ?

Valéri inspira, et entreprit de lui décrire la situation de la manière la plus neutre qui soit.

— Je suis l’agent de sécurité, il a tenté de voler un livre, madame, et son comportement et ce que l’on pourrait qualifier de non approprié dans un lieu ouvert au public. Est-ce que vous savez s’il prend des drogues ou s’astreint à une médication ?

Suivi d’un silence qui remettait en doute une prochaine date de mariage.

— Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût, monsieur, passez-moi tout de suite mon compagnon, ou j’appelle la police pour enlèvement et séquestration !

Uriel leva les yeux au ciel et lui fait signe de faire ce qu’elle demandait.

— Si vous voulez, mais je ne garantis pas qu’il parvienne à vous parler.

Conclut-il avant de donner le téléphone à mocassins.

Le mec essaya d’articuler un truc inaudible, sans succès, mais on sentait bien une réelle détresse émerger de ses balbuties.

— Tes blagues avec tes copains sont nulles ! suivit d’un silence et d’une ondulation dans la voix, Phil', c’est toi… mais, qu’est ce qui t’arrive, parle-moi !

L’autre engagea une forme de monologue d’onomatopée sans queue ni tête, en bavant abondamment, avant que Valéri se décide à récupérer le téléphone, en l’utilisant avec une certaine distance.

— Bon, écoutez, vous avez entendu comme moi, il n’est pas dans son état normal. On vient de l’interpeller, il essayait de s’enfuir au risque de mettre les clients en danger ainsi que lui même, alors ou vous venez le chercher, à l’entrée 222B ouest où nous appelons les pompiers ou le SAMU pour le faire repartir, c’est vous qui voyez !

— Non j’arrive, désolé, je pensais à une plaisanterie, j’arrive tout de suite, entrée 222B ouest, répéta-t-elle pour le lui confirmer, n’appelez personne c’est inutile !

Elle raccrocha et Uriel sourit.

— Ben voilà une affaire qui marche, on a plus qu’à attendre, bien joué mec, elle a senti l’urgence de la situation.

L’agent reposa le téléphone.

— Je peux te laisser seul avec lui, je vais la réceptionner, à mon avis, elle ne devrait pas tarder.

— Oui, t’inquiètes, je gère l’invertébré.

Valéri opina du chef avant de sortir, la journée commençait bien et les fêtes n’avaient pas débuté, se dit-il un rien désabusé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Fidelis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0