Aerin
Aerin observait son reflet dans le miroir. Ce reflet qui lui renvoyait chaque jour les stigmates de son passé. Elle parcourut des doigts les sillons enflés qui lui léchaient la moitié du visage.
Les flashs l'assaillirent une fois de plus.
Une ombre. Sombre. Accompagnée d'un hurlement. Strident.
Un raclement de gorge interrompit sa contemplation et chassa les pensées qui la torturaient. Elle saisit le loup doré qu'elle apposa sur son visage et tourna lentement la tête, dévoilant la dentelle métallique incrustée de perles scintillantes qui auréolait ses yeux ambrés, épousait l'arête de son nez et terminait sa descente le long de sa joue droite. Elle pivota entièrement et avança doucement en direction de ses gardes. Le claquement de ses talons sur le marbre froid résonnait dans la pièce qui un instant plus tôt était enveloppée d'un silence pesant.
- Parlez.
- Rien à signaler Votre Majesté. Aucun mouvement sur les terres du Nord.
- Et ce monstre ?
- Toujours aucune trace Votre Majesté.
D'un geste de la main, Aerin renvoya ses officiers puis elle s'approcha des larges fenêtres qui donnaient sur la forêt domaniale. Les yeux plissés derrière son masque, elle scrutait les allées arborées comme pour percer le secret de ce fantôme qui la hantait depuis tant d'années.
Ces flashs incessants qui survenaient sans crier gare agressèrent à nouveau son esprit.
Des flammes. Ardentes.
Un visage. Celui de de sa mère, doux et bienveillant, mu en un masque d'effroi.
Des yeux jaunes. Perçants.
Une étincelle raviva son regard éteint. Elle invita son ennemi dans son esprit torturé. Celui dont le souvenir enflammait constamment sa peau striée. Elle pouvait, rien qu'en fermant les yeux, sentir son souffle acide caresser sa joue.
Un gouffre. Béant. Bouillonnant.
Et le visage de sa mère dansant au milieu des flammes avant de fondre comme de la cire le long d'un cierge brûlant.
Aerin serra les dents. Elle avait appris à modeler sa souffrance pour parvenir à la transformer en une arme plus destructrice encore : celle de la Mort. Elle rêvait de ce jour où on lui apporterait ce monstre ailé. De ce moment, où la gueule muselée, il serait enfin à sa merci. Elle soutiendrait son regard implorant tout en lui plantant une dague en plein cœur. Ce sombre désir eut l'effet escompté, ses lèvres s'étirèrent en un rictus amer.
- Maman ? Tu joues ?
Nella se tenait tout près de sa mère, les bras chargés de jeux en bois. Une lueur malicieuse illuminait son regard. Préoccupée par ce combat qu'elle livrait, la Reine n'était pas d'humeur à jouer. Elle renvoya sa fille afin de pouvoir songer plus calmement à de nouvelles stratégies. Une pointe de culpabilité l'envahit. Elle n'était pas la mère bienveillante et protectrice qu'elle aurait voulu être. La mort avait gangrené son cœur. Elle avait emporté ses parents, sacrifié son époux dans cette traque incessante qu'elle menait et avait insufflé à son âme un poison plus puissant que l'amour, celui de la vengeance. Désormais, rien ne comptait plus à ses yeux que de retrouver le responsable de toute sa souffrance et de la lui faire payer.
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