Emancipation de Robin.

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 « Va te faire voir, Batman ! Je n'ai pas besoin de toi ! Je suis un homme maintenant ! »

 Robin raccrocha violemment le combiné et se tourna vers les quatre malabars en costumes croisés. Ils portaient des masques de clown et le menaçaient de leurs pistolets-mitrailleurs. Robin les jaugea d'un regard altier où sourdait une violence latente prête à exploser.

 L'un des clowns – le plus grand – fit un pas en direction du jeune homme en costume.

 « T'es mort, Robin. T'es mort et tu le sais pas encore.

 - C'est vrai, » ajouta un deuxième clown aux proportions plus modestes.

 A ces mots, le clown qui avait parlé le premier se figea, leva les yeux au plafond en esquissant un geste d'agacement. Il se tourna ensuite vers le plus petit clown sans plus se préoccuper de Robin.

 « Franchement, si c'est juste pour dire ça, je préfère que tu fermes ta gueule. »

 Le petit clown, baissant son arme à son tour, répondit, un brin penaud :

 « Excusez-moi, chef, c'était pour ponctuer.

 - Ca ponctue que dalle. Au contraire. Ma tirade avait quelque chose de définitif, tu vois ? Là, tu balances deux mots tout pourris qui n'apportent rien et c'est naze ! Non mais y a pas d'autre mot. C'est juste naze ! »

 Profitant de l'occasion, Robin se jeta sur le pistolet-mitrailleur du chef des clowns, le désarma, écopa d'une aller-retour de la main gauche en pleine face.

 « On se calme, dit le grand clown. Quand les adultes causent, les enfants écoutent. »

 Robin se redressa maladroitement sur ses jambes nues, prêt à riposter. Derrière lui, le téléphone s'était remis à sonner.

 Le grand clown regarda Robin, puis le téléphone, puis à nouveau Robin. Puis les deux. Affablement, il proposa :

 « Tu veux qu'on fasse une pause ? Tu réponds et on reprend après, si tu veux. »

 Robin, que rien n'étonnait à l'époque, le remercia pour sa sollicitude avant d'effectuer un surprenant saut périlleux en direction du grand clown. Celui-ci s'écarta d'un pas tandis que ses complices s'émerveillaient encore à voix haute de la qualité de la figure acrobatique de Robin.

 « Ouah, c'est beau ! », « tu m'étonnes qu'il bosse avec Batman », « ah c'est sûr, il bosse pas avec des clampins, le rat volant. »

 La sonnerie du téléphone reprit de plus belle.

 « Tu es sûr que tu ne veux pas répondre ? »

 Manifestement blasé, Robin se ferma comme une huître, la moue boudeuse et le regard noir derrière son masque. Il tourna le dos à ses assaillants, croisant les bras sans rien ajouter de notable si ce n'est un vague « fchier » mal articulé.

 « Oh, c'est mignon. Il boude.

 - En même temps, chef, faut lecomprendre. » intervint un troisième clown. « C'est un petit jeune, il se cherche.

 - Ben oui, » ajouta le quatrième. « Les filles, les hormones, l'acnée...

 - Oui, oui, je sais tout ça. » trancha le chef des clowns. « Et faut dire qu'avec une figure paternelle comme Batman, hein, ça doit pas être facile tous les jours. »

 Excédé, Robin poussa un long hurlement avant de projeter à la face de ses ennemis une flopée de boules puantes. Chaussant un masque à gaz miniature dans l'élan, il accomplit diverses figures gymnastiques au cours desquelles il parvint à étourdir deux des clowns et à frapper les deux autres.

 « Assez ! » cria le clown en chef. Il sortit un long pistolet laser de son sac à dos et visa Robin, qui n'en menait pas large.

 « Aha, j'arrive au bon moment, à ce que je vois !

 - Batman !

 - Batman !

 - Mais enfin, Batman, » pleurnicha presque Robin, « j'avais la situation bien en main ! »

 N'écoutant que son esprit de justice et son goût effréné pour la castagne, Batman distribua les manchettes, les coups de coudes, de pieds, de poings, puis se tournant vers Robin :

 « Bravo, Robin, ton aide me fut précieuse, comme toujours ! »

 Robin s'empara d'un revolver et se tira une balle dans la tête. Batman tomba à genoux, empoignant le corps encore chaud de son camarade et jura de se venger, une fois de plus.

 Le lendemain, une annonce paraissait dans le quotidien de Gotham :

 « Poste d'acrobate-jongleur récemment libéré pour cause de décès prématuré. Bons gages, nourri, logé, blanchi. Majeurs s'abstenir. Orphelin de préférence. »

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