Ambiance pirate détectée. Veuillez prendre les dispositions requises. 

4 minutes de lecture

Paris, le 17 janvier 2025.

Monsieur,

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble qu'on est en train de se faire TROLLER-PIRATER-HACKER-BROUTTER... ou ABANDONNER et quel que soit le terme, ça sent l'arnaque ou la fin d’une époque, le sommet du désarroi ou le fond de la casserole brûlée autrement dit le roussi !

Nous vous communiquons ci-dessous, le résultat (fictif mais possible) de l'enquête (imaginaire mais vraisemblable) menée par une partie de nos équipes (en carton).

Veuillez tout de même considérer que si nous sommes véritablement si nombreux à vous écrire c’est qu’il y a de plus en plus de blocages dans l’utilisation de la plateforme L’ATELIER DES AUTEURS ! Et nous, qui sommes attachés à ce lieu véritablement virtuel car il constitue virtuellement notre agora littéraire, nous vous envoyons ces messages comme autant de bouteilles à la mer.

Auriez-vous un miligramme de sens des responabiltés qui pourrait sauver ce salon littéraire ? Il a été constitué à dessein voici quelques années et il aurait dû être capable de produire les plus brillants écrivains (d’hier, demain, aujourd’hui et peut-être, peut-être qui sait pour toujours !) Ainsi, nous pouvons considérer que L'ATELIERS DES AUTEURS constitue un monument de la culture francophone.

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La scène se passe dans un vaste appartement encombré, où se mélangent vêtements de haute couture épars, restes de nourriture et bouteilles de sodas, de champagne et d'alcools forts, toutes vides.

Peu de meubles, très hétéroclites et maladroitement disposés, un vieux buffet en Formica orange en plein milieu d'une vaste pièce, un canapé d'une marque prestigieuse de mobilier design coincé à l'entrée du couloir qui mène vers des chambres et recouvert de sachets de traiteurs parisiens de renom, plusieurs paires de baskets très tendance dans la salle de bains, un peignoir de grand hôtel sur le plan de travail de la cuisine, et des cartons vides, des emballages déchirés partout et des fauteuils blancs moelleux souillés, tachés, gâchés.

L'espace est très lumineux, éclairé par de larges baies ouvertes sur Paris et la Seine.

Au plafond, un néon bleu clignote à côté de plusieurs boules disco de divers formats créant un rayonnement mouvant, tournoyant qui donne aux montagnes de déchets des allures d’installation d’art contemporain. Il y a aussi des guirlandes lumineuses installées sur certains murs. Elles se balancent au gré du courant d'air car plusieurs fenêtres sont ouvertes. Il fait chaud. Dans l'air plane une forte odeur de cigarette électronique goût fruits rouges mélangée à celle d'un parfum pour homme de grande marque et de dentifrice mentholé.

Sur le grand miroir de l'entrée, le reflet d'un jeune adulte, en casquette à visière, jogging et sweat beige assis à une table, le visage éclairé par la lumière froide d'un écran.

Une voix féminine électronique dit platement : "Votre message vient d'atteindre les 2M de like." On entend un "Yes" de satisfaction.

Le téléphone sonne, une voix parle depuis la "party box" du balcon. Généralement, elle ambiance des fêtes nocturnes déjantées mais dans la journée, elle diffuse plutôt du russe ou du chinois et quelque fois du wolof [1]ou du lingala[2].

Plus tard, au milieu de l'après-midi, des clefs font tourner la serrure de la porte principale.

Un homme d'âge mur, très élégant en costume noir et lunettes de soleil, entre et se glisse dans une petite pièce attenante et sombre. Quelques instants après, il en ressort et vient parler au jeune homme sur un ton qui le positionne nettement comme supérieur hiérarchique tout en sortant un revolver de sa poche et le pose devant lui.

"-Tu connais notre mission : nous ne devons pas laisser se développer cette plate-forme où des lettrés francophones se retrouvent pour partager des pensées, échanger des idées, des écrits. C'est un danger très grand pour nos clients !

C'est un outil démocratique redoutable. Tu dois mettre en place tout ce que tu peux pour planter ce site. Ok ? C'est ta nouvelle mission.

-... (le jeune parle très bas)

-Comment ça ... ? Mais comme quand tu as commencé, quand tu étais brouteur !

Enfin, c'est simple !

Tu crées des faux-comptes, tu repères des faiblards, des sensibles, des sincères, tu les perturbes, tu infiltres en douceur, l'air de rien et tu distilles du négatif, du mauvais esprit, de la rébellion soft, du sweat trolling, et tu ramènes toujours vers l'idée qu'il faut quitter ce site de façon imminente, qu'il y a danger de fermeture et risque de perte des œuvres.

Et en parallèle, tu te réserves quelques faux-profils pour balancer un trop plein de textes débiles qui vont saturer leurs disques durs.

Et aussi, il faudrait créer un site équivalent, un peu nase qui donnerai le change pour dévoyer un max d'abonnés et tu le citerais régulièrement comme étant l'idéal remplaçant d'ADA.

Ah oui, crée quelques comptes de vieux ringards autoritaires qui viennent frustrer les plus motivés en les rabaissant sur le ton d'un prof bienveillant. Toujours avec gentillesse. Comme les brouteurs ok ?

-... (on n'entend pas la voix de l'exécutant)

-Oui, si tu veux des raleurs systématiques qui détruisent l'entente entre les bandes de potes.

-... (le jeune répond en chuchotant)

-"Oui... bien-sûr mais tu fais ce que je te dis ok ? On en reparle dans trois mois. Tiens, j'ai ton salaire. Mais ranges un peu. On ne sait plus où mettre les pieds dans cet appart ! Vide tes poubelles quand-même, un peu de classe ! "

Il dépose trois liasses de billets neufs devant l'écran en disant dans un clin d'œil :

- "Un pour Ci, l'autre pour VL et le dernier de la part du canard sauvage."

Glissant à nouveau son révolver dans sa poche avant de s'esquiver, il lui pince la joue en rajoutant : "C'est bien mon petit, tu vas faire du bon boulot, j’en suis sûr !"

[1] Langue africaine

[2] Idem

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