Où suis-je ? Merde! J’ai mal ! C’est quoi cette connerie ?

Monsieur, je crois qu’il se réveille…

Augmente la dose de morphine. Il ne doit pas se réveiller. Pas avant que j’en ai eu assez.

17h00

Je sors du lycée. Putain, mais quelle journée pourrie ! Le prof m’a engueulé, le vieux va me passer un savon monumental et qui plus est je me suis tapé une moque en maths.

Toute la journée, j'ai dû retenir mon loup. Je ne sais que depuis peu que je suis moitié homme, moitié loup… Ma mère ayant été rejetée de sa meute pour être tombée amoureuse d’un humain, elle a préféré garder le secret en espérant que je ne serai qu’un homme. Finalement, l’hybridation a aussi pris sur moi. Mon loup se nomme Archéus. J’ai toujours su qu’il était là sans pouvoir comprendre qui il était. Petit, c’était mon ami imaginaire.

Bref. Archéus est téméraire et colérique. Tout le contraire de moi. Je suis quelqu’un d’effacé, de timide. Mais intérieurement je bous. Depuis que je sais que je suis un… loup-garou, faut dire les choses comme elles sont hein… Je sens ma propre personnalité changer. Je deviens plus… affirmé. Même mon corps a changé : d’un garçon maigrichon et voûté, je suis devenu un ado (homme?) musclé et fier.

Ce changement n’est pas passé inaperçu. Mes profs, ma famille, ma mère et même mon crétin de père l’ont remarqué. Pour les premiers, ils parlent de crise d’adolescence… pour mes parents… Ils connaissaient la vérité. Lorsque Archéus a pris le pouvoir et que je me suis changé en loup pour la première fois ça a été… comment dire… épique.

À la suite d’une énième dispute avec mon paternel, la colère est montée en moi comme un geyser. Je l’ai laissée exploser… Archéus a pris le pouvoir à ce moment-là. La sensation était… bizarre… J’étais là… Sans être là… Je voyais la scène sans pouvoir la contrôler. Archéus est grand, blanc immaculé aux yeux bleus océan. Mon vieux a reculé avec la peur et ma mère s’est elle-même transformée. Sa louve, Irsa, est brune aux reflets dorés. Archéus ne s’est pas laissé faire et a tenté de se battre avec Irsa. Seulement, Irsa est une puissante descendante d’Alpha… Archéus n’a pas eu d’autre choix que de se soumettre.

Irsa a par la suite discuté avec Archéus. Ma mère est la fille de l’Alpha de la meute la plus puissante de la côte Est. Parce qu’elle est tombée amoureuse de mon père, les siens l'ont chassée. Elle a été exclue. Cela l’a profondément blessée mais elle n’a jamais lâchée prise : son amour a été le plus fort. Trop mignon...

Bref. Aujourd’hui a été une journée de merde. Archéus est sur les crocs. Il faut que je le libère.

17h30

Je suis aux abords du bois de Winneburry. Je jette un œil à droite, à gauche. Personne.

Bizarre. J’ai l’impression que l’on m’observe.

Je vérifie. Non. Il n’y a vraiment personne. J’entre dans le sous bois. Je me déshabille entièrement et laisse mes vêtements et mon sac à dos à l’abri des regards, près d’un buisson épineux.

Je fais appel à Archéus. Il répond gaiement et mon corps se transforme. Mes os craquent, ma peau se recouvre peu à peu de fourrure blanche, ma bouche s’allonge en une gueule pleine de crocs aiguisés et mes sens s’affutent. Je perçois chaque molécule, chaque rayon du soleil différemment.

Je suis libre.

Je m’élance dans la forêt. La sensation est… géniale. Je n’ai pas d’autre mot. Je cours dans les bois, humant chaque odeur, ressentant chaque animal présent.

Soudain Archéus se fige.

Danger.

Quoi ?

Danger.

Archéus se met en position d’attaque. Il refuse de me laisser la place. Ses babines retroussées, il grogne. Vers quoi ? Aucune idée. Pourtant, je le sens. Nous ne sommes pas seuls. Quelqu’un… Quelque chose approche.

Je ressens une vive douleur dans le cou. Comme si quelqu’un me mordait. Je sombre petit à petit, comme si on me volait toutes mes forces. Je m’affaiblis. Avant de perdre connaissance, j'aperçois un homme.

Cet homme est élégant. Vêtu d’un smoking noir sur chemise blanche, il inspire le respect. Mais… Il me fait peur… J’ai la trouille… Je sombre de plus en plus… Je tends la… (patte)... vers cet… (homme?)... Son sourire carnassier s’élargit, révélant… (des crocs ?)

Merde… Un vampire...

Telle est ma dernière pensée.

...h…

Où suis-je ? Merde! J’ai mal ! C’est quoi cette connerie ?

Ma tête est prête à éclater. C’est Archéus qui est là. Donc j’ai encore ma forme de loup. Mon loup a mal. J’ai mal. J’essaie d’analyser où je suis.

Une pièce blanche. Trop blanche.

Des machines. Des tuyaux. Des bips. Encore et encore. À un rythme régulier. Quelque chose de rouge s’écoule.

Mon... sang ?

La douleur est intenable. Archéus grogne. Faiblement, mais il grogne.

Monsieur, je crois qu’il se réveille…

D’où vient cette voix ?

Augmente la dose de morphine. Il ne doit pas se réveiller. Pas avant que j’en ai eu assez.

Pas eu assez de quoi ? Je veux me débattre. Impossible. Mon corps est trop faible.

Monsieur ! Il se transforme !

Non ! Il ne doit pas ! Ramenez-le !

Bien Monsieur !

Archéus veut me céder la place mais il ne peut pas. Je sens, je sais qu’il souffre.

Puisez-moi tout ce sang d’Alpha. Tout. La meute la plus importante de la côte Est doit se réunir sous peu…

Bien Monsieur.

La meute de la côte Est ? C’est l’ancienne meute de maman ça…

Monsieur, la bombe est prête.

Parfaite… Regardez-moi cette merveille. Cet Alpha de malheur va regretter le fait de s’en être pris à mon clan. Tous ceux que la bombe ne tuera pas, le poison fait avec le sang de cette affreuse bête les achèvera. J’ai hâte que la fête commence.

21h00

Je me réveille. Dans un lit. Il me manque quelque chose.

Archéus.

Archéus n’est plus là. C’est comme si la moitié de moi-même avait disparu. Une douleur profonde déchire ma poitrine et je me mets à hurler. Des larmes amères glissent le long de mon visage.

Une douce voix s’élève dans un coin de la pièce. Je me tourne vers elle prêt à attaquer. Quoi qu’elle soit.

• Pauvre, pauvre petit humain… Delisia va s’occuper de toi… Chuuut… laisse-moi faire...

Je suis subjugué. Vient d’apparaître devant moi une déesse. Sa peau aux reflets d’argent brille sous la lumière de la lune, comme parsemée de mille et un diamants. Ses yeux bleus ciel m’hypnotisent. Autour de son visage d’un ovale parfait flotte des cheveux eux aussi bleus. De sa jolie bouche rose bonbon sort une douce mélodie qui m’apaise, me calme.

Sa voix monte dans les aigus. Plus elle chante, plus je me sens… oh mon dieu… J’ai comme une envie irrépressible… j’ai envie d’elle… je veux la faire mienne. Maintenant. Elle s’approche, un sourire carnassier sur le visage.

Merde. Une vampire.

Rien ne change. Mon érection ne faiblit pas malgré le fait que je sache qu’ils sont la raison de la disparition d’Archéus.

• Tu ne peux pas me résister… tu n’en as pas la force… Viens… Viens t’occuper de Delisia…

Je ne contrôle plus mon corps. Je suis devenu son jouet sexuel dès qu’elle a posé ses yeux sur moi. Assise sur mon érection, elle s’en donne à coeur joie. Et le pire… C’est que j’aime ça… J’aime ce qu’elle fait de moi…

Elle pose sa jolie bouche dans mon cou et... me mords. Ses crocs percent ma chair comme une aiguille percerait une étoffe de soie. La douleur est insupportable : je sens qu’elle injecte quelque chose dans mon sang…

Je perds connaissance.

...h…

Delisia… Tu n’as pas pu t’en empêcher n’est-ce pas ?

Un homme reste un homme, Monsieur. Il était tellement chou quand il pleurait la perte de son toutou... Et puis vous savez que mon poison est beaucoup plus efficace lorsque je prends mon pied…

Tu n’es qu’une petite salope Delisia… Combien de temps cela fera-t-il effet ?

D’après moi, au moins une douzaine d’heures.

Parfait.

08h00

Je me réveille. Mon corps est complètement endolori. Je sens le sol en mousse et feuilles mortes sous mon corps nu. Je veux bouger. Ne serait-ce qu’ouvrir les yeux. Ni mes jambes, ni mes bras ne m’obéissent.

Archéus… Archéus ?

Archéus n’est plus là.

Non…

Mon cœur est déchiré par la perte de mon loup. Une douce mélodie résonne dans ma tête… La mélodie de Delisia… Mes yeux s’ouvrent et mon corps se met à bouger. Mais ce n’est pas moi qui le contrôle. C’est elle. Je ne suis qu’un simple pantin.

Je m’habille. Près de mes vêtements se trouve une boule d’argent de la taille d’un ballon de handball. Cette boule n’est pas normale : une lueur sinistre s’en dégage.

La bombe.

Je la glisse dans mon sac avant de me diriger vers le centre de la forêt. Je marche d’un pas décidé alors que je ne sais même pas où je vais. Soudain, je me mets à entendre des bruits : des éclats de voix, des hurlements de loups, des grognements…

Apparaît alors devant moi une foule, hommes, femmes, loups et louves mélangés. Celle-ci s’écarte pour me laisser passer. J’avance.

Non. Non. Je ne veux pas !

Ton calvaire sera bientôt fini mon petit pantin.

Le rire de Delisia à ce moment-là me glace d’effroi. Mais sur mon corps rien n’y paraît. Ma mère se trouve au centre du cercle, avec mon père et un couple que je ne connais pas. Ils se disputent. Lorsqu’il me voit apparaître, ils se taisent et maman accourt vers moi pour me serrer dans ses bras.

• Où étais-tu ? J’étais si inquiète.
• Ma…
• Irsa ! Éloigne-toi de lui ! Il est possédé !
• Pardonnez-moi maman… papa…

Clic, clic, clic…

BOOOOOM !