Prologue : Partie 1

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Natyan vint s'assoir aux pieds de la statue, ses pieds se baladant dans le vide, d'avant en arrière. Là où il voyeait toute la cité, jusqu'aux profondeurs du pays. Pendant ce temps, Timaël faisaient les cent pas autour de la statue, regardant de partout avec la plus vive attention, désespéré par la frivolité de son camarade. Car il prenait sa tâche très à cœur et très au sérieux. Ce travail c'était sa chance, celle de sortir de la misèr

— C’est le principe de la nuit, répliqua Natyan, d’un soupir amusé.

Il lança un regard plein de malice dans la direction de son camarade.

— Aurais-tu peur de la nuit, Timmy ?

Mais cela ne fit guère rire son camarade, qui répliqua, amer :

— Ce n’est pas la nuit qui me fait peur, mais toutes les créatures qu’elle cache.

Timaël était un jeune homme de vingt-quatre ans, grand, maigre, aux cheveux noirs en épi et aux yeux bleu pâle. Il avait toujours été quelqu’un de très superstitieux et de très prudent. Les fantômes, les loups garous et autres créatures de la nuit, il n’en avait, certes, jamais vu. Par conséquent, il ne pouvait pas infirmer ni confirmer avec certitude leur existence. Il ne voulait cependant pas prendre le risque de les blesser. Il craignait de les voir subitement apparaître s’ils entendaient qu’on riait d’eux. Ainsi, Timaël était un homme de peu de mots, d’un naturel craintif et très émotif.

De trois ans seulement son aîné, Natyan était tout le contraire. Voilà bien des années qu’il ne croyait plus à toutes ces vieilles légendes et aux monstres encore moins. Ils le faisaient plutôt bien rire et ceux qui y croyaient encore plus. Son visage s’illuminait, ses bouclettes blondes retombant sur ses épaules, et il riait tant que des fossettes apparaissaient et que ses yeux verts brillaient. Ce que Timaël pensait, Natyan le lisait dans son regard, comme on lisait dans un livre ouvert et cela le faisait beaucoup rire. Il s’écria avec fierté :

— Il était une fois, un Traqueur. Il était terrifiant et profondément mauvais, il mangeait les âmes de ceux qu’il attrapait et dévorait les cœurs...

— Arrête Nat' ! feula Timaël.

Et il tremblait de tout son être, de rage, menaçant d’exploser à tout moment.

— Ne me dis pas que tu crois à toutes ces légendes que l’on conte aux enfants pour les endormir ?

Timaël ne répondit pas, se contentant de jeter un coup d’œil inquiet aux alentours. Et Natyan éclata de rire devant le silence de son camarade qui voulait tout dire. Remarquant l'air absent de Timaël qui fixait un point que lui seul semblait voir, Natyan se mit à imiter le hurlement d’un loup faisant ainsi sortir son ami de son état léthargique, dans un sursaut.

— Que se passe-t-il, ici ? gronda une voix plus grave que les deux autres.

Et une troisième silhouette, plus âgée cette fois, apparut.

— Tu ne vas pas me croire, Laon, s'écria Natyan en désignant son ami d'un doigt accusateur, Timaël a peur de la nuit !

Et il éclata de rire devant la mine renfrognée et profondément vexée de son camarade qui s'éloigna sans mot dire pour être le plus loin possible de lui.

Laon poussa un profond soupir. Du haut de ses trente-sept ans, il était le plus sage et le plus expérimenté aussi. Il était en mission et il prenait cela très au sérieux. Il devait veiller sur ses protégés, comme s’il s’agissait là de ses deux enfants. Ils étaient très turbulents et passaient leur temps à se chamailler, lui donnant ainsi beaucoup de soucis comme en témoignaient les nombreuses rides qui ornaient son visage et ses cheveux qui prenaient une teinte de plus en plus claire. Il avait une allure presque fantomatique, sous les rayons d’une lune opaline.

— Arrêtez vos enfantillages ! feula-t-il doucement cependant comme s’il craignait de déranger les créatures de la nuit. Ou la nuit, elle-même. Et tâchez de vous concentrer !

Et il poussa un profond soupir avant de s’éloigner de quelques mètres pour observer la vue qui se présentait à lui. En effet, ils étaient sur les hauteurs, dominant toute la cité. Ainsi, face à lui, se dressait un magnifique paysage, semblable à une toile peinte à la main par un artiste hors pair. La nuit étant déjà bien avancée, les commerces étaient fermés et la plupart des demeures étaient noires. Il pouvait facilement imaginer les gens endormis paisiblement. Et il se surprit soudain à les envier, lui qui était si fatigué...

Parfois, au milieu de la pénombre, il voyait une fenêtre allumée et des silhouettes s’agiter. Cependant, il regrettait de ne pas avoir assez d’inspiration pour imaginer les rêves qui habitaient leurs cœurs. Au loin, il voyait le lac avec ses arbres à n'en plus finir dans lequel la lune et les étoiles se baignaient...C’était la raison pour laquelle il aimait tant la nuit. Tout était si calme et apaisé. Il se tourna ensuite vers la statue qui représentait une princesse, toute de feuilles d’or vêtue, un sourire faisait étinceler son visage, comme si une étoile s’y était posée pour embrasser ses lèvres, sous le regard bienveillant d’une lune d’argent. Ses cheveux d’or retombaient avec grâce sur ses épaules. Et dans sa main droite, elle tenait fermement son épée sur laquelle bon nombre de joyaux étaient présents, étincelants de mille feux. Émeraude, cristal... autant de pierres qui représentaient la fierté de tout le pays.

Ses yeux, deux saphirs, qui ressemblaient à des fragments du ciel, embrasaient toute la cité. Car, peu importe le lieu où l’on se trouvait, que l’on fût chez soi, à la fenêtre de sa chambre, dehors, à errer dans les rues ou en train de faire ses courses, ils donnaient l’impression de n’être rivés que sur soi. Et parfois, les gens levaient vers elle un regard suppliant, poussaient un profond soupir, pleuraient, gémissaient, criaient, chantaient, riaient, souriaient, vivaient, simplement. Et de cette façon, elle demeurait toujours dans leurs pensées et dans leurs cœurs, éternellement et intensément vivante.

Laon soupira. Il avait donné sa vie pour servir son pays et protéger son joyau, son âme, son cœur, qui se trouvait là devant lui. Ainsi, il avait tout le loisir de l’observer, n’ayant d’yeux que pour ce qui représentait ce qu’il jugeait être la plus belle création que le Monde n’ait jamais connue. Car Aurore avait cette particularité de continuer d’être un rayon de soleil dans les cœurs des gens, en dépit du fait qu’elle n’était, physiquement du moins, plus de ce Monde. Elle protégeait le pays, et lui, Laon, avait le plaisir de l’aider dans cette tâche en la protégeant, elle. Cependant, le temps n’était plus en sa faveur, les forces commençaient à lui manquer et il savait qu’il n’en avait plus pour très longtemps en cette vie. Aujourd’hui, il était temps pour lui de transmettre le flambeau à la relève.

Ce soir-là, ils n'étaient que trois pour surveiller le joyau de la nation. Certains étaient mystérieusement et subitement tombés malades, quant à ceux qui devaient assurer la relève jusqu'à l'aube, ils étaient en retard. Ce qui inquiétait fortement Laon. Car la fatigue commençait à se faire ressentir dans les yeux des Gardiens qui peinaient à rester éveillés, leurs paupières se fermant parfois presque malgré eux.

— Je vais aller voir où ils sont, déclara-t-il subitement. Vous allez devoir rester seuls, quelques instants. N'oubliez pas votre mission : Surveiller l'Epée ! Considérez cela comme un examen pour tester vos aptitudes. Montrez-moi que vous êtes digne de ma confiance, que je vous ai bien enseigné. Rendez-moi fier et rendez fiers votre pays en le servant. Alors, promettez-moi, sur votre honneur, sur votre vie, et tout ce que vous avez de précieux dans ce monde et ailleurs, que vous veillerez à respecter votre engagement, que vous protégerez l’Épée d’Aurore comme s’il s’agissait de la prunelle de vos yeux...promettez-le-moi... promettez-le-moi, je vous en prie… !

Les serments étaient très importants aux yeux de Laon et celui-ci était vital. Et les deux jeunes hommes jurèrent, sur leurs vies, leurs honneurs et tout ce qu’ils avaient de précieux dans ce monde et ailleurs, la main sur le cœur, qu'ils prendraient soin de l'Épée comme de la prunelle de leurs yeux.

Laon s'en fût donc, partagé entre divers sentiments contradictoires tels que le soulagement et le doute. Il leur avait enseigné tout ce qu'il savait, le reste ne dépendait donc plus de lui. Car, tel le colibri dans sa forêt en feu, il avait fait sa part. Il leur avait donné les armes, les connaissances, tout ce qui était nécessaire à la tâche.

Natyan vint s'assoir aux pieds de la statue, ses pieds se baladant dans le vide, d'avant en arrière. Là où il voyait toute la cité, jusqu'aux profondeurs du pays. Pendant ce temps, Timaël faisaient les cent pas autour de la statue, regardant de partout avec la plus vive attention, désespéré par la frivolité de son camarade. Car il prenait sa tâche très à cœur et très au sérieux. Ce travail c'était sa chance, celle de sortir de la misère. Il tenait à ce travail et ne voulait surtout pas le perdre. Tandis qu'il commençaient à se disputer à cause de la légèreté de son camarade, un craquement vint les interrompre. Et Timaël se mit à accuser Natyan d’avoir provoqué les créatures de la nuit en riant d’elles, tremblant.

— Arrête Timmy ! Ce n’est sûrement qu’un stupide chat errant ou un loup sauvage ! s’écria Natyan, en riant devant la naïveté et la peur de son camarade.

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