Retour à la réalité !
Il me regarde tous les deux et je me demande bien ce que je vais bien pouvoir faire. Je sais que je ne veux pas de lui ici, il souffre je le vois dans ses yeux et je refuse de lui faire revivre ça. Mickaël s'avance vers moi et je recule jusqu'à ce que je sois collée au mur derrière moi. Il tend le bras pour me toucher, si je le laisse faire, je ne pourrai plus jamais le laisser partir et je n'ai pas le droit de lui faire ça.
- Non, va-t’en !
Je ne reconnais même pas le son de ma voix, c'est juste un murmure. Il laisse retomber son bras le long de son corps et baisse la tête.
- Je suis désolé mon ange, tellement désolé... si je t'avais laissé parler...
Mais ce n'est pas à lui de s'excuser. Je ne peux pas le laisser endosser la responsabilité de cette merde. De toute façon, je ne suis bonne qu'à ça, faire du mal aux gens que j'aime. Ce n’est pas comme si je n'avais pas été prévenue. Nico m’avait avertie que je jouais avec le feu, mais comme toujours, je n'ai pas écouté, je n'en ai fait qu'à ma tête. Mais je suis aussi en colère, en colère après Sylvain, qui savait pertinemment que j'avais quelqu'un dans ma vie et qui a quand même essayé. Je suis enfin sortie de ma transe, mais je reste néanmoins brisée, je l'aime tellement que la douleur est insoutenable. Et que dire de sa présence, ça fait tellement mal, je voudrais pouvoir le prendre dans mes bras pour toujours, mais je n'en ai pas le droit.
Je refuse de le regarder, j'ai peur de ce qu'il pourrait lire dans mes yeux, parce que je sens toujours cette connexion entre nous, ça n'a pas changé. Je n'arrive pas à sortir les mots de peur de le blesser davantage, mais si je ne dis rien, je sais qu'il va s'acharner et se battre.
C'est le mouvement de Nico derrière Mickaël qui me fait sortir de mes pensées. Il pose sa main sur son épaule, il a toujours la tête baissée et ne bouge pas, toute colère semble l'avoir quitté.
- Mon pote tu devrais y aller, laisse-lui du temps.
Mickaël se tourne vers mon ami et relève la tête.
- Prends soin d'elle s'il te plaît et... Pardon pour ça.
- T'inquiète, j'en ai vu d'autres !
L'œil de Nico commence à devenir bleu et pour ça aussi je m'en veux. Encore une fois une personne que j'aime est blessée par ma faute. Mickaël tourne les talons et se dirige vers la porte, il saisit la poignée et l'ouvre avant de se retourner vers moi.
- Ne m'oublie pas ! Et il s'en va.
L’oublier ? Comment je pourrais l’oublier c'est impossible, il fait partie de moi, il est l'oxygène que je respire et le sang qui coule dans mes veines. Il m'a relevé quand j'ai trébuché, il a essuyé mes larmes, il a pansé les blessures de mon cœur une à une et réparé mon âme torturée. Je lui dois tout. Je lui ai tout donné, plus rien ne m'appartient désormais.
Et c'est là que je comprends qu'en lui donnant tout, je me suis perdue moi-même. J'ai l'impression de ne vivre que pour lui et non plus pour moi. C'est trop fort, trop intense et trop rapide entre nous depuis le début. Je suis certaine d'avoir trouvé la moitié de moi-même, mon âme sœur, l'amour de ma vie. Mais si je veux arriver à vivre pleinement avec lui, il faut que je fasse certaines choses par moi-même, sans avoir besoin de me reposer sur son épaule. Aujourd’hui c'est à moi de prendre cette décision pour nous deux. Je ne veux pas le quitter, de toutes façons, j'en suis parfaitement incapable. Mais je dois prendre du recul, réfléchir, laisser de l'espace entre nous, même si c'est la chose la plus difficile à faire. Je n'ai pas le choix, il en va de la survie de notre relation.
Je suis toujours dans mes réflexions quand Nico vient se poster devant moi. Je vois bien qu'il hésite à m'approcher et je ne peux pas lui en vouloir. Je viens de lui faire vivre un enfer, je ne suis pas sûre de me souvenir de tout, mais mon esprit torturé s'en est donné à cœur joie, pour ce qui me revient en mémoire.
- Salut chérie ! Comment tu te sens ?
Comment je me sens ? Perdue, brisée, morte à l'intérieur. Pf, je lui donne une version plus soft.
- Pas très bien, un peu perdue ! Et vraiment épuisée.
- Déjà tu as retrouvé la parole, il y a du progrès. Putain, chérie tu n’imagines pas la peur que j'ai eu quand Justin m'a appelé pour savoir si tu étais rentré à la maison. Trois jours sans nouvelles, putain, tu ne me refais jamais ça, c’est compris ?
J'entends bien tous les mots qu'il me dit, mais j'ai un peu de mal à leur trouver une signification. Je fouille dans mon esprit pour essayer de me rappeler au mieux, mais j'ai plein de blanc. J'ai déjà fait des crises de ce genre dans le passé, mais jamais comme celle-ci, du moins je me souvenais de tout.
- Trois jours ?... Combien de temps ça a duré ?
- Tu ne te rappelles pas ? Vraiment pas ?
Il me prend par la main et me conduit au canapé, je m'assied tout en réfléchissant à ceux qu'il vient de me dire.
- Certaines choses si, mais il me semble qu'il manque certaines parties. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, j'ai l'esprit embrouillé... Combien de temps Nico ?
- Une semaine chérie, ça fait une semaine que t'es dans un état second.
Putain de bordel de merde !
Une semaine, je viens de perdre une semaine de ma vie comme ça, en un claquement de doigts. Au pire de mes crises, je n'ai jamais connu ça. Pas étonnant que j'ai trouvé Mickaël différent, l'air sombre et fatigué. Comment on a pu en arriver là ? Comment ? Pourquoi je ne peux pas être comme tout le monde, avoir une vie normale ? Pourquoi faut-il qu’il m’arrive toujours le pire quand je pense être arrivé au meilleur ? Pourquoi ? Je relève la tête et me concentre sur mon ami en face de moi.
- Tu veux bien me raconter tout ce qui s'est passé ? S'il te plait.
- D'accord, mais avant je vais faire du café et attraper quelque chose à grignoter.
Ce n'est pas que j'ai faim, mais je sens bien dans son regard que ce n'est pas soumis à discussion, alors je me tais. Il s'affaire rapidement dans la cuisine et revient avec le café et les bras chargés de cochonneries du genre bonbons, barres chocolatées et glaces. Ce qui constitue le remontant idéal lors d'une peine de cœur et à cet instant c'est exactement ce que je ressens, en fait non c’est bien pire que ça. Je me sens morte à l’intérieur !
Il s'installe confortablement et se lance dans l'évocation des événements, des sept derniers jours. Je l'écoute sans l'interrompre, tout en buvant le café qu'il a glissé dans ma main. J'essaie d'assimiler tout ce qu'il me dit, certaines choses me reviennent alors en mémoire, alors que d'autres sont complètement effacées de mon esprit. C'est bizarre le fonctionnement du cerveau humain, qui est parfois capable de complètement occulter certains évènements, pour se protéger. Il me parle aussi de Mickaël qui m'a cherché durant tout ce temps, de Raûl qui est passé plusieurs fois à l'appartement dans l'espoir que je sois revenue, de mes parents qu'il n'a pas prévenu pour le moment pour ne pas trop les inquiéter.
J'assimile, j'enregistre tant bien que mal tout ce qu'il me dit et encore une fois, j'en viens à la conclusion que je sème le bordel partout où je passe. Je me rends compte que je dépends de tellement de gens, que sans eux je ne serai probablement plus de ce monde aujourd'hui, tous ceux qui me portent à bout de bras depuis tellement d'années. Mes parents qui m'ont donné la vie, une éducation et toujours le choix de mes actes. Mon frère et ma sœur, qui m'ont protégée de tout quand j'étais enfant. Nico, qui m'a pris sous son aile quand le monde s'est dérobé sous mes pieds et qui depuis presque six ans, ne m'a jamais lâchée. Mickaël, qui m'a fait voir la vie sous un nouveau jour, m'a montré qu'il fallait que je vive et non pas que je survive, qui m'a fait voir tout ce qu'il y a de plus beau quand on aime pour finir par me briser le cœur.
Parce que oui mon cœur est en mille morceaux en cet instant. Mais pour la première fois de ma vie, je sais que c'était nécessaire et je n'ai pas envie de pleurer. Au contraire, j'ai envie de me battre pour retrouver ma vie et de me battre pour montrer à tous ceux qui me soutiennent depuis si longtemps, que ça en valait le coup. Que moi Cassandra Dubois, j'en vaut la peine !
- Je suis désolé Nico, désolé pour tous les soucis que je te donne. Je sais que je te le dis souvent, mais je n'ai pas d'autres mots pour t'exprimer tout ce que je te dois.
- Chérie, je serai toujours là pour toi et tu le sais, malgré toutes nos engueulades et nos coups de gueule. Tu pourras toujours compter sur moi et de toute façon, je ne te laisserai jamais partir. Parce que tu es ma famille, pas celle où je suis né, mais celle que j'ai choisie.
Je n'avais pas envie de pleurer il y a quelques minutes, mais là je sens les larmes couler sur mes joues, pas de tristesse non, mais de joie. Parce que j'aime cet homme à côté de moi, d'un amour indescriptible, il est au même niveau que mon frère et ma sœur. Ce ne sont pas les liens du sang qui nous unissent, mais les liens du cœur. Je vois les yeux de mon ami commencer à briller et je sais qu'il sait, nous n'avons jamais eu besoin de parler pour nous comprendre. Mais j'ai besoin de lui exprimer tout l'amour que j'ai pour lui, alors je le prends dans mes bras et je le serre aussi fort qu'il m’est possible de le faire.
- Je t'aime...
- Moi aussi chérie, moi aussi...
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