Épisode 8 : Karl (2/2)
- Tu ne devrais pas t'asseoir à côté de moi. On pourrait nous voir.
Karl rit nerveusement.
- Quel accueil ! Nous sommes loin du quartier du lycée et puis nous discutons juste. Tu espérais peut-être te défiler une fois de plus.
Sydney le fusilla du regard, mais uniquement parce qu'il marquait un point. Eviter la discussion qu'elle redoutait depuis l'arrivée de Karl à Isle n'était plus une option désormais.
- Que veux-tu de moi, Karl ?
- Ce que j'ai commencé à te dire le jour de mon premier cours. Je veux nous retrouver.
- Tu ne sembles même pas en colère. Pourtant, je t'ai menti. Je n'ai pas répondu à tes appels, à tes messages. Et tu me veux encore ?
- Après ton départ, je suis resté confus. Notre dernière discussion, je ne l'avais toujours pas comprise. Quelque chose sonnait faux. Je n'arrivais pas à me défaire de l'impression que les mots que tu as eus, tu ne les pensais pas vraiment. Quelque chose m'échappait sans que je puisse mettre le doigt dessus. J'ai essayé de t'oublier. J'ai rencontré quelqu'un d'autre mi-août, mais ça n'a pas marché. Je pensais encore à toi. Et puis, j'ai eu le poste de contractuel au lycée. Quand je t'ai vue entrer dans la classe, l'information que je n'avais pas m'est enfin parvenue. Une autre chose m'a frappé quand ton regard a rencontré le mien. Nous partageons les mêmes sentiments toi et moi. Ne me dis pas le contraire ! Je sais que tu m'as menti, mais ce que nous avons partagé n'était pas un mensonge, n'est-ce pas ? C'est à ça que je veux donner de l'importance.
Sydney hésita avant de répondre :
- Non, ce que nous avons eu. Ce n'était pas un mensonge. J'ai vraiment eu - j'ai toujours - des sentiments pour toi. Mais toi et moi, ce n'est pas possible. Tu es mon professeur maintenant.
- On se cacherait jusqu'à la fin de l'année scolaire, proposa Karl avec un sourire malicieux. Ce serait à la fois excitant et romantique, non ?
- Comment peux-tu proposer ça ? C'est toi l'enseignant. Tu pourrais perdre ton travail.
- Ne t'inquiète pas pour moi. Et personne ne saura rien. J'ai besoin de toi, Sydney.
Il lui prit la main, mais la jeune femme la retira aussitôt.
- Je ne peux pas faire ça, Karl. Je... j'ai d'autres choses à gérer dans ma vie en ce moment. Je n'ai pas de la place pour une relation et je n'ai pas envie d'être avec quelqu'un et le cacher aux yeux de tous.
Elle tourna la tête pour ne pas voir la déception de Karl. Puis, elle rajouta :
- Je suis désolée. Pour les mensonges et pour ça.
Elle se leva, mais au moment pour elle de partir, il la retint par le bras :
- Je ne vais pas abandonner aussi facilement, Sydney. Ce que nous avons est une chance. Au cours d'une vie, c'est loin d'arriver tous les jours. Je me moque de notre différence d'âge et de nos statuts.
Sydney se retrouvait au bord des larmes. Elle n'avait qu'une envie : se jeter dans ses bras, l'embrasser, l'enlacer pour connaître plus de douceur que ces dernières heures, voire ces derniers jours. Ce n'est pas ce qu'elle fit. Elle enleva gentiment la main de Karl sur son bras et partit, le coeur et la tête en vrac.
***
- Eh bien, quelle journée ! commenta Laure.
Après avoir quitté la plage, Sydney avait appelé Laure. Elles étaient désormais toutes les deux dans un parc, assises sur un banc. Sydney avait raconté à sa meilleure amie les derniers évènements.
- Je ne sais même pas par où commencer mes questions, continua Laure.
Son visage montrait à quel point elle était déstabilisée ; et cela surprenait Sydney. Voir Laure ainsi relevait de l'inhabituel. Mais après tout, ses histoires du jour n'avaient rien de banal.
- Cette Amandine et ce Christian, tu penses qu'ils disent la vérité ? finit par demander Laure.
- Ce qu'ils racontent est complètement fou, mais après ce que j'ai vécu dans la forêt... Tout est possible. De toute façon, ce n'est pas mon problème. Visions ou pas, je ne vais pas partir en lutte contre un démon ou je ne sais quoi d'autre. Je veux retourner à une vie normale.
- Et sans Karl. Tu ne m'avais pas dit que tu étais tombée amoureuse de lui.
- Je sais, désolée. J'avais... J'avais honte de moi, je crois. Je pensais que, pour une fois, je pouvais être comme toi, prendre les choses à la légère.
- C'était une invitation à faire une expérience, pas à te changer, Sydney. Et heureusement que tu n'es pas comme moi. Qui me rappellerait à l'ordre quand je vais trop loin ?
Un sourire timide se dessina sur le visage de Sydney.
- Oui, c'est certain. Tu as besoin d'un garde-fou.
Sydney marqua une pause avant de demander :
- Et toi, comment te sens-tu ?
- Marilyne me manque. Savoir que je ne la reverrai pas, c'est douloureux. C'est toujours dur de voir les gens qu'on aime partir.
Laure n'en dit pas davantage, mais Sydney comprit que son amie ne parlait pas que de Marilyne. Une autre blessure restait ouverte, plus importante encore.
***
Le lendemain matin. Rome. Italie
Amandine, un drap fin enroulant son corps nu, admirait la capitale italienne éclairée par les premières lueurs du soleil naissant. Son esprit se perdit ensuite dans les détails de son séjour à Isle.
Des mains prenant sa taille la ramenèrent à la réalité.
- Tu es soucieuse depuis ton retour, murmura Raphaël à son oreille.
Elle se tourna vers lui et lui déposa un baiser sur les lèvres.
- Il y a quelque chose qui me chiffonne.
- Si tu t'inquiètes de savoir si Sydney nous rejoindra, tu peux te détendre. Nous avons l'habitude. Ils résistent toujours au début, mais ils finissent tous par entrer dans la danse.
- Ce n'est pas ça. Je sais très bien qu'elle finira par nous rejoindre. D'autant plus, qu'elle semble être une jeune fille animée par le sens du devoir. Elle appellera Christian, ce n'est qu'une question de jours. Non... c'est autre chose.
- Quoi donc ?
- Elle n'est pas comme les autres. Il y a quelque chose de plus chez elle.
Intrigué, Raphaël regarda Amandine avec intensité. Soudain, il s'exclama :
- Tu ne penses tout de même pas... ? Tu sais bien que c'est impossible.
Je le sais très bien. Je ne dis pas que c'est le cas, c'est certainement autre chose. Mais je vais recommander une surveillance plus étroite de Sydney Deveaux. Je ne pense pas me tromper en affirmant que la ville d'Isle nous réserve des surprises.
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