Épisode 12 : L'Ogre (4 /14)
– Il y a très peu d'informations sur cet enfant, commenta Sydney. Il y a les noms de ses parents, leur adresse… Sur sa disparition, il est mentionné qu'il n'a plus donné signe de vie depuis presque une semaine. La dernière fois qu'il a été aperçu, c'était dans son quartier. Il s'amusait avec des copains dehors. Il est monté dans une voiture. Personne n'a su dire pourquoi, qui était le conducteur ni à quoi ressemblait la voiture. Lilith peut-elle vraiment faire tout ça ? Jouer avec la mémoire des habitants, modeler la réalité selon ses désirs ?
– Oui, répondit Christian. Ce n'était pas une exagération lorsque nous vous disions qu'elle était puissante. Heureusement, ses pouvoirs sont actuellement limités.
– Mais comment puis-je faire pour avoir plus d'informations ? Mes visions et mes rêves sont aléatoires. Je ne contrôle rien. Ce que je vois, je ne peux pas le dater. Quand j'ai rêvé de Louis, sa mort s'est produite soit avant soit en même temps que mon rêve. Avec Marilyne, ma marge de manœuvre était aussi très réduite.
– L'activation de votre don est récente. Il va gagner en puissance et s'affiner avec le temps. Au début, chaque élu débute en ayant des visions d'un présent récent avec des apparitions aléatoires de celles-ci. Puis, progressivement, vous allez pouvoir voyager à l'intérieur d'une vision, dérouler le fil, partir dans le passé, voir le futur. Vous deviendrez une actrice de la vision. Parfois, elles continueront à vous arriver sans prévenir, d'autres fois, elles vous parviendront au contact d'un objet ou en touchant une personne.
– Vous avez dit aussi, tout à l'heure, que si j'étais en contact avec Alexia, l'emprise de Lilith pourrait diminuer, voire disparaître. Je peux le faire en la touchant ?
– Oui, mais à ce stade, c'est hypothétique. Déjouer l'emprise de Lilith demande une grande puissance et seule une poignée d'élus ont pu le faire jusqu'à présent. Mais comme vous voulez éviter d'impliquer cette petite fille, nous allons procéder autrement.
– Que proposez-vous ?
– Je vous invite à une balade dans le quartier des Alouettes.
***
Sylvie marchait sans destination précise dans les rues d'Isle. Elle cherchait à évacuer son anxiété, mais elle ne parvenait pas à s'affranchir de la menace de Victoria. Cette femme n'avait rien d'un être humain, seulement une vipère cherchant à faire le mal autour d'elle.
La jeune femme s'arrêta devant la vitrine d'une librairie appelée La librairie de la mer. Elle regardait les différentes couvertures jusqu'à ce que son attention soit centrée sur un livre intitulé : La balade de la vie. Aucune indication sur l'histoire que les pages contenaient, mais Sylvie fut touchée par la femme photographiée de la couverture, surtout par son regard marqué par une douce vulnérabilité.
– C'est un très bon roman, je vous le conseille.
Sylvie sursauta. Elle ne s'attendait pas à être interpellée. Elle se tourna vers le jeune homme qui avait parlé. Il semblait légèrement plus âgé qu'elle. Brun, les yeux rieurs et marron, un sourire ravageur, une barbe mal rasée, grand et fin ; Sylvie se savait déjà charmée.
– Je suis désolé. Je ne voulais pas vous faire peur, dit-il.
Sa voix possédait une tonalité apaisante. Si quelques secondes auparavant, il lui avait provoqué une frayeur, cette tension s'était envolée pour laisser place à une autre. Elle lui sourit.
– Ce n'est rien. Vous l'avez lu ?
– Oui, il raconte l'histoire d'une jeune femme bourgeoise dans l'Angleterre du début du XXe siècle : Rachel. Elle se sent étouffée par les très strictes conventions familiales et surtout par la dureté de son père. Un jour, elle fait la rencontre d'un immigré italien : Marco. Elle le repousse dans un premier temps, puis elle tombe dans ses bras et décide de braver les conventions pour partir vivre en Italie avec lui. Le roman suit leur vie à travers la première partie du XXe siècle.
– Vous m'avez donné envie de le lire.
– Je vous l'offre si vous le souhaitez.
– Gênée, Sylvie répondit :
– C'est très gentil à vous, mais nous sommes dimanche et la libraire est fermée.
– Vous êtes une fille chanceuse. Je suis l'heureux propriétaire de ces lieux. J'ouvre ?
La première réaction qu'elle eut à l'esprit fut de refuser, mais une nouvelle plongée dans son sourire la fit changer d'avis. Elle hocha la tête timidement. Pourquoi les papillons dansaient dans son ventre ? Elle n'était pas si naïve d'habitude.
– Je m'appelle Simon, se présenta le libraire.
– Sylvie.
Simon sortit ses clés et ouvrit le local. Il attrapa le roman dans la vitrine et le donna à Sylvie.
– Merci. Vous faites ça souvent ? Offrir un livre à des inconnus.
– Non, seulement quand j'ai un coup de cœur.
Sylvie rougit et elle le sentit, ce qui amplifia sa gêne.
– Vous me promettez de revenir me voir quand vous l'aurez terminé ? On pourra peut-être parler du roman autour d'un verre voire d'un dîner.
– C'est promis, Simon. Encore merci.
Le livre en mains, Sylvie reprit sa marche, le sourire aux lèvres. Elle s'autorisa, encore quelques minutes, à s'imaginer vivre une histoire d'amour avec le beau Simon. Puis les tentacules de Victoria revinrent la hanter et lui rappeler que le bonheur ne s'inviterait jamais dans sa vie.
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