Alors que la Mort s'apprêtait à la prendre dans ses bras, Sydney se surprit à penser à Karl. Elle voyait son visage, son si beau visage et son sourire radieux. Elle n'aurait plus d'occasion de le revoir, de goûter à nouveau ses lèvres, l'intérieur de sa bouche, sa peau.

Elle ferma les yeux. Un coup de feu retentit, mais étrangement, elle ne ressentait rien. Aucune douleur. Puis, elle entendit des bruits d'un combat. Christopher se battait avec quelqu'un. D'abord hésitante, elle finit par ouvrir les yeux. La vision qui s'offrait à elle la stupéfia. Elle ne savait comment, mais Christian se tenait face à Christopher, prêt à bondir sur ce dernier. Une première manche avait eu lieu. Les deux hommes avait déjà pris des coups. Une légère plaie se dessinait sur la joue gauche de Christian tandis que Christopher semblait avoir été blessé au niveau de sa cheville droite.

La jeune femme réalisa ensuite que l'Ogre ne tenait plus le fusil. Elle balaya le sol du regard et le trouva à quelques mètres des deux combattants. Christian avait dû réussir à le lui enlever. Elle se précipita sur l'arme pour le prendre et le dirigea vers Christopher.

– C'est fini, cria-t-elle.

Christopher se tourna légèrement vers elle afin de garder un œil sur Christian et sourit :

– Tu ne feras pas grand-chose avec, tu es toute tremblante.

Il disait vrai. La main de Sydney tremblait et elle ne savait absolument pas comment utiliser un tel engin. Pour autant, même si elle sentait son cœur prêt à exploser dans sa poitrine, elle ne se démonta pas :

– Moi non, mais lui oui.

Elle lança le fusil à Christian qui l'attrapa facilement. Pendant quelques instants, Christopher sembla déconcerté. Il ne bougeait plus. Ces instants d'immobilisme le desservirent. Christian se précipita vers lui et, avec le bout du fusil, il l'assomma.

– Est-ce que ça va ? demanda Christian.

– O...oui, je crois, répondit Sydney. Merci, mais comment avez-vous fait pour me retrouver ?

– Je vous expliquerai plus tard. D'abord, il faut que…

Il s'interrompit. Quelque chose d'étrange se produisait. Les membres de Christopher s'agitaient. Il convulsait.

Sydney suivit le regard de Christian et vit à son tour l'Ogre se tordre de douleur. Il peinait également à respirer, comme si son cœur se préparait à s'arrêter.

– Qu'est-ce qui se passe ? demanda Sydney.

– Je n'en sais rien.

Christian se rapprocha de Christopher, mais il n'eut pas le temps de faire quoique ce soit. Il rendit son dernier souffle. Pour s'assurer qu'il n'y avait plus rien à faire, Christian vérifia son pouls. Il se tourna ensuite vers Sydney. Il n'eut pas besoin de parler. La jeune femme comprit immédiatement que oui, c'était bel et bien la fin.

Néanmoins, elle n'était pas au bout de ses surprises. Si la vie n'animait plus le corps de Christopher, son âme ou son fantôme – elle ne savait pas comment le nommer – existait encore quelque part. Elle le vit se relever hors de son corps. Il regarda son cadavre, effrayé. Puis, il se tourna vers Sydney.

– Aide-moi ! l'implora-t-il.

La jeune femme resta muette. Elle ne pouvait rien faire. Souhait-elle même faire quelque chose ? Une fumée noire apparut devant Christopher. Sydney ne se demanda pas ce qu'elle était. Elle commençait à être habituée à cette apparition de Lilith.

– Non ! cria Christopher.

À cet instant, il n'incarnait plus un ogre terrifiant. Il ressemblait à un enfant apeuré.

– Je vous en prie, continua-t-il. Je peux encore vous servir.

À l'évidence, Lilith ne l'entendait pas ainsi. La fumée noire l'engloutit pour le faire disparaître à jamais.

– Il vient de se passer quelque chose, n'est-ce pas ? devina Christian.

– Vous n'avez rien vu ?

– Non, je n'ai pas vos capacités.

– C'est Lilith. Elle a tué Christopher même si je ne comprends comment ni pourquoi.

– Le comment doit être lié à la magie qui unit Lilith et les humains qui pactisent avec elle. Quant au pourquoi, la logique est son intérêt propre. Pour elle, Christopher n'était qu'un moyen pour avoir des âmes supplémentaires. Elle a dû comprendre qu'il ne pourrait plus agir et elle ne souhaitait pas attendre qu'il meure de vieillesse pour avoir son âme.

Sydney assimila l'explication de Christian :

– Alors ça veut dire qu'à chaque fois que nous démasquerons un tueur travaillant pour Lilith, nous le condamnerons à mort ?

– Probablement, confirma Christian.

– Je ne suis pas à l'aise avec ça, rajouta Sydney. Christopher n'était pas un saint homme, loin de là. Ce n'est pas pour autant que je souhaitais sa mort. J'aurais même préféré qu'il puisse être traîné en justice.

– Je comprends, mais tant que nous ne trouverons pas le moyen d’éliminer Lilith pour de bon, j'ai bien peur que ça ne soit pas possible.

– Que faisons-nous du corps ?

– Je vais d'abord vous ramener chez vous puis je passerai un coup de fil anonyme à la police pour qu'il puisse le retrouver.