Alors que Jérôme la ramenait chez elle, Marie se sentait tendue. La soirée avait été agréable. Jérôme semblait charmant et avait de la conversation. Pourtant, elle restait confuse et ne saurait dire ce qu'elle souhaitait pour la suite avec cet homme. Le revoir ? Arrêter là ?

– On se revoit bientôt ?

La question la surprit. Jérôme attendait sa réponse avec un sourire rempli d'espoir.

Si elle hésitait, lui savait. Pendant un instant, elle paniqua. Comment lui répondre alors qu'elle nageait en pleine confusion ?

Elle finit par hocher timidement la tête. Autant laisser la porte ouverte pour le moment. Il serait encore temps de la fermer plus tard si elle en ressentait le besoin.

Cependant, contre toute attente, Jérôme avança son visage vers le sien et l'embrassa. La douceur du baiser l'invita à se laisser faire quelques instants, mais lorsque le jeune homme posa une main sur sa cuisse et commença à la remonter vers son entrejambe, elle le repoussa :

– Non ! Un baiser, ça va, mais je ne veux pas aller plus loin.

Elle lut la vexation dans son regard, mais aussi autre chose qui l'effraya. Une violence sourde prête à exploser d'une seconde à l'autre.

– Ne joue pas à la fille timide et prude ! Toute la soirée, j’ai vu que tu n’attendais que ça.

Il l’embrassa à nouveau, plus violemment cette fois et sa main, plus intrusive, se faufila sous sa jupe. Sidérée par cette attitude, elle resta figée quelques instants avant de reprendre toute sa capacité d’action. Elle le poussa et le gifla. À son tour, la sidération l’immobilisa. Marie profita de cet instant de répit pour sortir de la voiture. Avant d’entrer dans l’immeuble, elle entendit la voix colérique de Jérôme :

– Salope ! Tu es comme toutes les autres. Tu…

La porte de l’immeuble se ferma derrière elle et la suite de sa phrase ne put atteindre ses oreilles. Le cœur affolé, le ventre ravagé, elle monta l’escalier aussi vite que possible. Lorsqu’elle sortit les clés de sa porte arrière, elle les fit tomber sur le sol. Paniquée, elle les ramassa avec précipitation, mais elle se rassura aussitôt. Elle ne détectait aucune autre présence qu’elle-même. Jérôme ne l’avait pas suivie.

La main tremblante, elle déverrouilla la porte d’entrée, entra, et s’enferma sans prendre le temps de quitter d’abord sa veste et poser son sac.

Puis, elle sentit son corps s’alourdir. Elle se laissa alors tomber sur le sol. Ses larmes, qu’elle réprimait depuis quelques instants, n’attendirent pas longtemps pour exploser. Sa respiration devint plus difficile, plus brutale. Elle crut, à un moment, qu’elle s’étouffait.

Elle aurait aimé que Sylvie soit là, qu’elle la prenne dans ses bras, mais elle ne pouvait compter que sur elle-même pour faire face à sa détresse.

Elle se rappela un exercice vu lors d’un cours de yoga proposé par l’Université. Une respiration complète. Elle posa ses mains sur son ventre, le gonfla, puis elle monta sa respiration jusqu’aux poumons pour terminer jusqu’aux clavicules. Elle expira en sens inverse. Les premières séries se montrèrent difficiles, mais au bout de quelques minutes, sa respiration regagna en fluidité, ses larmes s’estompèrent, son corps s’allégea.

Cependant, elle ne se leva pas tout de suite. Elle se repassa toutes les images de la soirée. Avait-elle donné à Jérôme de mauvais signaux à certains moments ? Elle n’en voyait pas. Aurait-elle pu anticiper son comportement ? Non, il avait été tellement adorable tout au long du temps passé ensemble avant que tout bascule.

Marie ne comprenait pas, mais dans cette mauvaise expérience, elle se trouva chanceuse. La violence aurait pu aller plus loin, mais elle se garda d’imaginer comment les choses auraient pu tourner.

Elle se leva et se dirigea dans la salle de bain prendre une douche chaude et relaxante. Malgré cela, une fois couchée dans son lit, elle ferma l’œil que lorsqu’elle entendit Sylvie rentrer.