Épisode 28 : Amours contrariés (6 / ?)
– Je n'ai pas envie que tu partes.
Karl lui avait murmuré ces mots à l'oreille avant de faire descendre ses lèvres jusqu'à son cou. Sydney frissonna de plaisir, mais elle le repoussa gentiment.
– Je sais. Je n'en ai pas envie non plus, mais je n'ai pas le choix.
– Tu reviens ce soir ?
– Tu sais que je ne peux pas.
– Ah oui ! Je suis désolé, j'avais oublié que tu voyais Laure...pour la soutenir.
Sydney n'avait pas eu besoin de lui révéler que la mère de Laure l'avait abandonnée cinq ans auparavant. Un enseignant, qui connaissait l'histoire, s'en était chargé.
– Je t'appelle.
Sydney lui déposa un tendre baiser sur ses lèvres et le quitta. Sur le chemin la ramenant chez ses parents, elle sentit une boule dans son ventre. Si elle avait dit à Karl qu'elle avait un repas de famille ce midi, la vérité était tout autre. Ses parents avaient invité Christian à déjeuner pour apprendre à connaître l'homme qui se révélait être son Gardien. Et cette réunion ne l'enchantait pas tellement. Ni Christian par ailleurs. Il avait été très étonné d'apprendre que ses parents connaissaient l'existence d'êtres capables de voir au-delà des apparences. D'après ce qu'il savait, tous les parents des élus se caractérisaient par leur très grande banalité. Ce point avait également intrigué Sydney, mais elle n'avait pas approfondi sa réflexion sur la question. Lo Sguardo semblait être une puissante organisation, mais ses membres ne détenaient certainement pas tout le savoir du monde. Les choses n'étaient jamais figées telles comme on le pensait.
Lorsque la jeune femme arriva à destination, Christian était déjà installé dans le salon, un jus de fruit à la main. Son père avait pris place à ses côtés. Il buvait, en revanche, un verre de whisky. Quant à sa mère, elle finissait de préparer l'apéritif dans la cuisine.
– Bonjour, ma chéri, dit Kevin. Christian vient juste d'arriver.
Elle embrassa son père, salua Christian d'un signe de la main.
– Tu n'as pas eu de difficultés à trouver ? lui demanda-t-elle.
– Non, ça n'a pas été difficile, répondit Christian.
Sydney le trouvait plus détendu qu'elle. Elle se servit un verre de jus de fruit et s'installa sur le fauteuil face au canapé. Sa mère arriva quelques instants plus tard, un plateau de petits feuillés dans les mains. Elle le posa sur la table basse en bois.
– Tout est fait maison, annonça-t-elle. J'espère que ça vous plaira.
Laurianne, en revanche, montrait des signes d'agitation. Sydney avait décelé la pointe d'inquiétude dans sa voix et ses mains tremblaient légèrement.
– Je suis sûr que c'est très bon, Madame Deveaux, rassura Christian. Je vous remercie.
Christian avait-il remarqué que ce n'était probablement pas pour les petits feuilletés qu'elle s'inquiétait ? Laurianne avait toujours été une maman poule. Savoir que cet homme mènerait sa fille dans des situations dangereuses mettait ses nerfs à vif.
Laurianne afficha un sourire de politesse puis elle s'assit sur une chaise afin de partager l'apéritif avec eux.
Un malaise s'installa dans la pièce. Chacun cherchait à dire quelque chose, mais personne n'arrivait à briser la glace.
Christian observa les parents de Sydney avant de finalement prendre la parole :
– Ne passons pas mille chemins ! Vous m'avez invité pour une raison. Alors, avant de passer à table, peut-être serait-il nécessaire d'évacuer tous les sujets que nous devons aborder.
– Vous savez aller droit au but, commenta Kevin.
– Je n'ai pas pour habitude de perdre mon temps.
Sydney fut frappée par l'attitude froide de Christian. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction.
– Vous pensez que nous vous faisons perdre votre temps, Monsieur Sinclair ? demanda Laurianne.
– Non, Madame Deveaux. Je comprends pourquoi je suis là. Vous vous inquiétez pour votre fille.
– C'est légitime que vous voulez connaître la personne qui est engagée à ses côtés dans la guerre que nous menons contre les démons. Ce que j'ai du mal à comprendre, en revanche, c'est comment vous êtes au courant de tout ceci. L'organisation pour laquelle je travaille existe depuis des siècles. Le pouvoir des élus n'a jamais été héréditaire.
Sydney sentit ses parents se raidir. La jeune femme ne savait pas quoi penser de cet échange. Elle ne s'était pas attendue à une telle effervescence.
– Vous sous-entendez quoi ? lança Laurianne. Que Kevin et moi, nous sommes des menteurs ? Votre organisation existe depuis des siècles, certes, mais je suis la preuve qu'elle ne détient pas tout le savoir sur notre monde. Ma mère était une voyante et elle a dû combattre des démons. Je n'ai pas hérité de ce pouvoir. Et je ne peux pas expliquer exactement comment ça fonctionne. Mais tout ceci sont des faits. Je ne vous permettrai pas de nous manquer de respect sous notre propre toit.
La stupéfaction gagna Sydney. Jamais sa mère n'avait montré une telle hargne. Elle ne la reconnaissait presque pas, elle, qui dégageait toujours une forme de timidité et de vulnérabilité. À cet instant, son regard foudroyant ne trompait pas sur sa capacité à devenir plus agressive si la situation l'exigeait.
Christian resta silencieux quelques instants. Il jaugeait Laurianne. Puis, son visage se radoucit.
– Veuillez m'excuser ! C'est dans ma nature d'être méfiant. L'expérience m'a appris aussi que les démons se cachaient dans n'importe quel corps et dans n'importe quel rôle social. Et puis, vous et moi nous avons un intérêt commun : la protection de Sydney. Finalement, c'est ce qui est le plus important.
Kevin et Laurianne se détendirent à leur tour.
– Oui, c'est le plus important, confirma Kevin.
Kevin et Christian se regardèrent droit dans les yeux. Si l'ensemble se voulait cordial, Sydney eut la désagréable sensation que cet apaisement n'était que de façade. La jeune femme se promit de parler à Christian dès qu'ils ne seraient que tous les deux.
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