La femme-objet

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Chaque matin, à la même heure, des pas sur le parquet et des chuchotements me ramènent à la vie. Avec le temps, le décor alentour m’est devenu familier. Toutefois, je l’avoue, je me désespère et ne me plais guère dans cet endroit solennel dénué d’intimité.

Les maîtres des lieux souffrent d’une fâcheuse tendance à recevoir trop d’invités. Leur résidence, aux pièces innombrables et vastes, est investie de monde à longueur de temps. Comment peuvent-ils supporter et accepter que l’on envahisse de manière aussi excessive leur demeure ? Il s’agit tout de même d’un palais royal !
Ils ne me laissent aucun choix, je suis à leur service et il me faut me plier à leurs desiderata. Je me dois de toujours afficher un air aimable, d’être bien mise et impeccablement coiffée. D’ailleurs, je ne suis pas la seule, loin de là. D’autres femmes et hommes, compagnons de voisinage, obéissent à ces mêmes usages et contraintes. Cependant, et j’ignore encore pourquoi, c’est vers moi que l’immense majorité des regards se tournent le plus souvent.
Qu’ai-je de plus, ou de moins, que les autres ? Je me pose cette question depuis si longtemps, que j’ai fini par renoncer à obtenir une réponse. Je ne me trouve même pas intéressante ou jolie, en tout cas pas davantage que mes compatriotes Cécilia ou Béatrice.
Alors, que cherchent-ils ? Qu’attendent-ils de moi depuis toutes ces années ?

Il m’arrive d’être épouvantée par la situation. Oui, parfois j’ai peur de cette multitude d’yeux rivés sur moi, peur de la façon dont ils m’observent, détaillent avec une passion quasi religieuse chaque trait de mon visage, le modelé de ma bouche, la sagesse de mon décolleté, la finesse de mes mains. Ils me scrutent avec tant d’insistance et une telle fougue que cela en devient effrayant.
Je me demande si leur comportement relève de la normalité ou si la paranoïa me guette. Enfin tout de même, je ne rêve pas, tous ces gens autour de ma personne sont bien réels et non le fruit de mon imagination.

La faute en revient à François, mon époux, je lui en veux tellement de m’avoir condamnée à mener une existence figée, solitaire, une vie aussi insipide qu’ennuyeuse. Je regrette de n’avoir pas su trouver la volonté de refuser de me faire tirer le portrait par ce Toscan barbu.

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