Prologue.

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Le silence régnait sur la forêt ; si calme. Aucun vent n'agitait les frondaisons émeraude. La vie se taisait jusqu’aux insectes. Le soleil, lui-même, irradiait et semblait s'immobiliser au sein de la voûte céruléenne.

Obu venait à peine d'épauler le crache-flamme, son fils souffla dans son sifflet ; ils ne bougeaient pas. Le bec de l'instrument au bord des lèvres, le garçon veillait à contrôler sa respiration. Nulle interruption ne devait intervenir avant que son père ne le lui commande. Pour l'heure, le gibier ne se montrait pas encore. Le mutisme de la sylve prouvait que l'animal approchait. Le succès de la chasse se jouerait en quelques secondes ; leur synergie devrait se maintenir jusqu'à l'ultime soupir de la proie. Thyb s'était beaucoup entrainé pour cette initiation qui déciderait de son avenir au sein du clan des traqueurs : il voulait rendre sa famille fière de lui.

Un mouvement sur sa gauche le sortit de ses pensées. Des buissons vert acide, constellés d'épines acérées et de petits fruits violets, s'agitaient enfin. L'ondulation se poursuivit jusqu'à une clairière émaillée d'herbe tendre. Progressivement, une forme gracile s'esquissa près d'une souche ancienne solidement ancrée dans le sol. Obu sourit ; il l'avait immédiatement remarqué en arrivant et désigné au futur adulte.

— Vois la chance nous tend les bras. Des racines de Chêne rouge, elles sont restées vivaces et cela attirera la créature. Nous ne pouvions pas trouver de lieu plus approprié pour piéger l'Arcanzur.

— Oui Père.

Ainsi l'adolescent avait-il respectueusement acquiescé.

À ce souvenir, une vive satisfaction envahit l'homme. Il ne relâcha pas son attention pour autant, demeurant impassible alors que lui apparaissait la cible : corps et pattes finement musclées, cou long et souple, tête filiforme, yeux pailletés d'or.

Mais ce qui faisait vraiment la valeur de l'animal se trouvait au sommet de son crâne, entre deux oreilles turbulentes ; une ramure argentée aux circonvolutions complexes. Une ressource rare et mystérieuse recherchée par les prêtres occultes du Temple de Jaïbah, la première cité.
Pour la première fois de sa vie, Thyb, fasciné, contemplait l'émergence de la créature. Cette rencontre, quasi légendaire parmi les apprentis, l'emplissait d'orgueil !

L'Arcanzur fit volte-face, captura son regard ; il s'y noya.

Ainsi cessa le souffle du garçon, de ses doigts l'appeau s'échappa et se brisa, tout comme son esprit.
Obu fut pris au dépourvu, d’autant plus qu’il arriva un événement inédit au regard du chasseur aguerri qu’il était. De la bête émana une stridulation aigue qui abolit la sérénité des lieux et lui vrilla l'ouïe. Cela ne dura qu’un instant, pourtant il lui sembla le subir des heures. Puis cela cessa ; l’animal devint brume, disparut de sa vue. Thyb s’effondra sur le sol, le regard vide tourné vers le ciel, la bouche entr’ouverte d’où pendait un filet de bave.

Son père tomba à genoux. Il n’entendait presque plus et se sentait sans force. Pourtant il se traina jusqu'au jeune homme, le souleva, l’étreignit avec désespoir, et hurla.
Il avait perdu Thyb à jamais ; l’Arcanzur lui avait volé son âme.

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