Amour maternel

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  • Qui êtes-vous ? Vous m'avez fait mal !
  • Ne me remerciez pas, vous étiez à deux doigts de vous faire recruter par la bande à Sergio ! Moi aussi, je fais ma propre enquête, figurez-vous ! On voit bien que vous n'êtes pas une de ses filles, vous avez un regard de chouette apeurée, se moqua-t-il.
  • Merci pour le compliment, répondit-elle, tout en rajustant sa robe.

Elle couvrit sa poitrine de ses bras, mal à l'aise.

  • Vous ne m'avez toujours pas dit qui vous êtes.
  • Commissaire Grangin de la sûreté luxembourgeoise. Je suis missionné pour extirper quelques filles qui ont disparu par chez nous.
  • Vous enquêtez en costume trois-pièces ? s'étonna-t-elle.
  • Pourquoi pas ? Je suis en planque ici depuis des mois, j'observe leurs va-et-vient, pas la peine d'avoir une attitude de voyou. J'ai une vue imprenable sur la rue, regardez. Elle remarqua le bureau placé devant la large fenêtre munie d'une vitre sans tain, tout un tas d'équipements électroniques, deux ordinateurs et des caméras qui donnaient sur l'artère qui l'intéressait.
  • Et jusqu'ici, vous avez pu en sauver quelques-unes ?
  • Oui, bien-sûr.

Son visage émacié et ses traits tirés attestaient de sa fatigue dûe aux heures passées à scruter les faits et gestes des responsables des filles.

  • Attendez, dit-elle, soudainement, je dois prévenir mes collègues que je suis ici. Elle extirpa un petit portable de son sac bling-bling. Ils doivent être morts d'inquiétude.

Ses doigts encore tremblants pianotèrent non sans mal le numéro sur le clavier.

  • Fred, tout va bien, je suis rentrée dans un appartement, enfin on m'y a fait rentrer de force. Je suis en train de discuter avec une personne de la sûreté luxembourgeoise, le commissaire Grangin.
  • Vois ce qu'il sait sur notre affaire, on t'attend mais ne tarde pas trop, répondit Fred.

Une fois la communication coupée, elle justifia sa présence dans ce quartier.

  • Ma mère a été enlevée il y a vingt ans et forcé de travailler pour un roumain, Goran, apparemment. Je la cherche. Il paraît qu'elle est en couple avec Andres. Ça vous dit quelque chose ?
  • Oui, je vois qui est ce type. Il gère un très gros trafic de drogue, on voudrait le faire tomber, ça ne devrait pas tarder. Il faut le coincer en flagrant délit. Ils ont des gardes du corps, on ne sait jamais où ont lieu leurs rendez-vous. Ils utilisent le dark net pour mettre au point leurs livraisons.

Le visage de Marielle s'assombrit. Elle avait conscience qu'il serait difficile d'avancer ses pions dans cette affaire, le réseau était tellement bien organisé que les renseignements et les possibilités d'action devaient être rares. Elle sentit le découragement peser sur ses épaules.

  • Je vais vous aider, asseyez-vous. Voulez-vous un verre d'eau ?

Elle ne déclina pas l'offre, cela faisait des heures qu'elle n'avait pas mangé ni bu.

  • Je ne suis pas seule, deux policiers m'accompagnent. Que pourrions-nous faire ?, lui demanda-t-elle,
  • Il réfléchit, passa un rapide coup de fil. Elle n'entendait pas le correspondant, le type au costume hochait la tête et faisait "Hum... Bien !" pour toute réponse.
  • Bon, je vais vous donner l'adresse où crèche Andres. Je vous avertis, c'est une forteresse bardée de caméras. À vous de voir comment approcher votre mère, assurez-vous que c'est bien elle d'abord. Vous avez une photo ?

Elle sursauta. Avait-elle toujours son portrait dissimulé dans son soutien-gorge ? Il y était encore. Elle l'extirpa du tissu fin et le lui montra.

  • Je l'ai déjà vue, dit-il, mais elle sort rarement de chez elle. Il va falloir la jouer fine. Tenez, voici mon numéro et les indications pour trouver leur maison. Bon courage.
  • Elle prit le bout de papier et le fourra dans son sac.
  • Attendez, je vais vous chercher un imperméable pour que vous puissiez sortir discrètement. Il faut que vous compreniez qu'on ne doit plus vous voir ici, dit-il d'un ton ferme. Soyez prudente.

Il partit vers un couloir qui menait à d'autres pièces. Il revint muni d'un manteau léger beige qui lui couvrait les jambes. Marielle frissonna. La nuit avait été longue. Elle jeta un coup d'oeil à sa montre : quatre heures du matin. Elle en avait assez fait pour aujourd'hui. La fatigue se faisait ressentir.

  • Oui, merci, articula-t-elle finalement.

Elle prit son sac et sortit. Elle longea la rue quelques minutes, aperçut le SUV noir de Fred, l'ami policier et le rejoignit rapidement. À peine était-elle installée qu'il démarra en trombe, loin de ce quartier toujours animé, malgré l'heure matinale.

Le véhicule filait dans la nuit, il approchait peu à peu des beaux quartiers. Marielle était soulagée d'être parvenue à accomplir cette mission dangereuse. Elle jetait des coup d'oeil en arrière, inquiète de voir une voiture les poursuivre. Elle raconta ce qui s'était passé aux deux amis. Ils promirent d'échafauder un plan pour le lendemain, mais pour qu'il tienne la route, il fallait prendre le temps de la réflexion. Fred proposa de s'arrêter pour acheter des portions de pizza et du coca. Marielle se jeta sur les triangles fumants. L''huile dégoulinait sur ses doigts. Elle essuya sa bouche grasse.

Fred les déposa ensuite devant l'hôtel. La nuit fut courte. Le bruit incessant des voitures circulant dans la rue la réveilla vers neuf heures. Romain était attablé sur un petit guéridon, un carnet devant lui. Il écrivait avec application.

— Bonjour, lui dit-il, bien dormi ?

— Je crois, répondit-elle. Vous avez trouvé un moyen d'aller chez le dealer ?

— Possible. Prenez une douche, habillez-vous normalement. Fred nous attend au carrefour en bas.

Elle obtempéra, non sans avoir d'abord mis de l'eau dans la bouilloire. Il lui fallait sa dose de caféine. Elle prit ensuite une douche brûlante qui lui fit un bien fou. Elle enfila avec délectation son jean de la veille. Elle se remémora les événements qui avaient mis en péril sa vie et celle de ses comparses. Elle lui était reconnaissante de tout ce qu'il faisait pour elle.

— Vous êtes sûrs de vouloir continuer ? C'est dangereux, non ?

— Une vie sans risques est une vie sans saveur, dit-il avec un sourire.

— C'est de vous ?

— Oui, c'est mon leitmotiv, et jusqu'ici, ça m'a plutôt réussi.

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