CHAPITRE 2
C’est la rentrée des cours, j’arrive au lycée avec un air maussade. Il est 7h00 pétante et je n’ai pas arrêté de penser aux paroles de Benjamin depuis notre retour. Nous nous sommes ignorés tout le long du voyage. J’essaye de ne pas y penser, je sors de la voiture, embrasse ma mère en lui souhaitant une bonne journée. J’enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et décide de mettre : « Je te promets" de Johny Halliday.
Comme d’habitude, je me dirige vers le snack bar en haut de mon lycée, un endroit chargé de souvenir. Je n’en tiens pas compte et m’assois sur l’une des nombreuses tables libres en plastiques drapés d’une nappe démontrant des corbeilles et des fruits de toutes formes et couleurs. Cet endroit m’est familier et chaleureux, sans doute parce que c’est un restaurant familial. Le gérant – Jerry, surnommé : Josh – me salut. Il est de taille moyenne, un peu rond, il porte toujours une casquette, un polo et un jean bleu foncé et des baskets. Il tient ce restaurant avec sa femme, ils ont deux enfants : un jeune garçon et une petite fille qui viennent de temps en temps. Il me demande :
- Alors miss, un café ? dit-il tout sourire.
- Oui Josh, comme d’habitude. Je lui rends un sourire même si celui-ci est factice.
Je le paie et retourne à mes occupations. Je me concentre sur un point fixe pour éviter de pleurer devant tout le monde, je n’ai pas versé une larme depuis la discussion avec Benjamin. Josh m’apporte mon café et repart travailler, je le sirote tandis que je continue de fixer ce point sur la nappe qui est une pomme d’un rouge éclatant.
Flavius et Alissia me sortent de ma transe en s’asseyant près de moi. Alissia m’accueille avec un doigt d’honneur bien mérité – avec toutes les photos envoyées snapchat je comprends qu’elle m’en veuille – Je suis devenue amie avec Alissia quand j’ai rencontré Romy l’année dernière. Elle est petite – plus petite que moi – elle est ronde, ses cheveux sont longs et lisses, leur couleur châtain fait ressortir la couleur de ses yeux marrons pétillants d’humour.
Flavius nous informe qu’il va voir Anne-Cécile. Alissia et moi ne pouvons pas nous empêcher de lever les yeux au ciel, nous la détestons.
Une fois seule, Alissia me bombarde de question à propos du voyage et de Benjamin. Je m’efforce de tout lui raconter avec le sourire :
- Benjamin et moi c’est … terminé. Dis-je avec le même sourire factice.
Elle en reste bouche bée et finit par demander :
- Vous ne deviez pas... ? – elle ne termine pas sa phrase - Pourquoi ?
- Si… nous l’avons fait… mais … - j’étouffe un sanglot ce n’est pas le moment de craquer – il m’a quitté juste après… Maintenant je ne souris plus et recommence à fixer mon point.
Elle tombe dénues, elle aussi, elle me regarde et dit :
- Putain … quel connard ! Je suis désolée man ! Il va le regretter ne t’inquiète pas !
Je lui souris faiblement en la remerciant silencieusement. Mais le plus dur reste à faire, je dois en parler à ma meilleure amie, Cassandra.
Je la connais depuis la maternelle. On mesure à peu près la même taille, elle est blanche, les cheveux ondulés, les yeux verts. Elle a un sale caractère, mais elle n’abandonne ni sa famille ni ses amis. On peut toujours compter sur Cassandra quoi qu’il arrive. Il faut que je trouve le temps de lui parler, être dans un lycée différent n’arrange pas mes affaires ! Je peste. Flavius interrompt mes pensées :
- Bon on y va Marie et Alissia ? Dit-il morose.
- Oui oui ! réponds Alissia en écrasant sa clope dans le cendrier.
- On a quoi ? demande-je distraitement à Flavius, en tirant une latte sur la fin de ma cigarette et finissant mon café.
- Civilisation espagnole, avec cette vieille Bique ! dit-il exaspéré.
Je rigole, à vrai dire nous ne supportons pas la professeure de civilisation comme elle ne peut pas s’empêcher d’être cinglante avec nous, ces deux pires élèves. Nous perdons tous deux au change, pourtant j’adore l’espagnol, je suis même très douée selon mon autre professeur d’espagnol, mais j’ai la fâcheuse tendance à vivre selon mes envies, ce qui ne me porte généralement pas chance.
Je balance ma clope avant de passer le portail du lycée, nous descendons un escalier démesurément grand. Le lycée est petit et d’une couleur plutôt originale – il est rose – et prône au-dessus du préau extérieur un arc-en-ciel ridicule, le lycée BoisJoly Potier est l’un des lycées les plus colorée que j’ai vu de ma vie et sa sonnerie est aussi ridicule que sa couleur.
On arrive dans la cour du lycée, Alissia file dans la direction opposée à la nôtre. On se retrouvera à la récréation. Flavius et moi partons d’un pas traînant vers notre salle de cours, Flavius semble pensif, comme la plupart du temps, mais cette fois-ci il a un air grave. Il s’arrête dans les escaliers et me jauge d’un air « je dois lui dire ou pas ? » Il finit par me dire :
- Marie… Hum… ce que je vais te dire ne va sûrement pas te plaire, mais vaut que ce soit moi qui te le dise. Finit-il hésitant.
- Oui … d’accord, que se passe-t-il ? dis-je méfiante.
- J’ai appris quelque chose ce matin qui ne risque pas de te plaire. – il marque une pause, esquisse un sourire compatissant. BORDEL ! Il se passe quoi ? L’angoisse me monte à l’estomac – alors … Anne-Cécile est au courant …
Quoi ? Au courant de quoi ? Le temps que je percute, le monde arrête de tourner encore une fois en moins de quatre jours. C’EST QUOI CE BORDEL ? J’articule sans essayer de m’énerver et de ne pas le chercher dans sa salle cours pour lui foutre la honte en public :
- Au courant de quoi Flavius ? Priant, me prosternant intérieurement pour que mon hypothèse soit fausse.
- Tu sais … pour Benjamin et toi… enfin ce que vous avez fait à Montpellier. Il parle doucement pour éviter qu’on se fasse remarquer.
Mon cuir chevelure se met à picoter sous la colère et l’indignation, mon cœur est au bord de l’explosion une nouvelle fois, la rage monte en mois comme une tempête prête à éclater, je tente de garder mon self contrôle et articule :
- Comment l’a-t-elle su ? Dis-je faussement calme.
Il hésite un court moment et crache le morceau :
- De Benjamin lui-même. Dit-il d’une voix fluette que je regrette d’avoir entendu.
Je suis sur le point d’hurler, mais ce n’est ni l’endroit ni le bon moment. Je sens le rouge me monter aux joues. Je sors rapidement mon téléphone de mon sac à main, le déverrouille et trouve Benjamin dans mes contacts. Je ne l’appelle pas car je sais qu’il ne répondra pas – même si l’envie de l’engueuler au téléphone ne me manques pas - Je lui envoie un message à la place :
A : Benjamin ;
J’espère que ce que j’ai appris est faux ! Je te préviens tu vas en baver
Si c’est le cas Benjamin.
Je n’ai pas de réponse immédiate de sa part. Flavius – dont j’ai momentanément oublié l’existence – me demande si je vais en cours. Je secoue la tête, je n’ai pas la force de supporter les méchancetés de la professeure. Il décide de rester avec moi, nous nous asseyons dans les escaliers en attendant une réponse, je bous de plus en plus après chaque minute sans une explication plausible.
Au bout de vingt longues minutes d’attente, j’entends ce ping si familier qui à l’heure actuelle me fait sortir de mes gonds. D’un geste éclair je regarde son message.
De Benjamin ;
De quoi tu parles ?
TU ES SERIEUX ? Tu en à parler à la fille que je déteste le plus dans ce
PUTAIN DE LYCEE !!
Qui te l’a dit Marie ?
Je respire à peine quand je vois le message. En plus il me prend de haut, je vais LITTERALEMENT le tuer. Je réponds avec un sarcasme non dissimulé :
A Benjamin ;
« Qui te l’as dit Marie ? » Qu’est ce que ça peut bien te foutre ? Tes airs
De grands seigneurs tu te les gardes pour tes abruties d’amiES ! Donc tu
Confirme que oui !
J’envoi. Il ne me répond pas immédiatement. En revanche, le téléphone de Flavius sonne. Il a reçu un message de Benjamin, comment l’a-t-il su ? Il a dû texter cette pétasse d’Anne Cécile !
Flavien me lit :
De Benjamin à Flavius ;
Je peux savoir de quoi tu te mêles ? Je te préviens
Si tu ne t’occupes pas de tes fesses
Je te ferais la peau, p’tit enfoiré.
Je lui dis de ne pas répondre, c’est mon problème pas le sien. Il acquiesce. Je lui renvoi un message :
A : Benjamin ;
Ne t’en prends pas à Flavius, il ne m’a rapporté que les faits.
Vous êtes les seuls fautifs, TOI et TA MEILLEURE AMIE
Qui ne sait pas TENIR SA LANGUE !
Je m’occuperais de ton cas à la pause.
Je t’attends.
Avec un élan de courage démesurément, c’est ce que je lui réponds.
Nous avons encore une heure d’anglais avant la pause, j’ai le temps de concocter ce que je vais bien pouvoir lui balancer en pleine face. Mon estomac est dans les talons mais je ne me laisserais pas faire. Ma rage est plus forte que ma peur ; l’heure de la pause arrive plus vite que prévue, je ne sais pas ce qui va se passer et j’ai la trouille mais je me dois de l’affronter pour pouvoir enfin passer à autre chose.
Arriver dans la cour, j’allume ma clope et attends d’un pied ferme Benjamin. J’enfile mon visage de pétasse révolue et me donne un air de femme sûre d’elle. Nonchalamment, Anne – Cécile s’approche de moi et de mes amis avec un sourire narquois de la sale garce qu’elle est. Elle me dit avec un air de triomphe :
- Alors … - elle penche la tête sur le côté – Benjamin et toi dans une salle de bain, le romantisme était-il au rendez-vous ? Dit-elle assez fort pour attirer l’attention.
Je la foudroie du regard et je réplique avec autant d’humour et de sarcasme que cette blondasse écervelée puisse comprendre :
- Au moins lui, ce n’est pas mon cousin.
Son sourire disparait aussi vite que celui-ci est apparue, je l’ai mise en colère.
- Lui au moins ne m’as pas baisé et quitté après ! Dit-elle fièrement comme si c’était l’exploit du siècle.
Une masse de gens commence à s’affairer autour de nous. Je réplique sèchement :
- Je préfère ça que de pratiquer l’inceste ! N’est-ce pas Annie ? Un surnom que seuls ses amis peuvent utiliser. Mon but est de la blesser par tous les moyens, je n’ai plus rien à perdre.
Nous entendons les braillement les autres élèves autour de nous – des singes dans un zoo, voilà à quoi ils me font penser – Elle a un teint blafard, elle se retourne et s’en va. Je n’ai pas le temps de souffler que j’entends :
- HE ESPECE DE CHIENNE ! C’est la voix de Benjamin, elle est dure et froide.
Je fais volte-face, ma rage monte de plus en plus, je me suis faite humiliée une fois mais pas deux, je hurle :
- LA CHIENNE C’EST CELLE QUI T’A FOUTUE AU MONDE ESPECE DE SALOPARD !
Je sais très bien que cette insulte le touchera personnellement, il n’aime pas qu’on parle de sa mère. Mais je m’en contrefous, il m’a détruite, je ne vois pas pourquoi je ne ferais pas la même chose. Je n’ai plus rien à perdre et à attendre de lui.
- Ne parle pas de ma mère, espèce de petite salope ! Je te signal que tu l’aimais bien ce salaud quand il te baisait dans cette salle de bain ! Dit-il avec un ton acide qui déchire chaque part du reste de ma fierté déjà en lambeau par sa faute. Je me sens si mal et si humiliée.
Je commence à glousser, ce gloussement se transforme en un fou rire – un fou rire hystérique, ne deviendrais-je pas folle ? – Je lui rends la pareille :
- Aimer ? Baiser ? Parce que t’appelles ça baiser ? – je rigole encore, ça ne se stoppe pas – Tu crois qu’avec ta p’tite bite de huit centimètres m’a fait un quelconque effet ? T’as même pas tenue dix minutes… - J’éclate de rire de plus belle – Apprends à reconnaître les simulations, parce que tu me fais vraiment, mais vraiment pitié, t’étais aussi puceau que moi dans ta tentative de baise raté.
C’est avec un teint blême, une bouche touchant quasiment le sol et les braillements des autres élèves que Benjamin se retourna la queue entre les jambes – l’expression est plutôt bien choisis- et quitta la cour du lycée montant quatre à quatre cet escalier démesurément grand.
Je me sens toujours humiliée mais je suis un peu plus fière de moi. Romy, Alissia et Flavius sont resté bouche bée devant ma méchanceté enfin dévoiler – je n’ai pas été tendre, mais le monde est cruel – Mais malgré tout ce que vient de se produire, mon cœur saigne encore et j’espère pouvoir trouver un baume qui pourra la pensée et la cicatriser à jamais.
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