15 - Citrouille
Je me réveillais en sursaut, surpris par des cris de douleur, des coups de feu et une musique stridente. Je me redressais rapidement et tombait nez à nez avec une jeune femme qui semblait avoir mon âge. Assis sur l'autre place du canapé, elle tenait dans ses mains une manette de jeu et testait sa dextérité en exécutant des hordes de zombies. Elle regardait fixement l'écran, impassible, et concentrée sur sa tuerie virtuelle. Je glissais un timide “Salut”, entre deux salves de mitrailleuse. Elle me repondit sans quitter l’écran des yeux :
- Salut. Il y a du café si tu veux. Laura est sortie chercher des croissants. Je crois qu’elle t’aime bien, d’habitude, ce sont ses conquêtes qui font les courses pour elle.
- Tu crois que je suis une de ses conquêtes ?
- Elle t’a laissé dormir sur son canapé, c’est qu’elle t’aime bien. Sinon tu aurais fini dans son lit et tu n’aurais plus jamais entendu parler d’elle. Mais je pense qu’elle a une certaine considération pour toi.
- Parce que tu crois que le fait que je ...
- Prends-toi ça en pleine face, sale zombie !, cria-t-elle en se levant ! Victoire !, s’exclamait-elle en levant le poing en l’air.
Je regardais d’un air circonspect la jeune fille aux cheveux courts ébouriffés qui effectuait une danse joyeuse. Elle se déhanchait au rythme d’un musique imaginaire qu’elle fredonnait. Elle remarqua mon regard et rougit en se rasseyant. Un peu gênée, elle s’empressa de lancer une nouvelle partie.
- Quelle heure est-il ?, lui demandai-je.
- Quatorze heures. Laura m’a dit que vous vous êtes couchés tard et qu’il fallait te laisser dormir.
- Quatorze heures, m’écriais-je. Je dois partir !, dis-je en courant vers la porte.
- Tu ne veux pas attendre Laura ? Elle doit revenir d’une minute à l’autre.
- Dis-lui que je suis désolé, mais j’ai un rendez-vous important. Je la rappelle très bientôt.
- Allez, vas, Dom Juan, sourit-elle.
Je sortis en claquant la porte et dévalait l’escalier à toute vitesse. Arrivé dans la rue, je courus à toutes jambes à mon second rendez-vous. Je croisais nombre de passants qui me regardaient courir comme un dératé. Arrivé sur la place, je la vis installée sur le même banc, à la même heure. Elle avait tenu parole.
Je m’approchais d’elle doucement. Elle semblait plongée dans un recueil de textes artisanal. A quelques pas, je la saluais, le souffle coupé. Elle leva vers moi ses grands yeux cachés derrière d’énormes lunettes. Elle s’amusait de mon essoufflement :
- Et bien, je t’ai tant manquée que ça ? Tu veux qu’on aille se prendre un café pour te remettre d’aplomb.
- Avec plaisir, je viens de me lever, je ne suis pas encore caféiné.
- Tu viens de te lever ?, s’exclamait-elle. Tu as dû avoir une nuit mouvementée ! Allez, suis-moi, je connais un café qui sert du jus de citrouille, tu m’en diras des nouvelles !
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