20 - Café
Laura m'attendait devant un salon de thé. Je la trouvais toujours aussi attirante, vêtue d'une jupe courte et d'une veste légère. Ses bottines allongeaient encore ses jambes et lui donnaient un air élancé. A mon arrivée, elle m'embrassa sur les deux jours en passant un bras autour de mes épaules. Je profitais de cet instant fugace de proximité et la suivais à l'intérieur.
J'étais très peu habitué à ce type d'établissement, à la décoration “art nouveau” et aux papiers peints rose poudré parsemés de fleurs. J'avais l'impression de rentrer dans une dinette de petite fille. On s'installa sur des fauteuils tapissés d'un style ancien. Une serveuse nous approcha :
- Bonjour Laura. Comment vas-tu ? Qu'est ce que je t'apporte ?
- Ça va bien, merci. Je vais prendre un matcha, je te prie. Et toi Tristan ?
- Un double expresso. Bien serré. Et un allongé, en plus. La nuit a été courte.
La serveuse s'éloigna. Laura me toisa pendant un temps qui me paraissait très long.
- Marie m'a raconté que tu es parti en trombe, hier matin.
- Marie ?
- Ma coloc'. Tu sais, la tueuse de morts-vivants.
- Je ne connaissais pas son prénom. Je l'aurais plutôt appelée Alice.
Laura me regardait en fronçant les sourcils, d'un air interrogatif.
- Resident Evil, ajoutais-je. Le personnage de Milla Jovovich. Une histoire de zombie.
- Désolée, je ne suis pas trop à jour sur ce point, riait-elle. Il n'empêche que ton absence m'a rendue triste. Je nous avais apporté le petit-déjeuner...
Un petit silence s'installa, puis elle reprit :
- Alors, qu'est-ce qui t'a fait déguerpir de la sorte ?
- Un rendez-vous. De travail. J'ai beaucoup de travail en ce moment. Et pas mal de retard. Je n'ai pas dormi de la nuit.
La serveuse nous apporta nos boissons. Je bus l'expresso d'une traite, comme on boit un shot de vodka dans une soirée étudiante. Le café me brûla la langue et laissa une empreinte embaumante dans la gorge. Je sentais le liquide s’écouler lentement jusqu’à mon estomac. Je fermais rapidement les yeux, agressé par l'excès soudain de caféine. Mes neurones se déliaient instantanément, éveillant ma conscience. Mon coeur accelérait, comme après une course poursuite.
- Oui, tu as l'air exténué. Tu devrais peut-être dormir, au lieu d’abuser du café. Tu en as bu combien ?
- Pas assez, à mon goût. Comme je te disais, j’ai pas mal de travail en ce moment, des illustrations à livrer, des projets à avancer.
- Et tu n’as pas d’effets secondaires ? Ton coeur qui bat très vite ? Un peu de nausée ? Je ne suis pas une experte, mais le peu de fois où j’ai bu du café, je me suis senti un peu comme dans un état second.
- Oui, c’est un peu ça, dis-je en essayant de retenir les tremblements de mes mains.
Je lui parlais de mes travaux actuels, de la façon dont je travaillais et de mes sources d’inspiration. Elle semblait m’écouter d’une oreille, je n’avais pas vraiment l’impression de l’intéresser avec mes histoires de graphistes. Nos boissons terminées, je lui proposais de partir. J’avais besoin de m’aérer et l'atmosphère de maison de poupées m'oppressait.
Le shot de café faisait encore son effet. J’étais nauséeux et mon coeur battait la chamade. Mes mains tremblaient de manière incontrôlable et j'avais l'estomac noué. Pourtant, je m'approchais d'elle, à une distance des plus intimistes. Nos visages se frollaient et ma main se glissa derrière sa nuque. Je l'embrassai, avec une tendre fermeté. Je tremblais de tout mon être pendant ce baiser qui me semblait durer des heures. Lorsque nos lèvres se quittèrent, elle me murmura avec un sourire que je devinais :
"J'ai bien cru que tu ne craquerais jamais".
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