Chapitre 4
Des filaments bleutés se déplacent avec lenteur au creux de mes mains, l'eau emprisonnée ne semble pas vouloir s'échapper, je ne sais pas quel matériau j'ai créé, c'est souple et dur à la fois, transparent tout en étant opaque, des fils bleus suivent la courbe de la bulle, ils semblent briller, c'est beau.
C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour transporter de l'eau, ne serait-ce qu'un peu. Je ne sais pas comment je fais cela, je ne réfléchit pas vraiment, et ça arrive, c'est tout. Je sais créer ce genre de choses depuis toujours. Enfin, je ne me souviens pas ne pas savoir le faire.
J'ai essayé d'attraper des poissons, mais ce genre de bestioles sont glissantes et rapides, trop rapides pour être attrapées à main nues. Je devrait donc me passer de nourriture encore un moment, mais tant que j'ai de l'eau, je devrais être capable de survivre. Je me décide à repartir après avoir ingéré un bon nombre de mûres, et m'avance au hasard au travers des arbres. Je n'essaie plus de suivre une direction précise, j'essaie juste d'avancer droit pour sortir au plus vite de la forêt, peu importe l'endroit où je me retrouverais, cet endroit sera toujours mieux que la forêt elle-même.
Les souvenirs de mon départ de l'orphelinat qui continuent de me revenir dès que je m'endors me perturbent beaucoup. Pourquoi ces souvenirs refont-ils surface, et pourquoi maintenant, quel est l'intérêt de me rappeler cela ? C'est donc en essayant de comprendre la signification de ces rêves que j'avance, tout autant perdue dans mes pensées que perdue dans la forêt.
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Je retire ce que j'ai pensé un peu plus tôt dans la journée. Survivre uniquement avec de l'eau est impossible. Mon ventre crie famine, il n'a rien ingéré de consistant depuis presque deux jours, et l'eau est trop précieuse pour que j'essaie de l'utiliser pour me remplir l'estomac. Je cherche autour de moi n'importe quoi qui pourrait être comestible, un plante, une racine, une feuille d'arbre, un fruit, n'importe quoi. J'essaie de me rappeler ce que l'on m'avait dit au Village que les racines des arbres, je sais qu'il y en a une qui remplit l'estomac sans rendre malade après avoir été cuite, mais il m'est impossible de me souvenir laquelle. Je m'assois finalement, à bout de forces, contre un arbre, et cette fois-ci espère qu'en m'endormant, des souvenirs utiles me reviendront en mémoire.
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Je suis au beau milieu de la forêt, à la recherche de je ne sais quoi, je ne sais même plus pourquoi j'y suis entrée. Tout se mélange un peu dans ma tête, c'est peut-être dû au manque de nourriture, car même en me rationnant un maximum, j'ai presque fini les réserves emportées. Je tente de réfléchir à un moyen de me nourrir sans finir d'épuiser mes réserves, c'est en passant à côté d'un arbre, plus précisément d'un chêne, que je me rappelle une chose sur ces arbres, les glands sont comestibles après avoir été cuits, on peut même en faire de la farine, amer certes, mais c'est toujours mieux que de mourir de faim. Je me met donc à ramasser le plus de glands possibles, une fois cela fait, je continue à marcher en quête d'une rivière, j'ai besoin d'une quantité d'eau plus importante que ce que je possède, et je préfère économiser l'eau potable. Après avoir marché plus d'une heure, les glands disposés précieusement dans mon sac, je trouve enfin ce que je cherche, un fin ruisseau serpente à travers les arbres. Le flux d'eau n'est pas très important, mais il fera l'affaire. J'ai dans mon sac de quoi allumer un feu, je vais chercher le long du cours d'eau du bois sec et des brindilles pour démarrer le feu. Au bout d'un temps que je trouve interminable, je finis par réussir à allumer ce maudit feu, l'air de la forêt est très humide, le bois s'obstinait à éteindre mes allumettes dès que je les approchaient. J'ai fini par utiliser mes propres mains pour l'allumer, en pensant créer du feu, une flamme assez conséquente est apparue dans le creux de ma main. J'avoue que je ne pensais pas que ça marcherait, j'avais déjà par le passé fait de petites choses qui semblaient être magiques, mais je ne pensais pas qu'en étant consciente de ce que je faisais, cela pouvait également arriver. Avant, lorsque des choses de ce genre arrivaient, je n'étais pas sûre qu'elles provenait de moi, maintenant, j'en ai la certitude. Une fois le feu allumé, je me suis rendue compte que je n'avais rien pour faire bouillir de l'eau. À ce moment-là, je me suis vraiment rendue compte que réfléchir l'estomac vide m'étais absolument impossible.
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J'ouvre les yeux avec la ferme impression de me souvenir comment me procurer de la nourriture, autour de moi se trouvent de nombreux chênes, la chance me sourit enfin, je ramasse des glands et en avançant pour en récupérer plus loin, j'entends un bruissement parmi les feuilles, de l'eau ! Chaque pas que je fais me rapproche un peu plus du bruit, je finis par découvrir une petite marre dans laquelle se jette un ruisseau. J'ai désormais tout ce qu'il me faut pour faire cuire les glands, j'allume un feu et pose dessus un récipient créé par mes soins, il m'a suffi d'imaginer quelque chose résistant au feu et pouvant contenir de l'eau. L'image qui m'est venue à l'esprit c'est la cuirasse d'un dragon, ces créatures majestueuses ont beau ne pas exister, dans les légendes, leurs écailles sont réputées pour être tranchantes et ne jamais laisser pénétrer de liquides jusqu'à la peau de dragon lui même. J'ai obtenu un récipient lisse et brillant, hésitant entre le vert foncé et le noir. Je le remplis d'eau et commence à faire cuire les glands, il me faut changer l'eau régulièrement jusqu'à ce qu'elle reste transparente.
Manger quelque chose ne m'a jamais paru aussi agréable, c'est amer et écœurant, mais quand la faim tiraille l'estomac, n'importe quelle nourriture semble être un festin tombé du ciel. Une fois le festin avalé, je me remets en route, toujours sans aucune idée de l'endroit où je risque de débarquer si j'arrive à sortir un jour de la forêt.
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