Plus qu'un amis ?
Le goût de la nourriture m’est de plus en plus agréable. Cependant, je ne mange pas beaucoup. M Anme m’a conseillé de faire du sport pour avoir plus d’appétit et mon corps prend forme sous les entraînements sportifs et alimentaires.
Paul vient tous les jours me voir pour faire une balade ou manger ensemble. Il vient parfois s’entraîner avec moi, mais il se déconcentre régulièrement pour me regarder. Je lui ai demandé de ne plus venir pour que je reste concentré sur mes exercices. J’ai pris goût à cette routine qui me permet de rencontrer de nouvelles personnes, mais aussi de revoir d’anciens amis.
Tymothee n’a pas perdu son désir de se forger un corps d’athlète. Il fait du sport toute la journée et me coache de temps en temps. Nous allons souvent courir en forêt et il me parle de sa nouvelle vie. Il pratique maintenant plusieurs sports de combat et cherche à rentrer dans une sorte de milice pour empêcher d’autres enfants de se faire capturer par des marchands d’esclaves. Je lui ai demandé de m’apprendre à perfectionner Mon Mouvement. Il n’est pas un fervent de ce sport de combat qu’il trouve vil et mortel. Tymothee me l’enseigne à contrecœur pour que je puisse me protéger. J’aime ces moments passés ensemble et me permets d’oublier nos tristes souvenirs.
Le moment de la journée que je préfère est lorsque je discute avec G. Je lui raconte tout en détail. Je lui dévoile mes peurs face aux regards des autres, mes moments de joie avec Paul, mes réflexions sur un possible avenir. Ne pas savoir qui il est vraiment me rassure. Cet inconnu, dont je ne connais ni le nom ni le visage, m’est en réalité mon plus proche confident. J’apprécie la justesse dans ses mots. La formulation de ses phrases toujours douce et bienveillante lorsqu’il m’explique que je me trompe ou bien quand il n’est pas en accord avec moi. Il ne m’a jamais proposé de le rencontrer ni de découvrir qu’il est. Cette distance entre nous me réconforte. Dans notre dernier échange, nous avons beaucoup parlé de Paul.
Moi.
Aujourd’hui encore, j’ai mangé avec Paul. C’était tellement drôle, il n’a pas arrêté de me faire rire, j’en avais mal au ventre.
C’est tellement agréable d’avoir des amis.
G.
Tu as l’air de bien t’entendre avec lui.
Tu n’aimerais pas qu’il soit plus qu’un ami pour toi ?
Moi.
Tu parles d’être son amoureuse ?
G.
(…)
Moi.
Tu ne réponds pas ?
Je suis désolée si je n’utilise pas les bons mots. Ou tu ne parlais pas de ça ?
G.
Si, c’est ce que je voulais dire. Désolé, ça m’a surpris que tu dises ça de cette manière.
Est-ce que tu ressens plus que de l’amitié pour lui ?
Moi.
Je ne sais pas. Je n’ai jamais été amoureuse. Je ne sais pas ce que c’est. Je ne sais pas ce que je suis censée ressentir pour lui.
G.
Est-ce qu’il te manque quand il n’est pas avec toi ?
Moi.
Je le vois tous les jours et je sais que je le verrais demain.
G.
S’il partait demain et ne revenait que dans plusieurs mois. Tu serais triste ?
Je réfléchis à sa question et recherche dans mes souvenirs une situation comparable. Ma respiration s’accélère et mon cœur me fait mal. Je me souviens de la première fois que mes parents m’ont quitté à l’âge de mes 8 ans dans cette pièce sombre et seule. Je me souviens d’avoir pleuré plusieurs jours en silence. En quelques heures, j’avais perdu mes amis et ma vie auprès de mes parents. Je me répétais que demain je pourrais retrouver une vie normale si j’étais assez forte pour supporter ma sombre cachette. Mais les années ont passé et je me suis habituée à ne pas parler, ne plus réellement exister. Le bip de l’ordinateur me sort de ma réflexion.
G.
Tu es toujours là ?
Moi.
Je serais triste si Paul m’abandonnait comme mes parents. Pour me retrouver à nouveau seule sans personne sur qui compter. Je dois partir.
G.
Non, ne pars pas.
S’il te plaît, ne pars pas.
Je n’aurais pas dû poser cette question. Je ne veux pas que tu sois seule à nouveau. Paul sait par quoi tu es passé, il restera à tes côtés.
Moi.
Je ne veux pas revivre ça. Cette angoisse constante de ne pas savoir si je pourrais manger demain, si je pourrais échanger quelques mots.
G.
Je n'ai pas réfléchi à ce que je t'ai écrit. Je ne veux pas que tu repenses ni revives cette souffrance. Je voulais seulement t'aider à comprendre ce que tu ressens pour Paul. Peut-être que ça t'aiderait de savoir ce qu'il ressent pour toi.
Moi.
Est-ce que je pourrais le perdre ?
G.
Comment ça ? Si c'est par rapport à mon erreur de tout à l'heure, je m'en excuse. Paul ne t'abandonnera jamais. Si un jour il doit partir, il te préviendrait et tu pourrais toujours le contacter.
Moi.
Non, je veux dire si je ne ressens pas la même chose que lui. Est-ce qu'il partira ?
Et si je suis amoureuse de lui, mais que mon passé est trop lourd à porter pour lui. Est-ce que le mieux n'est pas d'être simplement amis ? Il serait préférable que je reste seule pour ne pas le perdre.
G.
Tu n'as pas à protéger les autres de toi. Si les autres veulent apprendre à te connaître et rester à tes côtés, alors ils doivent t'accepter tels que tu es avec tes blessures, tes peurs et tes faiblesses. Si Paul ne le peut pas, alors c'est qu'il ne t'aime pas. Mais vous pourriez toujours être amis.
Moi.
Est-ce que j'arriverais à passer outre et réussirais à me confier à lui ? Est-ce que je pourrais un jour ouvrir cette boîte de Pandore, qui renferme toutes ces horreurs ?
G.
Tu as réussi avec moi. Tu réussiras avec d'autres.
Moi.
C'est différent. Jamais, je ne te verrais. Tu es un inconnu qui restera dans l'ombre. Le fait de savoir que tu ne peux pas me juger par mon physique ou par mon nom me met en confiance.
G.
Tu ne voudras jamais me rencontrer ?
Moi.
Non, je ne pense pas. Je ne pourrais jamais te faire face après tout ce que je t'ai avoué.
G.
Je comprends. Tu sais où me trouver si tu as besoin de moi. N'oublie pas de te confier à Paul.
Cette conversation m'a beaucoup fait réfléchir par rapport à mes sentiments pour Paul. Je pense que j'ai besoin de temps, mais j'ai aussi envie de savoir ce qu'est l'amour. Est-ce que mes parents m'ont -ils réellement aimé ? C'est un sentiment humain des plus naturel dont je n'ai aucune notion. J'ai envie que quelqu'un me tienne dans ses bras. J'ai envie de ressentir mon cœur qui se réchauffe lorsque j’aperçois cette personne. J'ai envie de partager ces moments à deux, ces moments secrets. Mais peut-être que mon cœur est trop noir pour accueillir un peu d'amour.
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