Et la séparation !
Mon cœur s’est arrêté. Je regarde ma mère espérant trouver une épaule sur laquelle me reposer, mais elle est aussi frêle que la mienne. Elle me regarde attrister, cherchant les mots. Que peut-on dire à son enfant qui souffre d’avoir perdu un parent aimant. Son regard se perd derrière moi et elle se tend soudainement. Elle me tient par les épaules.
— Elena, je n’ai pas beaucoup de temps. Je suis soulagée que tu sois saine et sauve. M. Leconoistre te rendra ta liberté que nous t’avons arrachée. Maintenant, tu dois être heureuse et m’oublier. Ne cherche pas à me retrouver. Nous ne pourrons plus nous revoir.
— Pourquoi ? Je t’ai retrouvé et M. Leconoistre va te racheter. Tu n’auras plus besoin de vivre avec cet homme. Maman, nous allons être libres de reconstruire notre famille.
— Je ne peux pas, ma chérie. Je suis mariée avec Léandre, je ne peux plus être libre. Je ne pourrais jamais te rejoindre.
Je m’accroche à ses bras de toutes mes forces. Je ne veux pas qu’elle s’en aille, pas maintenant que je l’ai retrouvée. Je ne peux pas supporter qu’elle m’abandonne à nouveau. Les larmes coulent à nouveau et me serre la gorge.
— Maman, je ne veux pas que tu partes. Ne m’abandonne pas. Nous pouvons être libres, je te le promets, je peux t’aider à t’enfuir. Je veux que tu restes avec moi.
Son regard se plante dans le mien. Elle pose ces deux mains sur mes joues en essuyant du bout de ses pouces mes larmes.
— Elena, ma magnifique fille, je ne peux pas rester à tes côtés. J’aimerais, mais cette société est corrompue. Mais toi tu peux vivre loin de tout ça, vivre une vie paisible et épanouie. Ne cherche pas à poursuivre le combat que j’ai échoué. Oublie-moi et ne te retourne pas. Ton avenir t’appartient, je t’en prie, profite de cette opportunité pour laquelle tu as vécu dans la souffrance pendant tant d’années. Ton père ne voulait que ton bonheur.
Je ne comprends pas quelles sont les chaînes invisibles qui la retiennent. Pourquoi, alors que nous sommes enfin réunis, pourquoi partir ? nous séparer ? Alors que nous pourrions nous battre pour être ensemble ? Je cherche dans son regard une réponse à ma question muette, mais je ne vois que de la douleur et cette peur inconditionnelle qui vous empêche de respirer. Je me retourne et vois les yeux perfides de Léandre se poser sur ma mère, puis sur moi. Maintenant que je connais son vrai visage caché derrière son masque d’ange, tout me répugne chez lui. Il me scrute de la tête aux pieds en s’arrêtant attentivement sur chacune de mes formes féminines. Des frissons me parcourent. Je vois à son visage qu’il apprécie ça, il sourit légèrement, laissant voir une de ses canines blanches et se mord doucement la lèvre inférieure. J’ai la nausée. Il ferme les yeux et ouvre la bouche en souriant. Je ne sais pas ce qu’il s’imagine, mais ma mère me prend la tête entre ses mains.
— Elena cet homme ne doit jamais t’attraper, tu m’entends. Tu dois le fuir comme la peste. Reste bien protéger aux côtés de M. Leconoistre. Promets-moi de ne jamais venir me chercher. Je t’en prie, je ne veux pas que ce monstre te fasse du mal. Tu es ma plus belle réussite, ma douce et tendre enfant. Je dois partir. Je t’aime plus que tout, mais oublie moi. Ne pense même pas à me retrouver.
Elle m’embrasse et me serre fort dans ces bras. Je ne veux pas que ce soit la dernière fois que je la vois. Je veux être à ses côtés. Je la retiens de toutes mes forces. Je la supplie. Quelqu’un m’écarte d’elle, me l’enlève. Il me la prise, il la retient en otage. Il est le pire de son espèce, un homme sans principes. Je n’arrive pas à retenir mes larmes et quelqu’un m’empêche de crier.
— Vous devez vous calmer. Nous trouverons un moyen pour vous rassembler.
Kévin me chuchote à l’oreille. Je suis remplie de rage. Je veux tuer cet homme, celui qui a détruit ma famille. Je veux le faire souffrir, qu’il supplie mon pardon. Je veux que ces monstres disparaissent de mes cauchemars. Kévin calme mon humeur. Mes pleurs s’apaisent et je reprends lentement possession de moi même.
— La vente recommence bientôt. Je vais vous chercher à boire.
Kévin s’en va et je reprends mon calme. Un autre esclave s’avance vers moi. Il est plutôt propre sur lui. Un charme se dégage de son visage. Il semble avoir mon âge. Je dois rentrer dans mon rôle et me montrer supérieure et impudente.
— Madame, j’ai vu que vous étiez très proche de la femme de mon Maître.
— Qui êtes-vous pour m’aborder ainsi ? Je ne suis pas comme les catins de votre Maître. Je suis une Rose Éternelle.
— Oui, Madame, je le sais. C’est pour cela que je vous propose mes services.
— Vos services ? Que ferais-je d’un esclave appartenant à un autre ?
— Je pourrais vous donner des nouvelles de la femme de mon Maître et peut-être même vous aidez à la revoir ?
L’occasion paraît trop belle pour être vraie, mais je ne peux pas abandonner ma mère. Je sais que le risque est grand, mais je ne pourrais jamais oublier mes parents et laisser l’un d’eux dans la détresse. Et peut-être que cette esclave est digne de confiance. Il faut que j’essaie. Je dois saisir toutes les opportunités pour obtenir ce que je veux.
— Comment ? Par quel moyen ? Et comment puis-je être sûre que tout cela n’est pas un piège tendu par votre Maître ?
— Il existe un réseau de cryptage pour les esclaves. Vous pouvez vous connecter à n’importe quel ordinateur et vos faits et gestes ne seront pas suivis. Chacun à son pseudonyme, le mien est RatusVerdus. Je vous écris la procédure et vous la transmettrais avant la fin de la vente.
— Que voulez-vous en échange ?
— Comme tout esclave, je sais la vie offerte par M. Leconoistre. Je veux cette vie. Je veux être libre.
Tout ça est très dangereux, mais que pourrais-je faire d’autre ? Dénier ma mère, la laisser à son triste sort et vivre une vie paisible et heureuse, sans en souffrir. Je n’ai aucun repère dans ce monde à part elle. Je ferais tout pour l’avoir à mes côtés.
— Je vais réfléchir à votre proposition. Apportez-moi les informations.
L’esclave s’en va et je réfléchis à un plan pour sauver ma mère.
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