Chapitre 4
Au dessus de Pacifia, à quelques dizaines de kilomètres du domaine de Jakaï, 3 Juillet 2010
Plusieurs transports Dragonfly volaient en formation delta, escortées par huit chasseurs RX-01. Ils avaient été déployés depuis le Sauveur, un croiseur Impérial porte-aéronefs, ou CIPA, de trois-cent mètres de long qui avait traversé tous le royaume pacifien pour atteindre sa destination. L'Empire avait organisé son intervention de sorte qu'elle se déroule de nuit, moment où les forces amal'guriennes stationnées dans la cité seraient le moins préparées.
— Ici Echo 1, dit le pilote de la navette située à la pointe de la formation. On approche de la zone de déploiement.
Le Dragonfly atterrit après avoir sorti ses quatre trains d'atterrissage. Une trappe s'ouvrit, afin de permettre à une vingtaine de soldats Impériaux d'en sortir et se déployer. Les dix autres transports en firent autant et déposèrent pas moins de deux cents soldats Impériaux. À bord de l'une d'entre-elles se trouvait X. Il fut le dernier à sortir de l'engin, précédé par Ewan Robb.
La première chose que fit Jo après être sorti, fut d'observer cette ville située à quelques centaines de mètres de là. En la voyant, il ne put s'empêcher de revivre ce qui s'était passé l'autre jour. Il voulait se racheter de ne pas avoir pu sauver cette petite fille après avoir vu la détresse dans ses yeux. Mais dans le même temps, il avait peur. Même si Robb lui avait dit qu'il devait se tenir l'écart, il s'agissait tout de même d'une opération militaire et non d'une mission d'observation comme il avait l'habitude d'effectuer.
Le temps était à l'orage. Ce qui rendait la ville, encore plus angoissante. Quelques rares éclairs venaient parfois illuminer le ciel. L'un d'eux, accompagné du son du tonnerre vint extraire le garçon de ses pensées, le ramenant à l'instant présent.
Quelques minutes après le déploiement des hommes, d'autres transporteurs vinrent déposer deux cubes de commandements, ces fameuses pièces en préfabriqué contenant tout ce dont les officiers avaient besoin pour diriger les opérations sur le champ de bataille, ainsi que six chars d'assaut Nancy MK-1 qui célèbrèrent par la même occasion leur baptême du feu.
— X, fit Ewan, le sortant de ses pensées. On va au cube.
Les deux amis se dirigèrent vers le lieux de commandement. À l'intérieur se trouvait une carte holographique de la ville. De là, Robb pourrait suivre le déploiement des troupes et le déroulement de l'opération. Chaque soldat et véhicule disposait d'une balise permettant de connaître leur position en temps réel. Ainsi, Jo et Ewan pouvaient voir des petits points bleus, représentant l'infanterie, avancer doucement vers les remparts de la ville, précédés par des mini chars de la même couleur, représentant les Nancy MK-1 qui devaient ouvrir la voie en créant des ouvertures dans la muraille.
— Les forces amal'guriennes nous attendent, dit un officier Impérial, le colonel Matthieu Todd qui était également un ami proche d'Ewan Robb et l'une des rares personnes à connaître la véritable identité de X.
— Tu m'étonnes, répondit Robb. Mais on s'en tient au plan. Les chars doivent percer les remparts pour permettre à nos hommes d'entrer. On ne tire pas sur les civils.
Il y avait encore quelques années, c'était le Véerème qui aurait prit l'initiative d'une telle opération. Lui qui était jadis le symbole de la liberté. Mais depuis trois ans, la puissance du Véerème s'était amoindrie. L'Empire disposant désormais de l'armée la plus puissante d'Utopia, n'avait pas encore prit l'habitude de son nouveau statut d'arbitre du monde.
Après quelques minutes, les chars Nancy réussirent à faire sauter une partie de la muraille de la ville, leur permettant à eux et aux soldats Impériaux d'y entrer. Les forces amal'guriennes furent surprises par leur efficacité et durent se replier un peu plus loin, laissant l'entrée totalement sous contrôle Impérial. Les chars reçurent alors l'ordre de n'utiliser leur canon principal qu'en dernier recours afin de ne pas faire exploser les habitations civiles.
Cependant, un évènement imprévu vint compliquer la mission des Impériaux. Alors qu'Ewan regardait le déroulé de l'opération, il reçut un appel radio de l'un des hommes présents sur le terrain.
— Ici le sergent Rodriguez ! Les civils affluent vers nos hommes !
— Quoi ? s'étonna Robb qui pensait que les habitants auraient eut l'intelligence de s'enfermer chez eux après les premiers coups de feu et explosions.
Le général réfléchit quelques secondes. Les troupes Impériales ne pouvaient pas demander aux gens de retourner chez eux. Ils ne respecteraient pas la demande et quand bien même ils le feraient, ça les mettrait encore plus en danger. Il était trop tard. Il fallait les évacuer.
— Il faut les faire sortir de la ville, répondit-il. La zone est sûre ?
— Oui. Sous la puissance de nos chars, l'ennemi s'est replié plus loin dans la ville. La zone de la brèche est entièrement sous notre contrôle.
— Bien, répondit Robb. Alors évacuez ces civils.
Ewan Robb se tourna vers le garçon en armure.
— Accompagne Matthieu et aide à l'évacuation.
Le garçon répondit d'un signe de tête et sortit du cube, suivit du colonel Todd. Ensemble ils rejoignirent la brèche créée par les chars, et entrèrent au bord de la cité, là où les troupes Impériales évacuaient les ruées de civils paniqués.
Todd repéra parmi ses hommes le sergent Rodriguez.
— Sergent ! cria-t-il pour l'appeler.
— Colonel, répondit Nick. Nos chars et la majeure partie de nos hommes sont entrés dans la cité et livrent combat aux forces locales. Mais les habitants...
— Oui je sais. J'étais aux côté du général Robb. Il faut les faire sortir d'ici le plus vite possible.
Jo voyait la foule se précipiter vers eux, les considérant comme des libérateurs. Il recherchait parmi tous ces gens, la petite fille qu'il avait tenté de sauver lors de sa dernière visite. Il ne la voyait pas. Peut-être était-elle déjà passée. Ou peut-être pas. Peut-être lui était-il arrivait quelque chose. Jo tenta de balayer cette pensée.
Il profita de la distraction de Todd qui supervisait l'évacuation, pour s'avancer un peu plus, la main posée sur la crosse de son pistolet, rangé dans son holster. Son cœur battait à cent à l'heure. Il n'aimait pas les foules énormes dans lesquelles il ne se sentait jamais bien. Et encore moins dans un pareil contexte. Mais il se sentait protégé par son armure.
Il fut bousculé involontairement par un homme d'une trentaine d'années qui s'excusa malgré l'urgence de la situation. Mais il ne lui répondit rien et reprit ses "recherches". Toujours concentré sur cette fillette, s'en voulant encore de l'avoir laissée ici.
Tellement focalisé sur cette fille qu'il n'entendit pas le coup de feu, masqué par le brouhaha des affrontements se déroulant un peu plus loin dans la ville, qui fit tomber le premier civil. Il entendit en revanche les suivants. Des hommes de Jakaï, sentant sans doute leur défaite arriver, avaient décidé d'ouvrir le feu sur les Impériaux évacuant les civils. Peu importait s'il y avait des tirs perdus et des dommages collateraux.
Ces hommes encagoulés, vêtus pour la plupart, de simple treillis militaire sombre n'en avait, visiblement, plus rien à faire de leur propre population. Une preuve de plus que les habitants étaient malheureux.
La rage bouillona en Jo qui hésitait à dégainer son arme. Normalement il ne devait pas être aussi proche de l'action. Ewan Robb lui avait demandé de rester en retrait, de se contenter d'aiguiller les civils vers un endroit sûr. Mais il avait déjà enfreint cette demande en s'aventurant jusqu'ici. Autant aller jusqu'au bout.
Il sortit son pistolet et tira en direction d'un guerrier de Jakaï, ratant son premier coup. La deuxième balle en revanche, se logea dans le torse de sa cible qui s'effondra aussitôt. Jo venait d'abattre son premier Amal'gurien.
— X ! hurla le sergent Rodriguez qui venait de le retrouver.
Jo se tourna vers lui.
— Il faut que tu retournes au Cube ! Maintenant !
Il se passa au moins trois secondes avant que le garçon ne se décide à retourner en lieu sûr. Après quoi il se mit à courir dans le même sens que les pauvres civils. Lorsqu'il arriva au Cube, Ewan n'était plus là. Deux officiers subalternes s'occupaient de suivre l'opération.
Jo s'asseya sur l'une des chaises de la pièce. Il se sentait complétement inutile et dépassé par les évènements. Il revêtait une armure des plus incroyables, mais ne l'utilisait pas. Son regard baleya l'intérieur du Cube jusqu'à s'arrêter sur un objet symbolique. Une pique ornée du drapeau Impérial. Il la fixa pendant quelques secondes jusqu'à ce qu'une idée lui vienne en tête. Pas la plus brillante qu'il ait pu avoir, mais assez pour dorer son image et ternir celle des amal'guriens et en particulier Jakaï. Il se saisi de la pique sous les regards interrogateurs des deux officiers présents et quitta le Cube d'un pas déterminé.
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