Chapitre 1
En approche de Mirne, Nord-Véerème, Utopia, 28 Juin 2010
Jo n'avait même pas seize ans lorsqu'il déroba, il y avait de cela quelques mois, une armure ressemblant à celle des redoutables Commandos MOCH utopiens. Plus qu'une ressemblance, un véritable copié-collé, à quelques détails près. L'armure X, comme l'avait baptisé Hal Damon, son créateur, était plus légère et beaucoup plus résistante que ne l'étaient les armures originales.
Depuis qu'elle était en sa possession, Jo ne s'en séparait presque jamais. Elle faisait partie de lui. En plus de le protéger des balles, des lames, des projectiles en tout genre et de plein d'autres choses, elle lui permettait de dissimuler son identité. Ainsi, il aimait se faire appeler X. Une simple lettre qui renvoyait au nom de l'armure et au mystère concernant celui qui la portait.
Aujourd'hui, il faisait route pour une petite ville du Nord-Véerème, là où l'un de ses amis, Jordan Kodyn avait émis un signal de détresse. Se trouvant alors proche de la frontière entre Narfilonia et le Nord-Véerème, là d'où provenait le signal, il avait décidé de s'y rendre pour porter secours à son ami.
Mais lorsqu'il arriva sur place, l'endroit semblait désert. Il n'y avait pas le moindre bruit. Jo dégaina tout de même son arme, un pistolet Reflex R310, arme de poing à faible recul, de conception Impériale, petite et fiable. Il avança doucement à la recherche de son ami.
L'endroit était un lotissement en fin de contruction. Des maisons mitoyennes aux briques rouges, dont certaines étaient couvertes d'impacts de balles. Tout comme certaines vitres étaient brisées. Jo comprit qu'il y avait eu une escarmouche pas très longtemps avant qu'il n'arrive.
Au sol, il y avait plusieurs corps. Ceux des guerriers de l'ombre. Très vite, il remarqua aussi la présence d'un MOCH étendu au sol. Il se précipita vers lui avant de s'abaisser pour prendre son pouls. Trop tard. Il ne pouvait plus rien faire. Bien qu'il assista dix ans auparavant, à l'une des plus grandes défaites du Mouvement Chevaleresque, et aussi l'une des rares, ça n'était que la seconde fois qu'il voyait l'un de ces guerriers, mort. En le voyant, il ne put s'empêcher de repenser à Bénédicte Caldera, celle qui l'avait évacué du vaisseau MOCH, avant de se faire tuer par un bot LB-01 de l'armée personnelle de Jack Lorage. C'était il y a dix ans. Il n'en avait que six et ça resterait à jamais gravé dans sa mémoire.
Deux autres gisaient un peu plus loin. L'un avait une armure verte kaki, l'autre noire. Autrefois, les MOCH n'avaient pas la liberté des couleurs. Leurs armures étaient soit noire, soit bleue. Avec quelques distinctions selon le grade ou la spécialité. Mais depuis quelques années, ils étaient libres de porter les couleurs de leur choix. Jordan ayant opté pour un bleu classique, c'est ce qui permit à Jo de savoir que le fils du légendaire Grant Kodyn ne faisait pas parti des dépouilles qu'il avait croisés jusque là.
Des coups de feu retentirent. Jo pointa son arme devant lui, prêt à tirer sur la moindre cible hostile. Après quelques secondes à scruter toutes les portes et fenêtres se situant dans son champs de vision, il se remit en mouvement et arriva à l'arrière d'une maison, là où la porte vitrée qui devait donner sur le futur jardin, était ouverte. Deux MOCH y étaient présents. L'un allongé contre un mur, le casque retiré, dévoilant le visage d'un jeune homme à peine plus âgé que Jo, les cheveux chatains, et l'autre agenouillé, en train de lui prodiguer des soins. Jo reconnut le blessé.
— Jordan ! fit-il en aperçevant son ami.
— Jo ? lança Jordan surpris de le voir. Qu'est-ce que tu fais là ?
— On m'a transmis ton appel de détresse. T'as de la chance que j'étais pas loin.
— De la chance ? Mais... tu es seul. Tu as appelé des renforts au moins ?
— Ils arrivent, répondit Jo en s'agenouillant à ses côtés, découvrant alors sa blessure à la jambe. Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
— Il m'a eut, répondit Kodyn.
— Qui ?
— On a réussi à éliminer tous ses hommes. Ils étaient une bonne trentaine. Mais leur chef... J'ai jamais vu quelqu'un comme lui. Un putain de guerrier. Il manie l'épée à la perfection et... c'est aussi un sacré bon tireur.
— À quoi il ressemble ?
— Un type, grand, en armure grise avec un casque comme je n'en avait jamais vu. Avec des gros yeux et deux défenses partant des joues. On dirait...
Le MOCH gémit de douleur.
— On dirait une représentation d'un animal des plaines d'Amal'Gur, reprit-il.
— Ok, dit X en se relevant.
— Attend, le retint Jordan en lui aggripant le bras. Tu ne comprends pas ? Dans la culture Amal'Gurienne, seuls les plus grands guerriers sont dignes d'arborer un masque à l'effigie de l'un des prédateurs de leurs terres. Ce type c'est pas n'importe qui, tu comprends ?
Jo n'avait jamais entendu parler de ces histoires. À vrai dire, il ne connaissait rien d'Amal'Gur, à part le fait qu'ils s'agissait d'une dictature fanatique d'où était originaire le groupuscule des Ténébreux, un groupe terroriste qui opérait il y a quelques années avant de se faire balayer par le Véerème.
— Vas t-en ! lui conseilla Jordan. S'il te plait. Pars.
— On va partir ensemble, répondit X.
Un individu arriva à l'entrée de la pièce et resta fixe à les regarder.
— Cest lui, fit Kodyn.
— Partez, dit X. Je m'en charge.
— Quoi ?! hurla Jordan. Mais t'as complètement perdu la tête ?
— Fais moi confiance. Tu n'es pas en état de poursuivre le combat.
— Tu n'as pas reçu l'entraînement des MOCH je te rappelle.
— File.
Jo adressa un signe de tête à l'autre MOCH qui aida Kodyn à se relever, non sans mal. Une fois debout, ils purent quitter la maison. Jordan se résignant à suivre l'idée de son ami.
Le guerrier de l'ombre, de son côté, accepta le défi lancé par le garçon en armure azure et laissa ses deux compagnons partir.
— Courageux, dit-il en dégainant une longue épée. Tu sembles prêt à tout pour aider tes amis.
Un autre avantage de l'armure X était celui de cacher la peur que pouvait éprouver son porteur. Elle dissimula alors celle que ressentait Jo face à son adversaire.
— Mais... Dis moi, reprit le guerrier. Il ne me semble pas t'avoir vu dans leur groupe tout à l'heure. Le bleu de ton armure ne me dis rien.
— Parce que je n'y étais pas, répondit X en tentant de paraître sûr de lui.
— Un MOCH solitaire...
— Je ne suis pas un MOCH.
La réponse étonna le guerrier de l'ombre qui ne comprenait pas pourquoi le garçon qu'il avait en face de lui revêtait leur armure.
— Mais tu périras, comme eux ! cria t-il en portant un violent coup d'épée que X esquiva avant de tirer à trois reprises sur son adversaire.
À la surprise de Jo, les balles s'écrasèrent sur les plaques de l'armure de l'amal'gurien qui en profita pour lui assener un violent coup qu'il para de son avant-bras.
— Impressionant, dit le guerrier de l'ombre. Les armures de tes compagnons n'étaient pas aussi résistantes.
Il porta un nouveau coup d'épée, que Jo bloqua de son autre avant-bras, et un coup de pied qui le fit reculer de trois mètres avant qu'il ne chute.
— Ton ami avait raison... Tu n'as pas la qualité d'un MOCH. Sans cette armure, tu serais déjà mort.
— X ! cria une fille.
Jo se tourna vers l'origine de cette voix familière, une jeune fille de son âge, la peau blanche, les cheveux longs et blonds.
— Leslie ! s'étonna-t-il après l'avoir reconnue.
La jeune fille lui fit glisser une épée qu'il s'empressa de saisir avent de se relever à toute vitesse. Il profita du moment d'innatention de son adversaire, lui aussi intrigué par la présence de cette fille, pour lui asséner un puissant sur la tête, lui faisant perdre son casque, dévoilant le visage d'un homme d'une quarantaine d'année, les cheveux longs de couleur ébène, suivant avec la couleur de ses yeux. Après quoi il lui envoya une coup de pied dans le torse qui le fit tomber sur des piles de dalles qui devaient probablement servir à finir le carrelage. Les carreaux s'effondrèrent sur lui, laissant le temps à Jo et son amie de fuir.
Ils sortirent de la maison et se précipitèrent hors du lotissement. Ils ne savaient pas si leur adversaire les suivaient. Leslie prit les devants de la course et conduit son ami jusqu'à un terrain vague situé à quelques centaines de mètres. Une fois arrivés au centre de celui-ici, ils s'arrêtèrent et contrôlèrent qu'ils n'avaient pas été suivis. Il n'y avait personne.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda X.
— Tu oublies que Narfilonia est à côté...
— Ouais... C'est vrai, dit Jo en reprenant son souffle. Mais ça ne me dit pas ce que tu fais ici précisement.
— Je suis venue t'aider.
— Oui. D'ailleurs, merci. Mais sérieusement... Ça me fait bizarre de te voir ici sur Utopia.
— C'est les vacances, répondit la jeune fille.
Leslie vivait en effet sur la planète voisine, Exotis. Mais suite à un récent évènement, elle avait dû avouer à ses parents adoptifs qu'elle fréquentait des personnes venant d'Utopia. Même s'ils avaient au départ, eu du mal à la croire, elle avait réussie à les convaincre de la laisser passer une partie des vacances scolaires auprès de ses amis. Elle se cacha de leur révéler le caractère dangereux que cela pouvait avoir.
— Ouais... Ouais... ça aussi j'ai du mal à m'y faire. J'ai pas envie qu'ils t'arrive quelque chose et de devoir dire à tes parents que tu ne reviendras pas.
— T'inquiète pas pour moi. Je sais me débrouiller.
— Comme la fois où tu t'es fait capturer par Sentinelle ? Ou celle où tu t'étais perdue et qu'on a dû te récupérer ?
— Je n'étais pas... perdue. Et puis... Ça s'est passé sur Exotis ça.
— Je sais. Mais ça aurait très bien pu arriver ici. Et il n'y aura pas toujours quelqu'un pour te sortir de ces situations. Et le fait que tu sois la fille de Lorage, ne te servira pas à grand chose. Personne ici ne sait qu'il a une fille d'ailleurs... Enfin je crois.
— Et toi ? demanda Leslie.
— Moi c'est pas pareil...
— Parce que tu as une armure, je suppose ?
— Exactement.
La fille de Lorage se mit à rire.
— Quoi ? demanda X, intrigué.
— Je te connais depuis presque trois ans Jo. Tu arriveras sans doute à convaincre n'importe qui que tu es un guerrier. Mais pas moi. Moi je sais qui tu es... Tu es quelqu'un de bien.
— Les deux ne sont pas incompatibles, répondit Jo. Regarde les MOCH...
— Mais toi tu n'es pas un MOCH. Tu es différent. Tu es beaucoup plus sensible qu'eux.
La jeune fille marqua une pause avant de reprendre.
— Ce que je veux dire... C'est que ce n'est pas du tout ta personnalité. Tu peux jouer au guerrier autant que tu veux Jo... Mais tôt ou tard, ça finira par te détruire.
Un aéronef passa au dessus d'eux à toute vitesse, coupant alors leur conversation.
— C'est lui, fit X. Le guerrier de l'ombre.
— Il retourne sûrement là d'où il vient.
— Amal'Gur, compléta Jo.
— Amal'Gur ? Mais... Je croyais qu'ils vivaient fermés sur eux-même.
— Bah... À croire qu'ils ont changé.
Deux individus s'approchèrent d'eux. Ils s'agissaient de Jordan et de l'autre MOCH. Kodyn fut heureux de voir que son ami s'en été sorti indemne.
— Tu te rend compte de ce que tu as fait ? lança Jordan. Affronter seul un guerrier de l'ombre... T'es un vrai Commando MOCH hein ?
Un sourire apparut sur les lèvres de Leslie, amusée par la situation. Elle imaginait ce qui pouvait passer dans la tête de Jo. Elle qui venait de lui dire qu'il ne leur ressemblait pas.
— En tout cas, reprit Jordan. Merci d'être venu.
Les deux amis se firent une poignée de main. Petits, ils avaient vécu environ un an ensemble. Jo était destiné à recevoir la même formation que lui afin de devenir un Commando MOCH. Mais lorsque Lorage attaqua le vaisseau dans lequel ils se trouvaient, Jordan avait pu évacuer en même temps que les autres enfants MOCH et ainsi regagner leur base. Jo quant à lui, fut évacué en catastrophe et atterrit en plein territoire Impérial. C'est à ce moment qu'il perdit tout contact avec le Mouvement Chevaleresque. Jusqu'à recemment.
— Tu me présente ton amie ? reprit Jordan.
— Leslie, une exotienne, répondit X en se gardant de lui dire qu'il s'agissait de la fille de Lorage. Leslie, je te présente Jordan.
La navette Dragonfly qui avait largué Kodyn et son équipe se posa à quelques mètres d'eux, avant qu'ils ne s'y précipitent.
— Où sont les autres ? demanda le pilote.
— Ils ne reviendront pas, répondit simplement Kodyn. Contacte la base et dis leur qu'il faut aller récupérer leurs corps. Et qu'il me faut des soins aussi.
— Compris.
Le groupe prit place sur les sièges de la navette. Jo s'installa en face de Jordan.
— Tu sais ce qu'ils venaient faire ici ? lui demanda-t-il.
— Je crois qu'ils recherchaient quelqu'un. Je ne sais pas qui, et je ne pense pas qu'ils l'aient trouvé.
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