Chapitre 15
Banlieue de Dastion, Empire, Octobre 2010
Elle se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade. Elle crut être plongée en plein cauchemar. Sa chambre était traversée par une tempête. Ses objets personnels valsaient dans toute la pièce. Mêlé à tout ce brouhaha, elle entendait des cris provenant d'une autre pièce. Elle habitait avec ses parents adoptifs au cinquième étage d'un immeuble.
Malgré une mystérieuse force qui tentait de la maintenir allongée au lit, elle réussit à se défaire de son emprise et dans un mouvement brusque, chuta au sol. Mais cette force reprit le contrôle et essaya de l'immobiliser à nouveau. En vain. La jeune fille réussit à ramper jusqu'au pallier de sa chambre.
Elle parvint à se lever et à courir vers la pièce d'où semblaient venir les cris. Elle vit, gisant au sol, deux corps. Celui d'une femme et celui d'un homme d'une quarantaine d'années, baignant dans une marre de sang, tout deux pétrifiés, le regard terrifié. Il s'agissait de ses parents adoptifs. À côté d'eux se trouvait un pistolet. Arme qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Elle ne savait pas s'il s'agissait de l'arme avec laquelle ses parents venaient d'être tués ou s'il s'agissait de celle avec laquelle ils auraient pu tenter de se défendre. Mais elle n'avait entendu aucun coup de feu.
Les larmes commencèrent à couler le long des joues de la jeune fille qui porta la main à la bouche pour étouffer un cri, ainsi que sa détresse.
Au bout du couloir, une silhouette apparut. Celle d'un être humanoïde encapuchoné. En le voyant, la jeune fille fut prise de panique. Il s'agissait certainement de l'auteur du drame.
Elle le vit, au bord de la fenêtre la regardant. Un être sans visage. Comme s'il s'agissait d'une ombre revêtant un manteau à capuche noir. Elle ne comprenait pas pourquoi il était venu. Un instant plus tard, il sauta alors que quelqu'un défonça la porte d'entrée de l'appartement.
— On y va ! hurla un homme.
Il s'agissait des forces spéciales de la Police Impériale. En entrant, ils tombèrent sur les deux cadavres et sur l'adolescente terrifiée et en pleur. Sachant qu'ils la prendraient sûrement pour l'auteure de cette boucherie, celle-ci s'agenouilla en posant les mains sur la tête.
Les policiers la menottèrent et l'embarquèrent sans ménagement, jusqu'au véhicule qui la conduirait au poste. Sur le trajet, elle ne pouvait pas s'empêcher de pleurer, n'arrivant pas à s'effacer les images de ce qu'elle venait de vivre. L'horreur.
***
Alors qu'elle était seule dans une cellule, attendant qu'on vienne la chercher, deux soldats Impériaux l'invitèrent à la suivre jusqu'à une salle d'interrogatoire. En voyant les deux militaires, elle comprit que c'était encore plus grave qu'elle ne le pensait.
Les deux militaires la firent entrer dans cette petite pièce sombre, malgré la petite lampe qui pendait depuis le plafond, et qui l'illuminait à peine. La jeune fille soupçonnait que la pièce était conçue pour intimider celles et ceux qu'on y interrogeait. On lui demanda de s'asseoir sur l'une des deux chaises disposées en face à face, séparées par une petite table noire sur laquelle rien n'était posé.
L'un des deux militaires ressortit de la pièce pendant que l'autre resta à l'entrée sans la perdre des yeux. Le regard toujours aussi menaçant.
Quelques secondes plus tard, un autre militaire entra à son tour dans la salle. Cette fois, il s'agissait d'un haut gradé. Il adressa un signe de tête à celui qui la surveillait, afin de lui demander de sortir.
La jeune fille se retrouva ainsi seule, en compagnie de cet homme d'une trentaine d'années, les cheveux noirs bouclés rasé de près, les yeux ténébreux. Il portait également une malette grise métalisée qu'il déposa aux pieds de la chaise sur laquelle il s'apprêtait à s'asseoir.
— Lucinda, c'est bien ça ? demanda-t-il avant de se poser. Je suis le colonel Markus Ishahac de l'armée Impériale. Je pense que tu sais pourquoi je suis ici...
Lucinda détourna son regard. L'angoisse l'envahit. Elle ne savait pas ce qui allait lui arriver. La croirait-ont si elle disait qu'elle n'y était pour rien dans toute cette horreur ? Probablement pas. Mais elle devait tenter.
— Je n'ai rien fait ! cria-t-elle, toute tremblante. Je vous jure.
— Je sais, répondit Ishahac. Je sais. Ne crains rien. Tu es en sécurité ici.
La dernière partie de la phrase suffit à rassurer la jeune fille qui comprit que l'homme à qui elle avait affaire, était convaincu de son innocence. Elle se calma en un instant et cessa de sangloter.
— C'est quelqu'un de dangereux qui a fait ça, continua le Colonel. Une jeune fille comme toi n'aurait jamais pu faire ça, pas vrai ? À moins que tu ne sois...
— Paranormale ? coupa Lucinda. Non, répondit-elle d'un ton ferme.
— C'est bien ce que je pensais. Si tu avais des pouvoirs, tu t'en serais servi pour fuir, n'est-ce pas ?
Lucinda lança un regard interrogateur au militaire.
— Dis moi ce qui s'est passé, poursuivit ce dernier.
La jeune fille resta muette.
— Je te rappelle que tu ne risques rien ici. Et... Même si mes hommes ont pu te faire croire le contraire, eux aussi sont convaincus de ton innocence. Tu es ici parce qu'on a besoin d'informations sur ce que tu as vu.
Lucinda, une nouvelle fois rassurée sur les intentions de ses "hôtes", accepta de parler.
— Il était là... Au bord de la fenêtre, dit-elle le regard perdu.
— C'est tout ?
— Il n'avait pas de visage, ajouta-t-elle en plongeant le regard dans celui du militaire. Comme si c'était une ombre.
Markus hocha la tête comme s'il voyait de quoi elle parlait. Puis il reprit la malette et la posa sur la table avant d'en sortir un document.
— Un peu comme sur cette photo ? demanda le colonel en faisant glisser l'image prise par une caméra de surveillance d'un entrepôtd d'une ville voisine.
En voyant la chose, Lucinda ne put s'empêcher de revivre une nouvelle fois le drame.
— Oui, répondit Lucinda les larmes coulant le long de ses joues. C'est lui.
— D'accord, termina Ishahac en reprenant la photo. On a terminé.
Alors que la jeune fille s'attendait à ce qu'il lui en dise plus, ou même à ce qu'on lui en demande plus, Issahac se releva et frappa à la porte. Deux militaires lui ouvrirent.
— On l'emmène avec nous.
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