PDV Alex

En se garant devant la maison des Fleureau, Alex réalisait à quel point leur maison était grande. Cette famille avait des moyens financiers non négligeables. Même s’il était toujours dans la même ville, Alex ressentait un certain choc. Il n’y avait pas de maisons qui faisaient la taille d’un manoir dans son quartier. Maura le laissait entrer, mais son sourire était forcé. Alex avait l’impression d’être tombé comme un cheveu dans la soupe. Il regrettait déjà d’être là. Il entrait dans le hall. Alex ne savait pas à quoi s’attendre, mais il avait une drôle de sensation. Cette maison était censée être la maison de rêve de tellement de personnes. Or, elle était froide et peu accueillante. Il secouait la tête et montait les escaliers en soupirant. Sa présence n’allait pas être appréciée. Ça, il le savait déjà. La chambre d’Elena était ouverte. La danseuse était allongée sur son grand lit, le regard rivé sur le plafond. Alex toquait à sa porte, mais elle ne réagissait pas. C’était presque comme si elle ne respirait pas. Les secondes s’écoulaient et Alex craignait qu’elle allât continuer de l’ignorer. Au bout d’un moment, elle faisait un signe de la main et Alex entrait dans la chambre. Elle était grande et spacieuse comme le reste de la maison. Les murs peints d’un rose pâle avec des silhouettes peint en noir représentant des positions de danse classique. Cette chambre plairait beaucoup à Audrey, sa petite sœur.

- Combien ?

- Quoi ?

Alex penchait la tête légèrement sur le côté. Elle hésitait un bref instant avant de reprendre.

- Elle te donne combien ?

- Qui ?

- Ma mère. Elle te paie combien pour que tu passes du temps avec moi ?

Elle était plutôt perspicace. Alex allait s’assoir sur le Chesterfield en velours noir qui se trouvait sous la fenêtre.

- Rien, je ne veux pas d’argent.

- Alors qu’est-ce que tu veux ? lançait la jeune fille du tac au tac.

- Je ne sais pas.

Elena s’asseyait. Elle pianotait nerveusement avec ses doigts sur son bras. À quoi elle pensait ? Cette fois-ci, elle semblait plus docile que lorsqu’il avait été la voir à l’hôpital.

- Tu peux partir. Tout ce que je veux c'est avoir un peu de paix et de tranquillité.

Ou pas… Mais qu’est-ce qu’elle était obstinée. Alex avait envie de prendre ses clics et ses claques et de repartir comme si de rien n’était. Mais il avait fait une promesse à Maura. Et cette jeune femme chiante finirait bien par capituler. Si aucun d'entre eux ne voulait être ici, ils pouvaient au moins essayer de tirer le meilleur parti de cette situation inutile dans laquelle ils se trouvaient.

- Ce dont tu as besoin, c'est d'une thérapie et d'un ami.

- Tu vas me forcer à devenir ton amie ? C'est comme ça que ça marche maintenant ?

Oh, elle était douée. Maura avait parlé d’une fille fragile et timide, mais Alex se retrouvait face à un lion en cage. La plupart des filles qu’il côtoyait n’allaient jamais à l’encontre de ce qu’il disait. Elles avaient toutes peur, une peur basée sur des rumeurs ridicules, mais quand même. Personne de la gent féminine ne le contredisait, ce qui était vraiment ennuyeux. Elena elle n’était soit pas au courant de la réputation faussée du jeune homme, soit elle s’en fichait éperdument. Et s’il commençait à la cerner correctement, elle s’en fichait.

- Non je ne vais pas te forcer, mais avant de claquer la porte, tu peux au moins me donner une chance ? Peut-être que nous pourrions être de très bons amis.

Il se sentait un peu stupide de lui demander de devenir son ami. Elena baissait les yeux. Elle avait l’air si triste et seule. Maura avait raison, elle avait besoin de quelqu’un. Alex n’était pas sûr d’être à la hauteur, mais il n’avait pas envie de la laisser tomber.

- Crois-moi, tu ne veux pas être ami avec quelqu'un comme moi.

- Quelqu'un comme toi ?

- S'il te plaît, pars. C'est mieux pour toi si je ne fais pas partie de ta vie.

Elle l’implorait du regard. Elena se sentait impuissante, comme lui s’était senti quelques années plus tôt. À l’époque où il avait eu l’impression qu’il n’y avait pas de lumière au bout du tunnel. Alex s’était senti seul et incompris, et il avait eu l'impression qu'il n'y avait pas d'issue pour lui. Elena ressentait la même chose. Il ne voulait pas qu'elle se sente comme ça. Alex voulait répondre, mais un bruit étrange venait du couloir. Elena écarquillait les yeux et se tendait comme un arc. Des bruits de pas irréguliers s’approchaient de la chambre. Un homme de taille moyenne qui devait avoir la quarantaine entrait dans la chambre en titubant. Il empestait l’alcool. Alex jetait un coup d’œil vers la jeune femme, mais Elena était incapable de réagir.

- Te voilà ! l'homme bafouillait. La plus grosse erreur de ma vie. Regarde-toi.

Alex sentait son sang se glacer. L’homme se rapprochait de la jeune femme et Alex se plaçait entre eux avant d’avoir eu le temps de réfléchir. Quelque chose en lui criait de ne pas laisser ce type s'approcher. Si Elena était paralysée par la peur, elle devait avoir une bonne raison. Alex se forçait à sourire et tendait la main. L’homme levait les yeux vers lui, le regard confus, mais acceptait sa main.

- Bonjour, je suis Alex.

- Frank.

Frank quittait la chambre sans ajouter un mot. Alex se retournait vers Elena pour voir comment elle allait. Elle essayait de se montrer forte, mais Alex voyait à quel point ses mains tremblaient. Il ne savait pas quoi dire pour briser le silence. C’était comme s’il venait de se faire aspirer dans les malheurs de cette famille. Peut-être qu’Elena avait eu raison, il aurait dû partir. Mais maintenant qu'il savait ce qui se passait ici, il ne pouvait plus partir comme si de rien n’était.

- Voilà pourquoi je ne voulais pas que tu viennes ici.

- Je suis désolé.

- Pas autant que moi.