Chapitre 10
Idris resta silencieux jusque devant la majestueuse porte. Là, il se tourna vers moi :
- Une servante va vous conduire à cotre chambre, je vous reverrai au repas du soir.
Sans plus de cérémonie, il rentra en entrouvrant à peine la porte, m’empêchant de le suivre à l’intérieur. Je restai stupéfaite devant ce changement de comportement, ne bougeant pas d’un pouce jusqu’à ce que j’entende un léger toussotement derrière moi. C’est en sursautant que je rencontrai Tiphaine, servante d’une cinquantaine année. Elle me fit aussitôt penser à la bonne matrone des cuisine, mais en plus mince. Elle salua puis m’indiqua une plus petite porte, à ma gauche.
- Seul les maîtres peuvent passer par la Porte, dit-elle avec un léger dédain. Le seigneur, sa future épouse, et les grands seigneurs qui lui rendent visite.
- Je suis pourtant une noble dame, répliquai-je, vexée.
La matrone sourit :
- La seule femme à pouvoir y entrer sera la maitresse de maison. Bien, je suis Tiphaine, je m’occuperai de vous pendant votre séjour. Venez Demoiselle.
Je haussai les épaules, à la fois décontenancée et totalement indifférente.
- Je vous suis Tiphaine, je suis Cassandra.
Nous rentrâmes par une petite porte de service et je fronçai les sourcils : si c’était bien par là que passait les nobles dames, soit le couloir, exigu en plus, était rafraichi et décoré avant leur visite, soit le seigneur Idris faisait preuve d’un véritable mépris pour les femmes.
Je ne comprenais plus rien : il s’était montré amical, voire gentil peu avant et voilà que j’avais l’impression de rentrer chez un macho tyran. Je me faisais sûrement des idées. Le soir, j’allais le voir au repas et je pourrais ainsi lui poser quelques questions.
La chambre qui me fut attribuée était par contre magnifique : une baie vitrée (depuis quand cela existe au Moyen-Age ??) en face de laquelle se trouvait la porte. Sur les côtés, un mur avec une bibliothèque bien fournie, un autre avec un superbe lit baldaquin deux personnes, un troisième avec un bureau et enfin, un sixième, ne contenant « que » deux portes donnant sur deux autres pièces : la salle de bain et ce que je supposai être un dressing.
- C’est la première fois que je vois une pièce hexagonale. Généralement il n’y a que quatre murs, m’étonnai-je.
- Le maitre aime surprendre ses invitées, dit-elle, stoïque.
Je souris, ne comprenant pas pourquoi cette réaction. Cette pièce me plaisait, surtout la bibliothèque et le dressing (je restais une femme après tout, laquelle refuserait une pièce de cinq mètres carrés remplies de vêtements, chaussures, accessoires et maquillage ?)
- Comment fais-je faire pour trouver une robe là-dedans ? rigolai-je, grisée. Je m’y perdrais pendant des jours !
- Un servante va vous choisir une tenue chaque jour, en fonction de vos préférences. Une autre s’occupera de vous coiffer et maquiller. Enfin, une autre m’aidera pour votre ménage et vos ablations.
- Tout ça ? Je veux dire j’ai aussi quelques servantes, mais à ce point. Généralement c’est …hum... Ginette qui s’occupe de la partie vêtements et … Marie du ménage.
Tiphaine parut tout sauf crédule. Je grognai :
- Quelle genre de servante êtes-vous ? Que je sache directement à quoi m’en tenir.
- J’ai toujours été servante de maison, Demoiselle. Vous perdriez voter temps à essayer de m’impressionner, sourit-elle.
Je relevai un sourcil : comment avait-elle fait avec une telle impertinence ? Je n’étais certes pas familière à une hiérarchie aussi marquée, mais tout de même.
- Bien, que désirez-vous mettre ce soir, au repas ? Le maitre aime généralement quelque chose montrant votre personnalité au premier repas.
Je souris, m’imaginant venir en armure avec un parchemin sous le bras.
- Quelque chose de sobre, simple et raffinée à la fois, dis-je, songeuse. Je dirais bleu roi –comme je porte -, manches moyennes. Et surtout un décolleté pratique pour manger. Je veux respirer –pas de corset – mais je ne tiens pas à avoir l’air d’une catin dès que je me pencherai.
Tiphaine releva un sourcil, sourit, et acquiesça :
- Comme vous le désirez Demoiselle. Si vous avez besoin de quelque chose, ajouta-t-elle, la cloche pour m’appeler se trouve ici.
Elle désigna un endroit à gauche du lit. Là, pendait une antique cloche, entièrement dorée, qui devait tenir dans la paume. Elle était tenue écartée du mur par une pièce en bois très joliment décorée, et le fil qui montait jusqu’au plafond avait toute sorte de reflets dorés. Décidemment, Idris savait faire grande impression.
- Je ne comprends pas, dis-je en me retournant vers Tiphaine, qui attendait sagement derrière moi, pourquoi une suite si luxueuse alors qu’on doit prendre la petite entrée négligée ?
Ma servante se raidit, mais répondit d’une voix égale :
- Le maitre répondra à vos questions ce soir, lors du repas. Si vous avez encore besoin de moi, n’hésitez pas à m’appeler de jour comme de nuit.
Sur ces mots, elle se retira, me laissant stupéfaite, pour la je-ne-sais-trop-quantième-fois de la journée.
- Super, murmurai-je, j’ai au moins quatre heures d’ici au repas, voyons ce que cette chambre me réserve.
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