4 - Scellé
- Ça suffit ! hurla Cathie qui était restée à l'écart.
Émilien sursauta et lâcha les documents qui s'éparpillèrent de nouveau sur le sol.
- Je crois que Lucien essaie de nous dire quelque chose. Écoutons au moins ses explications, ajouta la jeune fille.
Tous les regards se rivèrent sur celui qui attisait tant d'animosité. Ses cheveux mi-longs traînaient dans la boue, de même que ses vêtements troués. Malgré son apparence pitoyable, ses prochaines paroles allaient être décisives quant à l'issue de cette dispute. Il n'avait plus droit à l'erreur.
- Lorsque j'ai découvert l'existence de la magie à la bibliothèque, commença-t-il, j'étais comme vous. J'avais très peur des représailles. Je commençais à peine à écrire que mes mains tremblaient par crainte d'être découvert. J'ai appelé cela de la calligraphie, puisqu'il me fallait recopier à l'encre noire les symboles pour activer des sorts. Au fil du temps, j'ai compris que la calligraphie n'avait rien de néfaste. Bien au contraire ! C'est, selon moi, une bénédiction. Je ne sais pas comment elle fonctionne, ni quelle entité exauce les vœux que je formule sur les parchemins. Mais une chose est sûre : cette entité, si elle existe, ne nous veut aucun mal.
Les quatre s'échangèrent un regard pantois. Ils ne semblaient pas convaincus par ces explications.
-Si je continue dans cette voie, c'est pour sauver nos familles. Vous savez tous que si le seigneur de Villeveïnys ne supprime pas ses banalités seigneuriales, la famine nous emportera tous au village, à l'exception des gens du clergé, riches. Je n'ai rien contre vous, Annie, Cathie. Mais votre famille nous apauvrit elle aussi, et vous n'y pouvez rien. Si j'ai quand même choisi de faire tout ça… c'était dans le but de trouver un moyen de nourrir tout le monde.
Lucien se recroquevilla un peu plus sur lui-même. Une larme coula le long de sa joue, sa poitrine se serra et ses mots se firent plus douloureux.
- Cependant… aussi bonnes mes intentions soient-elles, j'ai le sentiment… que je ne recevrai que de la rancœur en retour.
À ces mots, Annie se rua sur lui et lui prit la main.
- Ne dis pas ça ! Moi je te soutiendrai, dit-elle.
- C'est vrai que ta famille a beaucoup souffert, ajouta Cathie en posant sa main sur l'épaule de Lucien. Il est difficile pour nous de comprendre ce que vous vivez, mais je pense que ta cause est bonne. Cependant, il doit y avoir un autre moyen que de désobéir au royaume…
La magie, si elle existait bel et bien, aurait été scellée par le précédent roi, Siméon II. Ce dernier avait décrété que quiconque s'en servirait serait traité comme un sorcier ; brûlé vif, ainsi que tous ses complices, à l'exception de celui l'ayant dénoncé. Charles, se rappelant de cette loi, s'énerva :
- Tu veux garder ta magie pour toi, c’est ça ton objectif ? Tu veux faire de nous tes témoins afin qu'on te protège, et qu'on ne te dénonce pas ? Tu te sers de nous et tu manipules les jumelles ?
- C'est faux. Je ne veux pas garder tout ce savoir pour moi. Chacun d'entre vous peut apprendre à écrire, puis à faire de la calligraphie. Ce n'est pas aussi dur qu'on nous le fait croire, dit Lucien.
-Nous aussi, on sait écrire, dit Cathie. Mais je n'avais jamais vu de tels symboles...
Seul Émilien ne se positionna pas dans cette conversation. Sceptique, il avait compris que Charles avait changé d'avis car il ne supportait pas de voir Cathie soutenir un autre que lui. Il n'agissait plus avec sa tête, mais avec ses émotions. Ses paroles, à elles seules, trahissaient sa jalousie.l Émilien ne se positionna pas dans cette conversation. Sceptique, il avait compris que Charles avait changé d'avis car il ne supportait pas de voir Cathie soutenir un autre que lui. Il n'agissait plus avec sa tête, mais avec ses émotions. Ses paroles, à elles seules, trahissaient sa jalousie.
- Il faut retrouver le soldat de Villeveïnys avant qu'il ne soit trop tard, conclut le jeune homme après ce court moment de réflexion.
Lucien tenta de se lever, mais son corps semblait s'enfoncer un peu plus dans la terre à chacun de ses mouvements. Un poids immense et totalement incompréhensible appuyait sur sa poitrine et une envie insatiable de tousser le démangeait.
- Allez-y sans moi.
- Enfoiré ! Tu nous mets tous en danger et c'est nous qui devons te sauver la mise ? beugla Charles.
- Tu n'avais qu'à pas l'étrangler comme ça, le sermonna Cathie, lui fermant sa grande bouche pour de bon.
- Faisons ce qu’il dit pour l’instant. On lui bottera les fesses ensuite, dit Émilien pour calmer le jeu.
- Tu me le payeras, Lucien !
Charles et Émilien partirent en courant en direction de Villeveïnys, s'enfonçant encore plus dans l'épaisse couche de vert. Annie et Cathie restèrent auprès de Lucien suite à un accord silencieux entre les cinq de ne pas mettre deux jeunes filles davantage en danger.
- Ça va aller ? chuchota tendrement celle qui était restée agenouillée.
- Oui, merci, Annie.
-Il faut le ramener, dit-elle à sa sœur.
- Oui… souffla Cathie.
Non loin de là où ils s'étaient bagarrés, un homme tapi dans l'ombre murmura : « intéressant… ».
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