Le conteur - 7 (V 2.023.10)
« La comtesse Nnn… attend-elle un enfant ? s’enquiert Maebd.
— Quelle perspicacité Bandrui !
— Je n’ai guère de mérite. Dans notre noblesse, peu nombreuses sont celles qui se réclament de la tradition matriarcale. Une seule est assez puissante pour la vivre aussi pleinement, depuis l’arrivée de nos alliés en Shannon ! raille-t-elle.
— Merci pour votre discrétion.
— Anaṅga, je vous taquinais, imitant vos hésitations pour que vous sachiez que je suis moi-même une experte de l’oral. Quant à la discrétion, Shankar… Une comtesse, qui séjourne à Alexandia, y fréquente l’auberge du port, possède un domaine à Fiume…
— Sajjan, au moins la moitié des personnes assises autour de cette table ont compris, qui porte ton enfant, car elle a bien ce bonheur, n’est-ce pas ? l’interrompt la reine.
— Oui majesté. Oui Maebd. »
Je la regarde, elle sourit, acceptant d’un battement de cils cette familiarité.
« J’ai pu lire, sur le papier pelure, qu’elle attendait “un heureux évènement” selon ses mots, précisant que “mes visites seraient les bienvenues” ; elle y ajoutait des souhaits de réussite pour mon périple et mon retour dans mon monde.
» L’intendant me reçut avec courtoisie, il s’enquit de mes besoins, je lui expliquais la destination de notre expédition, lui spécifiais qui est mon compagnon de voyage, et que nous devions impérativement être ici aujourd’hui. D’une grande efficacité, l’après-midi même, il m’annonçait avoir trouvé un navire dont l’équipage accepterait le loup à bord. Il m’indiqua qu’en cette saison, il faudrait cinq jours de mer pour arriver en Alastyn, me conseilla de passer trois jours à Fiume, afin de débarquer en Alastyn le jour du solstice. Puis, il ajouta que la résidence étant en périphérie de la ville, mon partenaire pouvait y séjourner. Selon les ordres de la comtesse Niamh… »
Cette fois, la reine se joint à Maebd dans son approbation, je reprends :
« … l’intendant avait payé le capitaine pour les jours d’attente à Fiume, la traversée, l’escale en Alastyn, et le retour. Il y a six jours, je montai sur le pont, fis mettre le cap sur l’anse à cinq lieues au nord, où une barque et deux rameurs me permirent d’embarquer Bhediya.
» L’équipage n’étant pas à l’aise en présence de mon compagnon, il ne quitta pas la cabine pendant tout le voyage, je n’en sortis que pour prendre l’air. Nous sommes arrivés hier, le bateau est mouillé à un ponton situé dans une petite crique à l’est du pied de la rampe, nous sommes restés à bord jusqu’à ce matin.
— La crique des contrebandiers, précise le roi, Chandra ! Veuillez partager la fin de notre repas !
— Maebd, Scáthach, vous lui ferez bien une place entre vous ? Aífe, inutile de protester, si je ne me trompe, vous y avez déjà goûté ! intervient la reine, provoquant des éclats de rire. Méfiez-vous Sajjan, j’en ai entendu murmurer à ce coin de la table.
— Qu’avez-vous ouï, majesté ?
— Certaines prétendent en remontrer à Mélusine. »
Scáthach se lève.
« Même à Felurian ! »
Nouvelles rafales de rires.
Alors que je prends place là où l’on m’y a invité, le roi reprend :
« Pourquoi êtes-vous ici ?
— J’accompagne Bhediya !
— Que désire-t-il ?
— Une audience !
— Avec qui ?
— Je ne sais pas !
— À quel sujet ?
— Je ne sais pas !
— Pourquoi aujourd’hui ?
— Je ne sais pas !
— Sergent Seaghdh !
— Oui sire ?
— Amenez Bhediya !
— Oui sire ! »
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