Magie - 2.1 - भेड़िया
Enfin seul !
Enfin presque, parce que tu es là, toi. Ce n’est pas un reproche, je te retrouve toujours avec plaisir. Mais à chaque fois que je sors de la tanière que j’ai établie dans ta tête, tu te trouves dans ce monde virtuel. Or dans ce monde, seule la magie des mots est opérante. Je vais donc devoir te mettre à contribution, afin que tu puisses tout appréhender.
Chandra a évoqué le rut, cela te semble inapproprié, mais ça ne l’est pas tant que tu le penses. Le rut chez les mâles n’existe qu’autant que les femelles de la même espèce sont elles-mêmes fécondes ; or la synchronisation de l’œstrus chez les femmes a disparu depuis une éternité – elle ne subsiste parfois qu’entre femmes très proches les unes des autres, rarement plus de deux ou trois –, mais la manipulation à laquelle je me suis livrée consiste justement à le provoquer chez toutes celles présentes dans le palais.
Néanmoins, il aura fallu un discours fastidieux pour venir à bout de l’urbanité du couple royal et de ses hôtes.
Comme tu l’as vu…
Non, pas toi qui n’as pas daigné me confier ton nom.
Oui, toi qui fus assez intrépide pour me le révéler, tu as remarqué que l’alignement commencera à quitter notre hémisphère céleste à peine plus d’une heure après le coucher du soleil. Il ne sera donc observable que pendant cette courte durée.
Bon ! je vais être franc avec toi, l’observation n’est qu’une excuse. Ce n’est pas que contempler cette configuration exceptionnelle soit sans intérêt, mais je suis venu ici dans un but précis et il est indispensable à mes projets que les rayons émis par ces planètes alignées convergent dans la salle des incantations, au début de...
Si tu avais commencé alors que l’alignement était au zénith du dôme, les radiations auraient été plus puissantes ! penses-tu.
Ha ! tu crois tout savoir. Ne rêve pas ! Tu ne connais que bien peu des choses de la magie.
D’abord, à 13 h 45 je n’avais même pas encore été reçu en audience. Bon, d’accord, cela n’a rien à voir avec la magie, mais avant d’obtenir l’accord du roi, impossible de me rendre dans cette salle. Je te rappelle qu’être dans ce palais, c’est être entre les anneaux d’un constrictor : Anthéon peut à tout moment broyer entre ses pierres, toute créature suffisamment isolée pour qu’elle puisse l’être sans faire de victimes collatérales.
De plus, j’ai expliqué en quoi ce moment est unique : la concomitance (1) de l’alignement des planètes, du solstice et de la pleine lune. Tous ces éléments sont primordiaux pour la réalisation de ma grande œuvre. Or les deux derniers ne se sont pas encore produits. Il y a d’autant moins urgence que les dômes superposés sont conçus de façon à faire converger au centre des salles – des incantations et de l’oracle – les irradiations où que se situe leur source dans l’hémisphère céleste. Par magie, le rayon atteint le centre du cercle formé par le tambour au niveau du toit sans subir la moindre réfraction. Là, quel que soit son angle incident, il est réfracté avec un angle nul, soit verticalement.
Je résume pour toi qui n’as pas lu « Les 13 Merveilles du Monde », et pour toi qui bien que l’ayant lu en as oublié l’essentiel.
• Les Dômes du palais sont composés de quatre éléments en cristal, surmontés d’une flèche en bronze.
○ Le dôme intérieur est une section de sphère, de huit toises et trois coudées de rayon, haute de six toises. Il traverse le toit, c’est lui que l’on voit en regardant le plafond lorsque l’on est dessous.
○ Le tambour est une section de cylindre, son rayon intérieur est également de huit toises et trois coudées, il repose sur le toit où il entoure le dôme intérieur. Il est haut de quatre toises et épais d’une coudée, ce qui porte son rayon extérieur à neuf toises.
○ Le dôme extérieur repose sur le tambour, il est galbé – on dit bulbeux –, haut de quinze toises et deux coudées. Son rayon varie selon la hauteur, de neuf toises à sa base, à neuf pouces au sommet en passant par neuf toises quatre pieds deux pouces et six lignes au plus large – à quatre toises trois pieds un pouce de haut.
○ Son sommet est recouvert d’une fleur de lotus inversée, en cristal ambré.
○ La flèche est composée d’un mât, d’un diamètre de neuf pouces et haut de deux coudées, coiffé d’une sphère d’un rayon d’une coudée.
• Le tout s’élevant à vingt toises et deux coudées au-dessus du palais – à croire qu’Anthéon et les siens avaient oublié la sphère dans leurs calculs, mais chut !
Si tu souhaites en avoir une idée plus précise, tu vas devoir suivre mes instructions : surligne le texte entre crochets, fais un clic droit et sélectionne “Ouvrir le lien dans un nouvel onglet”, puis reviens ici lorsque ta curiosité sera satisfaite [ https://1.bp.blogspot.com/-j-RuTfmPywY/YGsky1hLoRI/AAAAAAAABCM/tmjvYQ9hOq4RqQvFyYGE3xHtrQzxFLcugCNcBGAsYHQ/s0/dome-rayons.gif ].
Hé ! Vous suppléez votre faible compétence magique par d’étranges procédés qui génèrent un vocabulaire bizarre. Si l’un de mes contemporains prononçait une telle phrase... ? Le pauvre !
Tu l’as dans l’œil ? L’image, pas le dôme ! Oui, je continue : ces dômes, comme le reste du palais, ont été réalisés par magie. En conséquence, chacun est la parfaite révolution d’un profil autour de son axe central, ce qu’aucune construction humaine n’est capable de faire (2).
Absolument identiques, leurs axes de révolution – parfaitement alignés dans l’axe est-ouest – sont distants de trente toises.
Chacun s’interpose entre une partie de l’hémisphère céleste et l’autre.
En fait, ce ne sont pas tout à fait tous les rayons qui sont déviés ! Pour être exact : il s’agit des irradiations où que se situe leur source si elles ne sont pas interceptées par l’autre dôme.
Comme je suis dans un jour de grande bonté, je te fais grâce des calculs, mais pas du raisonnement, il ne faut pas exagérer.
Les coordonnées azimutales d’un objet céleste se composent de deux valeurs en degrés :
• l’une, l’élévation, définit la hauteur de l’objet, 0° représente l’horizon et 90° le zénith,
• l’autre, l’azimut, indique la direction en prenant le nord pour origine. L’est est à 90°, le sud à 180°, l’ouest à 270° et le nord à 360° (ou 0°).
Un dôme fait obstacle à la réception des rayons par l’autre à des coordonnées dont :
• l’angle d’élévation varie en fonction de la hauteur de l’obstacle et de la distance entre celui-ci et le point de réfraction, c’est-à-dire l’écart entre les axes de révolution.
• l’azimut varie en fonction de cette même distance et la largeur de l’obstacle.
Dans ton passé, un certain Napoléon aurait dit qu’un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. Et un certain Picasso aurait réuni dans un même plan face et profil. Je me suis inspiré des deux.
Aussi je te mets de nouveau à contribution : surligne le texte entre crochets, fais un clic droit et sélectionne “Ouvrir le lien dans un nouvel onglet”, puis reviens ici lorsque ta curiosité sera satisfaite [ https://1.bp.blogspot.com/-WVzHBXmhmbE/YHhp8BmRYxI/AAAAAAAABFU/huwRjAzTVsUyCbCJWnzB_E6Z3qI612UxQCNcBGAsYHQ/s0/dome-ouest.gif ]. Époustouflant, n’est-ce pas ?
Bien évidemment, c’est réciproque. Le dôme-est empêche les rayons des objets célestes situés aux mêmes élévations et largeurs, mais autour de l’azimut 90°, d’atteindre le dôme-ouest.
Non, oui, mais non !
Oublierais-tu que je suis dans ta tête ? Je connais tes pensées :
Tu n’as pas complètement tort.
Oui, bien que l’hémisphère céleste du nadir soit représenté sur son sol, ce sont bien les objets de celui du zénith qui irradient le dôme-ouest. La magie a des limites, même ici et malgré cette configuration astrale exceptionnelle.
Mais non, il ne me suffirait pas de me rendre dans la salle de l’Oracle. Effectivement, le dôme-est n’y masque pas les objets célestes situés à l’ouest, mais je t’ai déjà parlé de l’importance des noms. Les mots sont importants, ils ne sont pas interchangeables. Quant aux noms, ce sont les clefs qui ouvrent les possibles.
Or moi, les oracles ne m’intéressent pas. Connaître le futur, c’est comme lire un livre dont on a déjà lu la fin. Certains le font, me diras-tu. Je ne dis pas que c’est sans intérêt, je dis que cela ne m’intéresse pas.
J’ajoute que la connaissance d’un futur inéluctable quoique improbable est totalement inutile. Tu te souviens du dire de Dana ?
Nul ne peut changer le futur, toute tentative qui semble avoir réussi a en réalité créé un point de divergence faisant naître un nouveau monde, ou plusieurs. Le futur du monde d’origine est inéluctable.
Un oracle est la conséquence d’une infinité de paramètres. Que tous soient identiques – qu’aucun ne varie de ton fait ou de celui d’une autre créature, voire d’un événement fortuit – dans un autre des innombrables mondes qui existeront quand il se réalisera dans celui où il est inéluctable est hautement improbable.
Alors que pour atteindre mon objectif, je dois pratiquer des incantations.
J’aurais sans doute dû commencer par répondre à ta première remarque, mais cela aurait coupé court à notre passionnante discussion. Non, je n’ai aucun besoin de changer de Dôme, car s’il se couche bien à l’horizon, le soleil ne se couche à l’ouest qu’aux équinoxes. Quoique à l’ouest, oui, mais à l’équateur. Parce qu’à la latitude d’Alastyn c’est au-delà de l’azimut 271°, mais je ne chipoterais pas pour moins de 2°.
Tu sais qu’en raison de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport à l’écliptique, du solstice d’hiver au solstice d’été, le soleil se lève et se couche chaque jour plus au nord que la veille ; et du solstice d’été au solstice d’hiver, chaque jour plus au sud que la veille.
Aujourd’hui, la course du soleil l’a amené derrière le Dôme-ouest à 16 h 32 min, il réapparaîtra de l’autre côté à 18 h 17 min, c’est-à-dire dans quelques secondes.
Attention à mon claquement de doigts…
Oups, j’en suis dépourvu ! Ce qui n’a pas arrêté la rotation de la planète.
Les rayons du soleil frappent à nouveau le dôme-est et cela jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement derrière l’horizon à moins de 4° du nord-ouest quelques secondes après 20 h 21 min.
Regarde : surligne… clic droit… nouvel onglet, puis reviens ici… [ https://1.bp.blogspot.com/-1HsUKhaRNsw/YHqO1Ok9SfI/AAAAAAAABHg/rRj05P8stPoZrcUDzpflJU7Q6blJfO-2ACNcBGAsYHQ/s0/course_soleil.jpg ].
Tu te rappelles qu’aujourd’hui les planètes alignées le suivent de plus d’une heure à moins de deux.
Je m’aperçois que je t’entretiens depuis un certain temps de salles dont j’ai omis de t’informer des particularités. L’une comme l’autre sise sous un dôme est semblable à un cylindre creux posé verticalement sur le sol, elles sont dépourvues de plafond et de porte. Leur mur circulaire est prodigieux, bien qu’il soit opaque, il n’entrave en rien l’observation – par ceux qui se trouvent à l’extérieur – de la représentation du ciel située à l’intérieur de la salle ni même sous lui.
Ah oui, je dois te dire que si les personnes accréditées à se déplacer par “téléportation” – j’ai trouvé ce mot dans ta mémoire, associé à “Star Trek” et en cherchant plus profondément, aux Ā d’Alfred E. van Vogt – le font en appliquant la main sur le sigle adéquat ; il est absolument hors de question que je me dresse sur les postérieurs pour appliquer les orteils d’une de mes pattes avant à l’endroit voulu. Il me suffit donc de la souhaiter pour me “téléporter”.
Fort de l’autorisation d’accéder à certaines parties du palais, que Liam et Anthéon m’ont accordée, je me téléporte donc dans la salle des incantations.
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Mes Notes :
1) À l’échelle de l’univers (le temps et l’espace sont des notions indissociables).
2) Dans ton monde, le Taj Mahal est vanté pour sa symétrie. Pourtant, son dôme – probablement inspiré par le récit qu’aura fait Chandra de son séjour ici – quel que soit l’angle sous lequel on l’étudie, même si cela ne se voit pas à l’œil nu, il ne l’est jamais.
Pour toi qui n’as pas lu « Les 13 Merveilles du Monde » :
Les deux pièces sises sous les dômes se trouvent au-dessus du hall du palais, lequel est profond de vingt-six toises, large de cinquante-sept toises et deux pieds et haut de quinze toises.
Séparées par une cloison dépourvue d’ouverture, elles sont de même profondeur que la sienne. Chacune est large de vingt-huit toises deux coudées et trois pouces*, toutes deux sont hautes de deux toises et trois coudées.
La salle des incantations est implantée au centre de celle de l’est, exactement sous le dôme. Circulaire, le diamètre extérieur de son mur – haut d’une toise et deux coudées – est de neuf toises. Il en est de même pour la salle de l’oracle dans celle de l’ouest.
* Calcule l’épaisseur du mur toi-même.
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