Ricochets - 4 - भेड़िया alias Menskr

8 minutes de lecture

Oui, bon, arrête d’exulter, ce n’est pas un exploit, non plus. Ce n’est pas parce que Chandra, qui m’appelle Bhediya, n’a pas compris quand je me suis présenté à lui sous le nom de Menskr, que c’était difficile à comprendre.

Ce n’est pas comme si dans un éclair de génie, tu m’avais reconnu en voyant une ravissante brune à la peau hâlée et aux yeux myosotis, se présenter sous le doux nom de Mareva. Attention pas habillée d’un paréo et d’une fleur de tiaré à l’oreille droite – cela t’aurait semblé trop étrange – mais vêtue à la mode shanyloise. Gageons que Maebd m’eut dans ce cas trouvé une tenue plus seyante que celle de guerrier, un peu juste pour moi, qu’elle me fit porter hier matin après avoir quitté sa chambre.

Pourquoi serait-ce impossible ? Dois-je te rappeler que Loki se transforma – entre autres – en jument, porta le fruit d’une saillie et mit bas ?

Son sang coule dans mes veines. D’ailleurs, quand je me mire dans l’eau du bassin… Tu ne l’as pas connu, mais crois-moi, c’est évident.

Comment ça, je ne sais pas plus que toi à quoi il ressemblait ?

Ah ! Je ne t’ai pas dit ? Sous cette forme, une porte s’est ouverte. Mémoire génétique ou vanité ?

Mais pourquoi suis-je en train de discuter avec toi ?

Je suis allongé nu sur le lit, je regarde le plafond. Tu ne peux pas concevoir comme c’est étrange de contempler un plafond. Mon esprit vagabonde, je pense à ce qui s’est produit depuis ma métamorphose, avant-hier. Contre ma hanche, le bas du dos de Maebd bouge légèrement. Heureusement que je suis sur le dos, non pas contre le sien. Je n’aurais pas dû avoir cette pensée…

∞∞∞

Maebd est au bain. T’es encore là, toi ! Tu n’as pas regardé, au moins ?

Je plaisante ! tu ne sais de moi que ce que je t’en dis. Parmi les nombreuses créatures dans le cerveau desquelles j’ai une tanière, tu es celle que je préfère. Alors, je vais tenter de répondre à tes questions.

Oui, j’aurais pu me transformer en femme, mais je ne pense pas que j’aurais pu garder cette forme suffisamment longtemps pour mener à bien mon projet.

Hé ! Que d’informations !

Mon changement n’est pas définitif. Je ne sais pas combien de temps je resterais incarné en humain. Cette transmutation n’est pas mon objectif, ce n’est qu’un moyen. Atteindre mon but m’aurait demandé plus de temps dans un corps féminin que dans une enveloppe masculine.

Cinq infos en une phrase ! Quand je pense que certains prétendent que je parle pour ne rien dire. Le pire, c’est que sous cette forme, je ne peux pas leur faire remarquer qu’ils affabulent, car j’en ai la faculté.

Si, si, cinq ! La cinquième est implicite dans l’exposé de la quatrième.

De plus, il y a bien des années, le rôle de Maebd fut annoncé.

Souviens-toi de ce jour de la Subhachas Imbolg à Bealach na Sgairde, ton mhaighstir a dit : « tu es maintenant une fàidh, qu’une grande destinée attend ». Cela ne t’est pas réellement arrivé. Je t’ai implanté un souvenir de Maebd.

Autre question ?

Ah ! Oui, bien sûr. Non, je ne me transformerai pas en homme à chaque pleine lune, je ne suis pas un humain-garou ! Je suis le descendant de Loki, fils d’un Jötunn et d’une Asyne.

Je t’ai parlé de mémoire génétique. Je n’évoquais pas celle des œuvres de fiction, permettant l’accès aux connaissances de ses ancêtres. Je faisais référence à celle des gènes.

Fenrir a transmis tous les gènes de Loki à Sköll, qui les a légués à Sigr, ainsi de suite jusqu’à moi.

Ne me demande pas pourquoi et comment. Quoique, si pour le comment – dont je me soucie comme de ma première mue – je n’en ai aucune idée, en revanche j’en aie une assez précise du pourquoi.

Même si cela me permet ce moment, ce n’était sûrement pas son objectif. Évidemment, ses gènes ont permis cette métamorphose, mais il fallut également une configuration astrale exceptionnelle, ajoutée à un lieu extraordinaire ; et enfin ma modestie dut-elle en souffrir – ne fais pas de commentaire –, une incantation prodigieuse.

Je soupçonne mon ancêtre, feu la divinité, d’avoir envisagé sa réincarnation à l’identique. Quand ? Comment ? Pourquoi ? Trois questions que je ne me pose pas. Ce qui ne m’a pas empêché de prendre certaines dispositions destinées à lui interdire de dévoyer mon projet à son profit.

Plus de questions ?

Non ! Alors, je te résume :

À la fin du decrescendo de ma seconde incantation, sous la forme de Bhediya je disparus de la salle des incantations. Au même instant, j’apparus sous la forme de Menskr devant la porte de la suite de Maebd. Fort heureusement, à cette heure pas si tardive que cela, personne ne m’a vu, hormis Maebd quand elle m’a ouvert sa porte. Bien qu’elle m’attende, imagine sa surprise.

Elle m’attendait, mais elle ne savait pas à quoi s’attendre, sûrement pas à un homme nu. Elle mit plusieurs secondes avant de réaliser. Puis son sourire s’épanouit, ses yeux pétillèrent et elle me fit entrer…

Après avoir longuement échangé, nous nous endormîmes.

Pardon, après avoir longuement parlé, je n’ai pas l’habitude, mais je parle. Bien entendu, pour toi, ça ne change rien, vu que tu ne peux m’entendre.

Hier, nous fûmes éveillés par un serviteur du palais qui nous invita à nous rendre, à dix heures, auprès du bassin qui se trouve au milieu du hall. Liam ayant une communication à faire. Maebd s’y rendit seule, me demandant de la rejoindre dès que l’on m’aurait apporté des vêtements. Figure-toi que quelques minutes plus tard, sa camériste – aussi à l’aise que s’il n’y avait pas un inconnu nu dans la chambre de Maebd – m’aida à enfiler un uniforme d’officier shanylois, de la plus grande taille existante.

Oui, je sais le mot “enfiler” est, normalement, peu approprié, mais en l’occurrence c’est celui qui l’est le plus. Ce qui fit dire à la soubrette avec un sourire coquin :

« Cette tenue vous met en valeur monseigneur, la Bandrui va faire des jalouses, avant d’ajouter. Les couturières sont, elles aussi, conviées à la communication du roi. Dès que celle-ci sera terminée, je vous ferai confectionner des vêtements à votre taille. J’ai toutes vos mesures dans l’œil. »

C’est donc ainsi vêtu que je me rendis dans le hall. Celle que je cherchais du regard était en conversation avec ses amies druidesses. Je les rejoignis et embrassais passionnément Maebd. Un long silence s’ensuivit, la Bandrui riait sous cape, Scáthach et Aífe m’évaluaient comme deux maquignonnes en paillardises, leur compagnon était ravi de ne plus être le centre d’intérêt.

Sur ces entrefaites arriva un Chandra tellement perturbé que je pus me permettre de me présenter sous le nom de Menskr, facétie sans conséquence.

Bon, je croyais que tu n’avais plus de questions, mais elles se bousculent. Tant pis pour le cours de mes pensées.

Non, je n’ai pu ni lui révéler mon identité ni communiquer avec lui, hormis un très bref message destiner à expliquer mon absence.

Non, je ne lui ai pas soufflé la traduction de Menskr. Ce mot a été prononcé à plusieurs reprises pendant que je lui enseignais l’Edda.

Oublie un instant que ma présence dans ta tête a rendu mon existence familière, et essaie de te mettre dans la peau de n’importe qui. Pour l’instant, on va éviter Anthéon, j’ai, moi-même, du mal à imaginer son mode de pensée. Disons Liam par exemple : il s’est habitué à un loup télépathe, astronome et plus ou moins mage, qui lui a proposé son aide pour devenir père. De là à accepter que ladite créature se transforme en humain et batifole avec la Bandrui de Shanyl, il y a un pas de Jötunn. Que dis-je ? Un parsec, pour le moins !

Je ne peux, pas plus que toi, prévoir comment les humains, pur jus, réagiraient. Ce n’est pas que je les craigne, car même si je suis plus vulnérable dans ce corps inadapté au combat, je peux en persuader un nombre suffisant de donner leur vie pour moi et griller le cerveau de beaucoup d’autres.

C’est leur réaction envers Maebd et notre futur enfant que je crains. Je n’ai pas réussi à contourner l’unicité de descendant, engendrer l’inconcevable, pour qu’il soit proscrit.

Évidemment, il en va autrement du Palais dont je n’aurais jamais imaginé que la part d’animalité soit si importante, avant qu’il ne la trahisse, lorsque je transmis à Chandra de répondre à Niall que je chassais en forêt. Pour une fois que le despote se rend utile, je me dois de le mentionner.

Le stress fait réagir les créatures d’étranges façons.

Chandra qui se demandait pourquoi je n’intervenais pas fut si soulagé d’avoir une explication susceptible de répondre à son sentiment d’abandon, qu’il ignora les mots « dis-lui que » dans mon message et la limite, de quinze toises, au-delà de laquelle je suis censé ne plus pouvoir communiquer avec lui.

Quant à Anthéon qui manifestement spéculait sur ce que j’étais devenu, il semble que percevoir mon influx télépathique suffit à le rasséréner, même s’il fut trop bref pour qu’il puisse me localiser. Ha ! Je comprends ses craintes. Heureusement que tu es là, sans ta mémoire, je n’aurais jamais cru qu’il puisse imaginer une chose pareille. Une telle abomination serait-elle possible ?

Revenons à Chandra, j’ai, bien sûr, discerné le désarroi, je comprends parfaitement son angoisse. Là encore, c’est moi qui ai implanté dans ta mémoire le souvenir de Vasikari qui – alors que tu étais Chandra – te perçait l’oreille et y attachait le pendentif. Mais je ne peux mettre mon projet en danger pour quoi que ce soit.

Ce matin, la devadâsî doit être loin de ses pensées. Car hier soir, prises de compassion pour le malheureux, plutôt que de se le disputer, les reines guerrières décidèrent de s’unir pour le consoler, pour lui “remonter le moral”. Honnis soit qui envisagerait que les sœurs puissent s’être gamahuchées.

Les Shannonnais ont pris la mer hier. Je ne doute pas que la baronne Martô soit partagée entre le remords d’avoir soustrait son diamant à un Chandra endormi, la consolation d’avoir un objet à chérir, et la crainte que le despote découvre le bijou et le détruise.

J’ai hâte de retrouver ma forme lupine ! Tu vas me prendre pour un goujat, mais tu as tort. Ce n’est pas qu’humain, je m’ennuie avec Maebd, elle est délicieuse, intelligente, experte en… tu ne comprendrais pas. Mais il est indispensable que Bhediya réapparaisse aux yeux de tous, afin que nous puissions quitter Alastyn et nous préoccuper de récupérer la briolette.

Annotations

Vous aimez lire scifan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0