À la poursuite du diamant rose - 1.3 - भेड़िया
Moins pansue, plus légère, la caravelle s’était amarrée au quai marquisal la veille.
Depuis la crique où il m’attendait, Chandra admirait la silhouette noire de votre humble serviteur – dressé à la proue de l’esquif voguant sur une houle pailletée d’or – découpée sur le camaïeu mordoré du ciel dans lequel trônait l’astre diurne.
Comment ? C’est pompier et infatué !
Moi je me contente de te montrer ce que Chandra vit, le reste c’est ton interprétation. Quant à mon infatuation ? Bon, j’aurais pu prétendre qu’il admirait le coucher de soleil, mais il ne se couchait pas. Alors, tu me l’aurais fait remarquer.
Ça va ? Je peux continuer ? Merci !
Ah ! C’est le mot "admirait" que tu trouves outrancier.
Tu me déçois, ne suis-je pas admirable ?
Ma ligne élancée, mon pelage fourni, mon sourire étincelant, mes grands yeux captivants ; en un mot mon physique, n’est-il pas admirable ?
Ma courtoisie, mon amabilité, ma discrétion et MA PATIENCE que tu commences à épuiser ; en un mot mon caractère, n’est-il pas admirable ?
Ma nature : à moitié loup à moitié Loki ; mon essence n’est-elle pas admirable ?
Toi, à qui je me confie, n’as-tu aucune admiration pour moi ?
Ne réponds pas, je le lis en toi.
Revenons-en à Chandra, qui j’en conviens, est lui aussi admirable. Note bien, “lui”, j’y tiens.
Il souriait, Chaitali se tenait derrière lui, la gorge posée sur son épaule, la joue contre la sienne. Elle m’observait. La main de son maître vint lui caresser le chanfrein. J’ai raté les retrouvailles de ces deux-là, ça a dû être quelque chose.
Le duc avait prévu de séjourner une décade à Fiume. Aussi, à son arrivée en Alastyn, il avait ordonné au commandant du navire ducal – un langskip de vingt bancs de nage, cadeau de la mère de Scáthach et Aífe au père de Mael, le seul ne battant pas pavillon sgitheanach – de mettre le cap sur le fief de sa nièce, qu’il rallierait à bord de la caravelle de celle-ci.
Mais l’épidémie le contraignait, à rejoindre Raminia dans les meilleurs délais.
À peine sur le plancher des vaches, il fit ses adieux à la marquise ainsi qu’à Chandra et embarqua sur son bateau. Moins d’une heure plus tard, quarante hommes tiraient sur les rames.
Arguant de son devoir de reconnaissance envers ceux qui avaient pris soin de sa monture, Chandra déclina l’invitation de Teafa à venir en son palais, attendre la survenance de la caraque. Il se précipita à la résidence de la comtesse Niamh. Lorsqu’il se présenta devant l’intendant, celui-ci décela immédiatement la fébrilité qui l’habitait et en comprit la cause. Il le mena donc incontinent aux écuries, en chemin il lui rapporta que Chaitali avait très vigoureusement et avec obstination manifestée son refus d’être montée, elle acceptait d’être harnachée et sellée, mais s’opposait à la longe. Puis lui assura que chaque jour elle avait été pansée et correctement nourrie, précisa qu’elle avait travaillé tous les jours ; elle sortait, libre, avec l’un ou l’autre des autres chevaux, trottait, galopait, sautait également, à son côté ; souvent, elle travaillait deux fois dans la journée.
C’est quand son guide déclarait :
« Vous êtes incontestablement l’homme le plus envié par tous les préposés à la cavalerie. Bien qu’elle refuse toute carotte ou autre gâterie, tous l’admirent et l’adorent. »
Qu’un hennissement et le bruit des sabots annoncèrent l’arrivée de la jument autour de l’encolure de laquelle les bras de Chandra se refermèrent.
Il n’écouta que d’une oreille distraite les nouvelles de la comtesse que lui donnait maintenant celui qui administrait sa résidence.
Un jeune apprenti palefrenier, plus audacieux que les autres ou ayant misé plus qu’eux sur “Le pari”, approcha et tendit une carotte à Chandra ; lequel sourit, la coupa en morceaux dont Chaitali s’emparait chaque fois qu’il lui en présentait un. Des pièces changèrent de mains. Le garçon qui avait apporté la rave faisait des bonds en s’écriant : « Je l’savais ! J’l’avais bien dit ! À moi les picaillons ! »
Le rire du fils de Dalaja retentit, bientôt rejoint par le ricanement de la marwari.
Dès que le joyeux drille se fut calmé, Chandra le héla. Il allégua la nécessité de reprendre son voyage le plus rapidement possible, pour s’excuser de ne pouvoir accepter l’hospitalité que lui offrait son hôte. Celui-ci l’informa qu’il pourrait gagner plus d’une lune en embarquant à bord d’un bateau à Caladh beag pour accoster à Alexandia, ou à Haf bracch pour rallier Erestia.
Le prince de Jaipur le remercia et expliqua qu’il n’envisageait absolument pas de claustrer Chaitali sur un navire pendant près d’une décade. Il le remercia encore, puis demanda au jeune palefrenier de le mener au box de sa monture, il lui glissa une pièce pour l’avoir correctement traitée et comprise.
Il enharnacha la jument lui-même, se mit en selle et se rendit directement à la crique, où il dormit à la belle étoile appuyé contre elle.
Le lendemain, nous nous mîmes en route vers Alexandia, dans la forêt de Brucélionde c’est avec plaisir que je retrouvais ma meute. Nous avons donc repris nos habitudes : je chemine à ses côtés le jour, et la nuit…
Non, tu n’en sauras pas plus ! J’ai droit à une vie privée comme tout le monde, crotte !
¤¤¤
Notes de celui que Chandra nomme Bhediya :
1) Arrête de te moquer de ce pauvre intendant, c’est trop facile.
Sinon, je te contrains à lire les œuvres complètes de Sainte-Beuve, correspondance incluse. On verra bien après, si cet adverbe te fait toujours rire.
2) Non, je ne suis pas timoré, pas plus pudibond d’ailleurs. Encore une fois, c’est toi qui interprètes, je te montre une de mes fèces, mais c’est toi qui l’identifies à une crotte et non à autre chose.
Annotations