Les larmes d'une mère

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Vingt-six ans.

J’ai toujours su que je serai Maman. Aujourd’hui, j’ai très envie d’un enfant. C’est même bien plus qu’une envie : c’est un besoin ! Une sensation qui me tiraille. Une sensation dans mes entrailles.

Seulement, mon homme s’y oppose fermement : « Ce n’est pas le moment ! ». Et je sais qu’il a raison. Emploi, logement… les meilleures conditions ne sont pas réunies. Alors je ronge mon frein. Et je pleure.

Vingt-huit ans.

Les meilleures conditions sont maintenant réunies : nous avons emménagé dans une belle maison ; nous occupons tous les deux un emploi stable... Alors mon homme cède : « Allez, on y va ! ». J’éprouve une immense joie lorsque j’entends ses mots. Adieu pilule, bonjour calendrier menstruel. Et quel bonheur lorsque j’apprends ma grossesse quelques semaines plus tard.

Mais cette euphorie est de courte durée. Alors que le premier trimestre n’est pas encore terminé, je perds énormément de sang. Je refuse d’appeler qui que ce soit. Seule, je me rends à l’hôpital. J’ai peur. Je suis fébrile. Examen, échographie… le diagnostic tombe : fausse-couche. Je retourne à ma voiture. Seule. De toute façon, j’ai besoin d’être seule. Et je pleure.

Trente ans.

Je donne naissance à un petit garçon. Il aura fallu deux fausses-couches avant qu’un petit embryon ne s’accroche pour de bon. Le retour à trois s’opère dans une félicité sans pareille. Notre petit ange est si beau que je ne peux le quitter des yeux. Les câlins, les sourires, sa petite main qui serre mon doigt, les gazouillis, les premiers mots, les premiers pas… Autant de plaisirs à être maman.

Mais la maternité revêt aussi des côtés obscurs. Un allaitement ardu génère une culpabilité abominable. La fatigue s’accumule parce que les nuits sont courtes et entrecoupées de réveils fréquents. L’enchaînement des tâches ménagères, tournées de linges, confections de purées et compotes, rendez-vous chez le pédiatre… Autant de temps dont je ne dispose plus pour moi-même. Ajoutons les cris de ce petit être que parfois je ne comprends pas. Je suis épuisée. Et je pleure.

Trente-trois ans.

La nature est si bien faite qu’une femme oublie les difficultés des premiers mois de vie d’un nourrisson. Elle ne retient que les bons moments, les instants de joie, le bonheur éprouvé. Si bien qu’elle souhaite recommencer.

Une petite sœur est née. À la maternité, quand son grand frère entre dans la chambre, il n’a aucune attention à mon égard. Pas même un regard. Il fonce droit sur le berceau pour découvrir cette petite fille qu’il a tant attendue. Il lui sourit. Il lui parle avec une telle douceur. Il lui caresse le dos de la main avec une telle tendresse. Je suis terriblement émue par ce que je vois. Et je pleure.

Trente-sept ans.

Sept années à concilier vie pro et vie perso. Sept années à ne m’occuper que des autres. Je ne supporte plus les bruits et chamailleries des enfants. J’appréhende leurs réveils. J’aspire aux couchers. J’ai l’impression de n’avoir plus aucun plaisir à être maman. Ras-le-bol des conflits de couple aussi : éducation, maison, sexe… tout est prétexte à disputes. Je suis constamment sur les nerfs. Une envie : tout plaquer ! Mais je n’ai pas le droit. Je ne peux pas faire ça. Et je pleure.

Pourtant, le moindre bisou, le moindre dessin, le moindre câlin étire mes lèvres en un sourire attendri et bouleversé. Pourquoi cette dualité dans mes sentiments ? Je culpabilise. Et je pleure.

Dans quelques années.

Les enfants grandiront. L’adolescence apportera son lot de stress, de tracas, de réussites, de fiertés… Ils partiront en études. Ils fonderont leur propre famille. Et je pleurerai.

De Joie, de peine, de peur, de colère, de rire, de s’attendrir… Jamais ne s’arrêtent de couler les larmes d’une mère.

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