Journal de Marion
Cher Journal,
J'ai écrit à Karim, pour une fois j'ai pris mon courage à deux mains (et non pas à demain). J'ai affronté. Bien sûr, je n'ai pas pu lui écrire une longue lettre, comme j'aurais aimé le faire, profonde et dans laquelle je me dévoilerais. Je ne sais pas faire ça. Je progresse, je reconnais mon handicap émotionnel, cette carapace à laquelle je fais parfois appel et qui me protège, mais je ne suis pas encore prête à jouer cartes sur tables. J'ai compris des choses pour moi-même. J'ai compris cette année qu'à force de tout vouloir faire seul, on se retrouve seul. À force de ne pas exprimer spontanément ses émotions, nos amis oublient de nous demander si ça va. À force de ne pas vouloir utiliser ses relations pour trouver du travail, on se retrouve au chômage. Lorsqu'on ne dit pas à quelqu'un qu'on l'aime, il finit par croire qu'il nous laisse indifférent.
Pourquoi ai-je toujours besoin de mots des autres pour me sécuriser, alors que je suis moi-même dans l'incapacité de les donner ? Pourquoi les regards et les sourires ne suffisent-ils jamais à me rassurer ? Pourquoi n’ai-je jamais répondu à son mot, lorsqu'il m'a renvoyé ma culotte ? J’ai trop besoin qu’on m’aime, c’est comme ça. C’est ma guerre à moi. Contre moi. Contre les autres.
Je cherche cet amour inconditionnel, cette bulle des dimanches matin de mon enfance, l'odeur de la Ricoré, la poésie de Maxime Le Forestier, la douceur du carrelage chaud sous mes pieds nus, les après-midis jeux de société, la sécurité que mes parents ont su me donner. Je cherche l'insouciance de la petite Marion, cette sensation d'éternité, le temps qui passe si lentement qu'il nous fait croire que la vie est infinie. Je recherche cette belle illusion : le monde entier est heureux et tout le monde a une vie joyeuse, des parents en bonne santé qui s'aiment, un super grand frère.
Mais j'ai grandi. J'ai compris qu'il fallait prendre des décisions et agir, ne pas seulement attendre que le vent me porte. Que la vie est faite de contraintes, que j'aurai aussi mon lot de peines et d'épreuves à surmonter. Qu'un jour je vais mourir et que c'est tant mieux. Que je suis à la recherche du dimanche mais qu'il y a aussi des lundis. Qu'il ne faut pas avoir peur de ses émotions, que se prendre une veste est moins grave que de passer à côté d'une belle histoire. « Je t'aime ». Trois petits mots de rien du tout, tellement difficiles à dire pour certaines personnes, durs à entendre pour d'autres. « Je t'aime, pense-le toujours mais ne me le dis jamais », ça c'est fini. Je me mets à la diète, au sport, à la musique, à lire, à écrire, à me faire confiance, à travailler, à m'installer, et surtout, surtout, je me remets à sourire.
On ne freine pas devant le Bonheur.
Aujourd’hui, je suis prête à t'aimer.
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