1 - Premiers pas
Voyageurs, vous voilà dans un autre jardin
Que les siècles n'ont pu, de leur étique paume,
Altérer sous notre œil ténébreux et badin,
Eternelle béance, irrésistible pomme.
Le dos nu des amants s'unit au magnolia
Célébrant leur amour et les fleurs immortelles
Comme l'Eléonore ou la belle Ophélia,
La Jeanne et l'Aglaé, femmes et demoiselles.
Et dans cette nature, un poète discret
La prolonge en nos chairs, lits des anges d'un monde
Où les dieux n'ont su taire un si précieux secret,
La prolonge en ruisseaux, en buissons près de l'onde.
Tant de plaines, d'avens, de cimes à fouler !
Je suis un voyageur sur le corps d'une femme
Qui ne cueille que l'âme afin de l'étoiler
De tout ce que j'aurai forgé dans cette flamme.
Les mots peuvent porter le vice et les pêchés
En les couvrant d'oeillets, de raisins et de conques,
Mais jamais de ces poux qu'auront les gueux lachés,
Je les laisse aux esprits des profanes quelconques.
Si de l'ange l'on prend la parfaite blancheur,
Du beau diable pourtant l'on peut prendre les cornes,
Pour écrire ces vers de trompeuse candeur,
Ennemis des amours insipides et mornes.
Je longerai les flancs pour atteindre les rus,
Traverserai la lande et les gorges soyeuses,
Loin des bourgs saturés de tous ces malotrus
Enfourchant les catins sur les meules joyeuses.
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