Partie 1 : Mike Chapitre 1

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 Cela faisait déjà une bonne heure que nous étions partis.

 — Mickaël, lâche-moi la grappe, tu veux ? Je conduis.

 — OK Jordan… Mais je reste persuadé que tu voulais sortir avec Sarah.

 Le voyage allait être long.

 — Les garçons... Arrêtez vos chamailleries, trancha Jenny.

 — Et toi Mike, tu en penses quoi de tout ça ? demanda Mickaël.

Pourquoi étions-nous partis déjà ? Ah oui, ça me revient…

 — Mike tu rêvasses ? On t’a posé une question, tu étais dans la lune ou quoi ? demanda Jordan.

 — Désolé les gars, j’ai la tête ailleurs.

 Mickaël leva les bras pour redresser sa casquette noire puis la tourna vers l’arrière tout en se rabattant vers moi.

 — Mais arrête de penser, sois cool. Tu viens d’avoir ton diplôme, d’ailleurs, on vient tous de l’avoir, alors zen. Profite de cette semaine qu’on va se faire à cinq.

 — On aurait dû être quatre à partir… affirma Jordan en frottant son crâne rasé.

 — Je vous ai dit d’arrêter de vous disputer tous les deux !

 Jenny dévisagea Mickaël mais passa ses doigts dans ses cheveux longs quand son regard se déplaça sur Jordan. Ses yeux se posèrent sur sa veste noire, puis ils remontèrent doucement jusqu’à atteindre ses yeux bleus étincelants. Nous cachait-elle quelque chose ?

 — Oui, on aurait dû être quatre, mais nous n’allions pas laisser Mickaël déprimer seul.

 — C’est vrai, confirma Sam en sortant d’un sommeil profond. Je trouve ça très moche la façon dont Audrey t’a largué.

 Elle bailla puis recoiffa ses cheveux violets ébouriffés.

 Le front de Mickaël se crispa.

 — Bon, on peut arrêter de parler de ça ?

 — Sois cool, c’est toi-même qui le dis, plaisanta Jordan.

 Mickaël soupira un grand coup.

 — Ce n’est pas grave, il faut passer à autre chose. Sinon, dit-il pour changer de sujet, on arrive dans combien de temps ?

 — Dans deux heures s’il n’y a pas de bouchons, souffla Jordan.

 — Mais il n’y a aucune voiture à l’horizon, dis-je.

 — Justement, c’est ça qui m’inquiète. Jenny, peux-tu vérifier la météo sur ton téléphone.

 — OK… Si tu veux mais pour la énième fois je te dis que…

 Elle redressa ses lunettes noires et ouvrit légèrement sa bouche laissant paraître son étonnement.

Plus un bruit ne se fit dans la voiture pendant de longues secondes. Jenny était figée, son téléphone en main.

 — Qu’est-ce que tu as ? Tu as vu un fantôme ou quoi ? lança Jordan.

 — Bah, ils annoncent un orage violent et incitent les personnes se trouvant à l’extérieur à rentrer immédiatement chez eux. Je te promets qu’il n’y a pas plus d’un quart d’heure, ils affichaient une magnifique journée ensoleillée.

 Nous entrions dans une forêt, dessinée par des centaines d’arbres aux alentours.

 — Je te crois, mais nous sommes à mi-chemin, nous pourrons bien nous abriter quelque part et trouver refuge si le temps se gâte réellement. Tu sais, ils exagèrent toujours.

 Cependant, cette fois-ci ce n’était pas le cas.

 — J’espère que tu dis vrai.

 Mickaël tourna son regard vers Jenny.

 — Super les vacances, ironisa Mickaël. Moi qui pensais que nous serions bien au bord de la mer dans la résidence secondaire de tes parents.

 Sam le coupa.

 — Bah si tu n’es pas content, tu peux rentrer chez toi !

 — Je disais ça pour blaguer.

 Jenny et moi regardions Sam prête à éclater, folle de rage. Elle ne supportait pas les personnes prétentieuses et surtout pas Mickaël. Nous voulions l’arrêter mais, il était trop tard.

 — Je comprends pourquoi Audrey t’as plaqué, tu es immature et complètement débile !

 Je regardais la scène, impuissant. La timidité m’envahit, je n’osais pas intervenir. J’aurais dû.

 — Arrêtez ! cria Jordan en se retournant.

 Ce fut la seconde de trop. Une seconde que j’aurais pu éviter. Il était trop tard, le piège se refermait sur nous à cause de moi.

 BAM !

 La voiture s’arrêta net et, comme une alerte, un éclair retentit suivi d’une averse qui déferla à plein régime.

 — Que s’est-il passé ? demandai-je.

 Jordan sortit de la voiture pour regarder les dégâts. Le véhicule avait dévié de sa trajectoire pour s'encastrer sur un arbre.

 Nous voyions le regard de Jordan passer de la tristesse à l’énervement. Un cri strident sortit de sa bouche. Il donnait des coups de pied incessants dans son véhicule en le traitant de tous les noms. Nous ne l’avions jamais vu comme ça. Nos regards se croisaient en attendant que sa crise passe. Puis, après un petit moment, il revint dans la voiture, trempé, et sortit son téléphone.

 — Il n’y a pas de réseau dans ce bled paumé !

 Jenny frottait agilement ses mains sur les manches de son gilet rouge pour se réchauffer.

 — Calme-toi, on est entier. On va bien trouver une habitation ou quelqu’un pour nous renseigner.

 — Mais il n’y a personne ici !

 Sam montra une ombre dans l’obscurité des arbres.

 — Regardez là-bas.

 Tous virent la silhouette d’un homme qui paraissait être assez vieux et barbu. Il devait être accoudé sous un arbre et légèrement voûté pour ne pas se faire repérer, car il se redressa en ramenant ce qui ressemblait à un bras le long de son corps et disparut dans le noir.

 — Suivons-le ! affirma Mickaël, il pourra peut-être nous aider.

 Après une longue période de marche, la nuit était tombée et l’orage hurlait à en faire mal aux tympans. Le faible éclat de lumière qui nous laissait percevoir la forêt dense et immortelle provenait du croissant de lune qui brillait intensément dans le ciel. Nos chaussures étaient recouvertes de feuilles collées par de la boue. Le froid nous ébranlait dans ces bois silencieux. Seuls les bruits de la nuit telle que le craquement inattendu des branches ou encore le hululement des hiboux nous tenaient compagnie. Cependant, aucune trace de l’homme…

 — Sérieux, il ne peut pas être allé si loin ! cria Jordan de peur que nous ne l’entendions pas assez.

 — On aurait peut-être dû rester dans la voiture et attendre que quelqu’un passe…

 — N’en rajoute pas Jenny, on va trouver une solution relativisa Sam.

 Dans mon œil gauche une lueur jaunâtre m'interpela.

 — Regardez ! Un manoir !

 Jordan qui gardait les yeux rivés au sol et continuait d’avancer ronchonna :

 — Pas maintenant Mike. Les plaisanteries ont assez duré pour aujourd’hui.

 — Mais je te jure, regarde !

 Il se retourna, exaspéré.

 — Mais tu ne penses pas que s’il y avait un manoir on l’aurait déjà vu…

 Il montrait le grand bâtiment du doigt tout en baissant le ton, puis fit la moue. Il n’en revenait pas. En se concentrant assez, nous pouvions voir la silhouette d’un individu devant le manoir. La même que celle que nous avions vue plus tôt.

 Pourquoi avions-nous pris la route déjà ? Ah oui, ça me revient… cinq bacheliers issus de la même classe partis en vacances pour fêter la fin de l’adolescence et le passage à l’âge adulte. Super les vacances !

 Après s’être regardés à maintes reprises, les visages apeurés et fatigués, nous avancions vers le manoir. Sur la pancarte, au-dessus des portes en bois délabrées, était inscrit hotêl. Une faute aussi grotesque aurait pu être évitée mais vu la situation, nous en fîmes abstraction.

 En un claquement, les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes sur le néant comme pour inciter sa proie à venir se refermer dans son traquenard.

 La marche arrière n’était désormais plus possible et, l'estomac noué, nous entrions dans cette pièce assombrie.

 Le cauchemar venait de commencer.

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